Contentieux contractuels (inexécution, résiliation, malfaçons, etc.)
9/10/25

Article 145 CPC : constituer des preuves avant le procès, "l’instruction in futurum"

Article 145 du CPC : Comprendre les mesures d’instruction in futurum (constitution de preuve avant un litige), leurs conditions d’application, leurs enjeux pratiques et l’articulation avec les autres procédures civiles et pénales. Un guide complet pour les praticiens, enrichi d’exemples concrets et de FAQ, rédigé par un avocat en contrats commerciaux et contentieux à Paris.

Introduction à l’article 145 du CPC

L’article 145 du Code de procédure civile, instauré par le décret n° 73-1122 du 17 décembre 1973, offre au justiciable la possibilité de demander, avant tout procès, des mesures d’instruction visant à conserver ou établir la preuve de faits pouvant influencer l’issue d’un litige. Cette procédure, qualifiée d’in futurum, est un outil probatoire préventif et transversal, présent dans de nombreux domaines du droit. Elle permet, à condition de démontrer un motif légitime, d’obtenir l’intervention du juge pour renforcer sa position probatoire future.

Encadré pédagogique :
« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » (art. 145 CPC).

Qu’est-ce qu’une requête 145 du CPC ?

La requête 145 du CPC permet d’obtenir une mesure d’instruction préventive, ordonnée par le juge, pour la conservation ou l’établissement de preuves, sur requête (procédure non contradictoire) ou en référé (procédure contradictoire). Cette procédure concerne principalement les situations où le risque de disparition, de falsification ou de perte d’éléments essentiels rend la collecte de preuves avant toute action judiciaire impérative.

Exemples concrets :

  • Un employeur suspecte un acte de concurrence déloyale : il peut solliciter une saisie de documents chez d’anciens salariés avant d’intenter une action judiciaire.
  • Un locataire estime que la surface de son bien est inférieure à celle mentionnée au bail : une expertise peut être ordonnée avant procès.
  • En droit de la construction, un maître d’ouvrage fait expertiser la conformité de travaux avant d’engager le constructeur.

I. Les mesures d’instruction in futurum : Définition et portée

1. Définition

Les mesures d’instruction in futurum sont des interventions judiciaires anticipées visant à protéger le droit à la preuve en dehors du procès au fond. Elles peuvent être sollicitées de manière contradictoire (référé) ou non contradictoire (requête sur ordonnance).

2. Exemples de mesures d’instruction in futurum

  • Saisie contrefaçon (examen de documents pour prouver une atteinte aux droits d’auteur ou de brevet)
  • Expertise immobilière (vices cachés ou malfaçons)
  • Constat d’huissier (infidélité contractuelle, destruction de preuves imminente)

Encadré jurisprudentiel :

Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 20-21.925 (concurrence déloyale) ; Cass. soc., 22 septembre 2021, n° 19-26.144 (discrimination).

II. Les conditions strictes d’application de l’article 145 du CPC

1. L’existence d’un motif légitime

Le demandeur doit démontrer que la mesure sollicitée est justifiée par la crainte de la disparition des preuves ou par l’importance de l’élément à démontrer. Le litige futur potentiel doit être suffisamment déterminé dans son objet et son fondement sans être une pure hypothèse.

2. La nécessité et la proportionnalité de la mesure

Le juge doit vérifier que la mesure est :

  • Nécessaire à l’objectif de preuve;
  • Proportionnée aux intérêts en présence et au périmètre du litige. Elle ne doit pas constituer un abus (comme un moyen de harceler la partie adverse ou de collecter indûment des informations confidentielles).

3. Respect des droits fondamentaux

La mesure ne doit pas porter atteinte de façon illégitime aux droits et libertés des parties, tels que le droit à la vie privée ou le secret des affaires.

Exemples jurisprudentiels :

  • Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-24.309 (encadrement de la durée et du périmètre de la mesure)
  • Cass. civ. 1, 8 juin 2016, n° 15-16.696 (limite de l’application à l’expertise génétique)

4. L’absence de procès au fond

La demande d’instruction doit intervenir avant toute instance au fond. Il suffit d’identifier le litige futur sans nécessité de démontrer la recevabilité ou le bien-fondé de l’action elle-même.

Exemple :

Une entreprise peut solliciter une mesure sur l’article 145 du CPC pour préparer une action en concurrence déloyale avant toute assignation au fond.

III. Procédure : Référé, requête et articulation avec les autres voies

1. La procédure sur requête

Cette procédure non contradictoire est particulièrement adaptée lorsqu’une intervention rapide est nécessaire pour éviter la disparition de preuves. Exemple : engagement d’un huissier sans que la partie adverse soit avertie.

2. La procédure en référé

Le débat contradictoire est organisé devant le juge. La mesure peut être contestée sur la nécessité, la proportionnalité ou le respect des droits fondamentaux.

3. Articulation avec la procédure pénale

Une demande sur le fondement de l’article 145 du CPC est recevable même si une procédure pénale est envisagée. Il est toutefois délicat de concilier les deux ; la jurisprudence exige de ne pas entraver l’action pénale et d’anticiper les éventuelles interactions.

4. Arbitrage et compétence territoriale

L’application de l’article 145 du CPC est possible devant le juge des référés, même en présence d’une clause compromissoire, tant que la juridiction arbitrale n’a pas statué au fond (sauf convention contraire des parties). La compétence territoriale est fixée en fonction du lieu de réalisation de la mesure ou de l’objet à examiner.

Cas pratique :

  • Article 145 du CPC peut s’appliquer à un contrat de franchise avec clause compromissoire (CA Douai, 29 janvier 2015).
  • Pour une expertise immobilière, seul le juge du lieu d’implantation de l’immeuble est compétent (article 145 alinéa 3 du CPC).

IV. Comment s’assurer de la bonne application de l’article 145 du CPC ?

1. Rédiger une requête solide

  • Préciser l’objet du litige potentiel
  • Démontrer le motif légitime
  • Détailler l’utilité de la mesure au regard de la future procédure

Exemple de clause de requête :

« Considérant que la société X suspecte la société Y d’actes de concurrence déloyale, la société X sollicite par la présente requête la désignation d’un expert judiciaire afin d’établir la réalité et l’étendue des faits allégués avant tout procès au fond. »

2. Éviter les abus et garantir la confidentialité

La demande doit être argumentée et circonstanciée ; toute utilisation abusive (collecte massive de données, absence de litige réel) entraîne le rejet de la mesure.

Encadré pratique :

  • Respect du secret des affaires : le juge peut ordonner un séquestre ou restreindre l’accès aux pièces sensibles.

V. Les limites et les risques de la mise en œuvre de l’article 145 du CPC

1. L’opposition de la partie adverse

La contestation sur la nécessité ou la légitimité de la mesure peut engendrer des délais.

2. Le risque d’abus

Des mesures disproportionnées ou non justifiées peuvent être qualifiées d’abus et sanctionnées.

3. Confidentialité et respect des droits

Le respect du secret des affaires ou de la vie privée reste un enjeu majeur, justifiant parfois le refus d’accès à certaines preuves.

4. L’appréciation souveraine du juge

La décision de faire droit à la requête relève de l’appréciation du juge, qui veille à l’encadrement de la mesure dans sa durée et son objet.

VI. Principaux articles connexes du Code de procédure civile

  • Article 700 du CPC : indemnisation des frais non compris dans les dépens.
  • Articles 834 et 835 du CPC : procédures en référé et leur urgence.
  • Article 42 du CPC : attribution territoriale de compétence.
  • Article 46 du CPC : compétence optionnelle.
  • Article 331 du CPC : modalités de la communication de pièces.
  • Article 145 du Code civil : (non pertinent ici, concerne le droit des personnes/famille).
  • Article 146 du Code civil : (idem, mariage).

VII. Application pratique dans différents domaines : Exemples et jurisprudence

1. Droit de la distribution et de la franchise

Application systématique de l’article 145 pour conserver les preuves d’une rupture abusive ou d’un détournement de clientèle.

2. Droit du travail

Recours à l’article 145 pour démontrer une pratique discriminatoire ou un débauchage fautif (Cass. soc., 22 septembre 2021).

3. Droit immobilier

Expertises sur la conformité des travaux, la réalité de la surface louée, etc.

VIII. Tableau récapitulatif des principaux points de l’article 145 du CPC

Condition d’applicationExigence/Illustration
Motif légitimeCrainte de disparition de preuves, intérêts bien déterminés
NécessitéMesure utile et non excessive
ProportionnalitéRespect des intérêts en présence
Respect des droits fondamentauxSecret des affaires, vie privée
Procédure adaptéeSur requête ou en référé

IX. FAQ : Réponses aux questions les plus recherchées

Qu’est-ce qu’une requête 145 du CPC ?

C’est une demande adressée au juge, avant toute instance, pour obtenir une mesure d’instruction en vue de conserver ou d’établir la preuve. Cette requête peut être contradictoire (référé) ou non (requête sur ordonnance).

Quelles sont les mesures d’instruction in futurum ?

Elles incluent les expertises judiciaires, les constats d’huissier, les saisies de documents, l’examen de comptabilité ou de pièces informatiques, etc. Elles sont prévues pour garantir la conservation de preuves avant tout procès.

Quand a été consacré l’article 145 du Code de procédure civile ?

L’article 145 CPC a été consacré par le décret n° 73-1122 du 17 décembre 1973 et n’a cessé d’évoluer depuis, notamment par la jurisprudence et les évolutions législatives récentes.

Quel est l’article 700 du CPC ?

Il permet à la partie gagnante d’obtenir une indemnisation de ses frais irrépétibles (honoraires d’avocat, frais d’expertise…) lorsque ceux-ci ne sont pas compris dans les dépens.

À quoi correspondent les articles 834 et 835 du CPC ?

Ils encadrent la procédure de référé, permettant au juge de statuer rapidement, indépendamment de l’urgence dans certains cas (article 834) et en matière d’urgence (article 835).

Article 145 du code civil : pertinent ?

Non, cet article concerne le droit des personnes et du mariage, sans lien avec les mesures d’instruction probatoires du CPC.

Quid de l’article 331 du CPC ?

Il régit les modalités de communication de pièces entre les parties et peut être invoqué pour garantir le respect du contradictoire au cours des mesures d’instruction.

Rôle de l’article 46 du CPC ?

Permet une option de compétence territoriale, utile pour déterminer le juge compétent pour les mesures d’instruction.

Comment fonctionne l’ordonnance de référé CPC ?

Le juge prend une décision rapide, souvent provisoire, sur la base d’un débat contradictoire, pour ordonner des mesures conservatoires ou probatoires.

Quelle application pour l’article 42 du CPC ?

Cet article fixe la compétence territoriale du tribunal, en principe au lieu où demeure le défendeur.

Qu’est-ce que « artigo 145 cpc » ?

Il s’agit simplement de la traduction portugaise de l’article 145 du Code de procédure civile. Le contenu et les conditions sont similaires à la version française.

À quoi sert l’article 146 du Code civil ?

C’est un article du Code civil relatif aux conditions de validité du mariage, sans rapport avec les mesures d’instruction probatoires.

X. Points stratégiques, conseils et accompagnement par un avocat

L’article 145 du CPC est un mécanisme réglementé, dont l’usage nécessite anticipation et prudence. Il est vivement recommandé de vous faire accompagner par un avocat spécialisé afin d’éviter les écueils et de maximiser l’efficacité de la démarche probatoire.

XI. Module de prise de rendez-vous – Conseil sur l’article 145 et projets de contrats d’affaires

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XII. Conclusion

L’article 145 du CPC s’impose comme un outil clé des stratégies probatoires modernes : il

  • facilite l’accès à la preuve,
  • responsabilise les parties dans l’anticipation du procès,
  • encourage le recours préventif à la justice pour limiter les aléas et préserver les intérêts fondamentaux.
    Sa maîtrise requiert rigueur, discernement et conseil professionnel. Pour tout projet ou litige nécessitant une levée de preuve, n’hésitez pas à consulter un avocat expérimenté.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.