La cession de contrat est l’acte juridique par lequel un contractant, appelé le cédant, transmet à un tiers, le cessionnaire, l’ensemble de ses droits et obligations résultant d’un contrat en cours, avec l’accord de son cocontractant (le cédé).
Enjeux : Maintenir la continuité des relations commerciales, anticiper les mouvements d’entreprise (cession de fonds, restructurations), fluidifier la gestion contractuelle.
Exemple concret :
Une société qui vend son fonds de commerce peut céder, avec l’accord du client concerné, un contrat-cadre avec celui-ci à l’acheteur du fonds, évitant ainsi l’interruption de la relation commerciale.
• Article 1216 du Code civil :
« Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé. La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité. »
• Article 1216-1 :
La cession libère le cédant si le cédé y consent expressément. Sinon, le cédant reste solidairement tenu.
• Article 1216-2 :
Le cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant, et vice-versa.
• Article 1216-3 :
Règle le sort des sûretés attachées au contrat en cas de cession.
Certains contrats se prêtent aisément à la cession (baux commerciaux, contrats-cadres, contrats de sous-traitance). D’autres sont légalement ou contractuellement exclus, notamment :
• Les contrats conclus en considération de la personne ("intuitu personae"),
• Les contrats de travail (sauf transmission d’entreprise selon les règles du travail),
• Certains contrats réglementés (baux ruraux…)
À savoir : De nombreuses clauses contractuelles peuvent interdire ou réglementer la cession.
L’accord du cocontractant (le « cédé ») est requis pour que la cession produise tous ses effets.
• Il peut être donné à l’avance (clause d’agrément dans le contrat initial),
• Il peut être tacite, mais il doit être non équivoque et prouvé par tout moyen,
• À défaut d’accord, la cession est valable entre cédant et cessionnaire mais inopposable au cédé, qui peut ignorer le transfert et continuer à traiter uniquement avec le cédant.
Exemple jurisprudentiel :
Dans un arrêt récent (Cass. com. 24 avril 2024, n°22-15.958), la Cour de cassation rappelle que l’absence d’accord du cédé n’emporte pas nullité de la cession, mais son inopposabilité à ce dernier.
La cession de contrat doit faire l’objet d’un écrit, à peine de nullité.
La rédaction doit être précise sur :
• Les parties (cédant, cessionnaire, cédé),
• Le(s) contrat(s) cédé(s),
• La prise en charge des obligations (et du passif éventuel),
• Les garanties, notifications, etc.
Conseil pratique :
Ne sous-estimez pas l’exigence de forme : un écrit lacunaire peut rendre la cession inefficace ou source de contentieux ultérieur.
• Les parties doivent avoir la capacité juridique (personne morale : habilitation du signataire),
• Le consentement doit être libre et éclairé (attention aux pressions ou vices du consentement).
Le cessionnaire devient partie au contrat à la place du cédant : il assume toutes les obligations et bénéficie de tous les droits attachés au contrat cédé.
Si le cédé a donné son accord, il ne peut plus agir contre le cédant (sauf clause de garantie).
À défaut d’accord, il peut considérer le cédant comme toujours tenu et ignorer le cessionnaire.
« Si le cédant n’est pas libéré, les sûretés attachées au contrat subsistent. En revanche, si le cédant est libéré, ces sûretés ne subsistent que si le créancier y consent expressément. »
Explication rapide et pédagogique :
• Lorsqu’un contrat est cédé, les sûretés réelles ou personnelles (caution, hypothèque, nantissement…) peuvent garantir les obligations du cédant.
• Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, il reste co-obligé avec le cessionnaire → les sûretés demeurent automatiquement en vigueur.
• Si le cédant est libéré (par accord exprès du cédé), cela signifie qu’il sort entièrement du contrat → il ne peut donc plus rester engagé par les sûretés sauf si le créancier (le cédé) décide de les maintenir volontairement.
• Si le cédé a expressément consenti à la libération : seul le cessionnaire est tenu pour l’avenir,
• Sinon : le cédant et le cessionnaire sont solidaires (le cédé peut agir contre l’un ou l’autre pour obtenir exécution du contrat).
• Permet de prévoir à l’avance la possibilité de céder le contrat.
• Peut fixer une procédure : formalité d’information, droit de refus ou d’agrément, délai…
Exemple de clause :
“Chacune des parties pourra céder tout ou partie de ses droits et obligations issus du présent contrat, sous réserve de l’accord écrit et préalable de l’autre partie, cet accord ne pouvant être refusé que pour motif légitime.”
• Négligence de la notification ou du recueil formel de l’accord du cédé
• Cession d’un contrat interdit ou en violation d’une clause d’intuitu personae
• Description incomplète du périmètre des droits et obligations transférés
• En matière de bail commercial, des clauses types imposent parfois une procédure stricte (notification, agrément du bailleur). Une cession réalisée sans respecter ces clauses est inopposable au bailleur et peut déclencher la résiliation du bail.
• En l’absence d’accord valable du cédé, la cession est inopposable au cédé : il peut faire comme si elle n’avait jamais eu lieu.
• Le cessionnaire n’a alors aucun droit contre le cédé, mais la cession reste valable entre cédant et cessionnaire.
• Résiliation du contrat (ex : non-respect d’une clause interdisant la cession sans accord),
• Responsabilité civile du cédant : si la cession cause un préjudice au cédé ou au cessionnaire (ex : éviction du cessionnaire du fait d’une notification incomplète ou tardive).
• Cass. com., 24 avr. 2024, n°22-15.958 : absence d’accord écrit du cédé = cession inopposable, mais pas nulle.
• Baux commerciaux : Résiliation possible si la cession est réalisée malgré une interdiction contractuelle ou sans agrément du bailleur.
• Clause d’agrément : Un refus non motivé expressément peut être contesté comme abusif au regard des critères contractuels ou du droit commun des contrats.
• Vérifiez les clauses du contrat d’origine : identifiez toute restriction à la cession.
• Négociez les modalités préalablement : délai de notification, conditions de l’accord, garanties de passif éventuelles.
• Formalisez chaque étape par écrit.
• Obtenez et conservez la preuve de l’accord du cédé (courrier signé, mail explicite…).
• Rédigez avec précision l’acte de cession : parties, objet, obligations transférées, garanties…
• Anticipez la question des sûretés et prévoyez les avenants nécessaires.
C’est le mécanisme qui permet à un contractant de transférer à un tiers l’ensemble de ses droits et obligations issus d’un contrat, avec l’accord du cocontractant initial.
Un accord du cédé est requis ; à défaut, la cession est inopposable au cédé, mais valable entre le cédant et le cessionnaire.
Non, mais il doit pouvoir être prouvé par tout moyen, être non équivoque, et la cession elle-même doit être rédigée par écrit pour produire effet.
Seulement si le cédé l’a expressément accepté ; sinon, le cédant reste solidairement tenu vis-à-vis du cédé.
Oui, le contrat d’origine peut prévoir une interdiction ou des restrictions (ex : clause d’intuitu personae, clause d’agrément). En l’absence de clause, elle est autorisée sous réserve, toujours, de l’accord du cédé.
La cession non autorisée ou irrégulière est inopposable au cédé ; d’autres sanctions (résiliation du contrat, responsabilité civile) peuvent intervenir si elle lui cause préjudice.
Oui. Exemple :
“La présente convention ne pourra être cédée à un tiers sans l’accord exprès et préalable de l’autre partie, cet accord ne pouvant être refusé que pour motif légitime.”
• Lisez attentivement les articles 1216 à 1216-3 du Code civil pour comprendre les subtilités.
• Faites-vous accompagner dans la négociation et la rédaction des actes de cession, notamment pour les baux, contrats de distribution, gros contrats-cadres.
En conclusion :
La cession de contrat est une opération stratégique qui exige rigueur et anticipation. Garantissez la continuité de vos engagements et la sécurité juridique de toutes les parties en respectant la procédure : obtention de l’accord du cédé, rédaction d’un écrit précis, gestion des sûretés et communication transparente. Un contrat bien cédé, c’est un risque contentieux éliminé et une opération parfaitement maîtrisée.