La garantie de passif et la clause de révision de prix sont des piliers de la cession d’entreprise. Cet article d’avocat décrypte leur fonctionnement, leurs enjeux, les points de vigilance et vous livre une FAQ pédagogique appuyée sur des exemples et la jurisprudence.
La vente de parts sociales ou d’actions est l’un des moments les plus critiques pour le chef d’entreprise. Outre le prix, le véritable enjeu réside dans la maîtrise des risques futurs : redressement fiscal, contentieux social, dettes non révélées, engagement oublié…
La garantie de passif et la clause de révision de prix ont été conçues pour répondre à ces préoccupations : elles protègent l’acquéreur contre la découverte de dettes anciennes, des passifs cachés ou des événements remettant en cause la valorisation de la société, bien après la signature.
La garantie de passif est un engagement du vendeur d’actions ou de parts à indemniser l’acquéreur pour tout passif, dette ou charge dont la cause serait antérieure à la cession, mais qui viendrait à se manifester après celle-ci. Cette garantie est un complément crucial à la cession, car la protection légale “de droit commun” est jugée trop limitée pour l’acquéreur, surtout lors des rachats de sociétés significatives.
Exemple : Le vendeur s’engage à rembourser tout redressement fiscal notifié post-acquisition, mais dont l’origine (déclaration erronée) est antérieure à la prise de contrôle.
Attention : En l’absence de clause de garantie de passif ou de clause de révision de prix, l’acquéreur n’est pas complètement dépourvu de recours, mais il devra agir sur le terrain du droit commun, notamment pour dol ou vice caché, ce qui est beaucoup plus incertain.
• Garantie de passif : couvre l’apparition de dettes nouvelles, ou l’augmentation de dettes existantes, pour des causes antérieures à la cession.
• Garantie d’actif : couvre la diminution de valeur d’un actif révélée post-cession mais dont l’origine est antérieure.
Exemple : Si une machine, inscrite à l’actif, s’avère inutilisable pour vice caché antérieur à la vente, une garantie d’actif couvrira la perte de valeur subie.
• Garantie générale de passif (ex : « le vendeur garantit l’acquéreur contre tout passif de quelque nature que ce soit dont la cause serait antérieure à la cession »)
• Garanties limitées à certains postes (ex : fiscalité, social, environnement, litiges identifiés)
• Garantie d’actif net ou “garantie de bilan” : le vendeur s’engage à maintenir l’actif net (capitaux propres) au niveau constaté lors du bilan de référence.
Attention : Certaines garanties prennent la forme d’une stipulation pour autrui : dans ce cas, la société cédée (et non l’acquéreur) est bénéficiaire de la garantie.
Sont couverts :
• Les dettes (fiscales, sociales, commerciales, litiges en cours, pénalités, transactions, etc.) issues de faits antérieurs à la cession, non révélées ou non provisionnées.
• Les conséquences d’événements survenus avant la cession, même si leur effet (dette, condamnation, etc.) survient plus tard.
• Les pertes de valeur d’actif révélées post-cession, pour des causes antérieures (ex : litige sur la propriété d’un bien inscrit à l’actif).
Ne sont pas couverts :
• Les passifs nés d’événements postérieurs à la cession (droit nouveau, décision de gestion prise par l’acquéreur, perte post-cession…).
• Les pertes résultant simplement de la mauvaise gestion de l’acheteur.
Exemple concret :
Le redressement de cotisations sociales sur une période antérieure à la vente est couvert. En revanche, la perte d’un client consécutive à une décision postérieure de l’acheteur ne l’est pas.
Le contrat de garantie de passif doit :
• Reposer sur un consentement éclairé
• Déterminer précisément son périmètre, ses bénéficiaires, sa durée et son montant
• Préciser les modalités de mise en œuvre et d’information du vendeur
S’il s’agit d’une société signataire, la garantie doit être conclue au nom de la société par un représentant dûment habilité.
• Notification : Souvent, la garantie n’est mobilisable que sur notification formelle (LRAR, etc.) dans un délai précis après la découverte du passif.
• Obligation d’information : L’acheteur doit souvent informer le vendeur de toute réclamation ou contentieux susceptible d’entrer dans le champ de la garantie sans tarder, sous peine de forclusion.
• Droits de participation du cédant : Le cédant peut être autorisé à participer à la défense des intérêts de la société en cas de contrôle ou procédure (ex : contrôle fiscal).
Exemple de clause (à titre informatif seulement) :
« En cas de notification d’un redressement fiscal portant sur une période antérieure à la cession, l’acquéreur s’engage à informer le cédant dans les 15 jours de la notification, sous peine de forclusion de ses droits à garantie. »
• Le montant maximal de la garantie est souvent plafonné (ex : au prix de cession, ou X euros).
• Il peut exister une franchise (seuil minimal de mise en œuvre), ou un seuil plancher (ex : la garantie ne joue qu’au-delà de 10,000 € de passif non déclaré).
• Possibilité de prévoir une franchise simple ou relative (par exemple, l’acquéreur conserve à sa charge les premiers 5 000 €, le vendeur garantissant l’excédent ; ou la garantie ne couvre que la part dépassant un certain pourcentage des capitaux propres).
• Généralement, la garantie couvre les événements révélés pendant une période déterminée, souvent de 2 à 5 ans, sauf pour la fiscalité où la prescription peut aller jusqu’à 6 ans.
• Il est possible de prévoir plusieurs durées selon la nature du risque (ex : 3 ans pour le social, 6 ans pour le fiscal).
• À l’expiration de ce délai, la garantie devient inapplicable sauf faute intentionnelle ou dol.
La clause de révision de prix, ou clause d’ajustement du prix, est un mécanisme distinct qui ajuste le prix de vente en fonction de la situation réelle (ex : actifs, passifs, capitaux propres), constatée par un arrêté de comptes postérieur à la signature.
Exemple :
Si l’actif net au 31 décembre de l’année N-1 s’avère inférieur au montant pris en compte pour fixer le prix lors de la cession, le prix est diminué à due concurrence. Inversement, il peut aussi être majoré en cas de bonne surprise.
Distinction fondamentale :
• Garantie de passif : obligation d’indemniser des passifs anciens révélés après la vente,
• Clause de révision de prix : variation mécanique du prix selon la situation réelle des comptes, la clause entraîne un ajustement du prix de vente sans nécessairement impliquer la faute du vendeur.
Supposons un prix de cession de 1 M€.
Si, postérieurement, un audit révèle une réduction de l’actif net de 100 000€ (par exemple, des créances irrécouvrables, ou un stock surévalué non détecté initialement), la clause de révision de prix permet une réduction "automatique" du prix de vente de 100 000 €.
Attention : La clause de révision de prix ne s’applique en principe qu’au bénéfice de l’acquéreur, sauf stipulation expresse pour le vendeur.
• Préciser les postes d’actif ou de passif concernés,
• Méthode d’arrêté des comptes : prévoir un audit, une expertise ou un calendrier précis pour l’établissement des comptes d’ajustement,
• Procédure de challenge et de contestation : prévoyez une procédure claire pour résoudre les litiges sur l’arrêté de comptes (ex : nomination d’un expert).
• La réduction de prix se traduit fiscalement par une diminution de la plus-value imposable de cession (l’acheteur corrige la valeur d’acquisition, le vendeur sa plus-value).
• La garantie de passif (versement reçu par l’acquéreur) est assimilée à une réduction du prix si le paiement couvre une période antérieure à la cession et que la convention le prévoit clairement.
Exemple : Un cédant a cédé pour 100 000 € des titres acquis 50 000 € et verse 60 000 € à l’acquéreur en application de la garantie : il réalise, en pratique, une moins-value de 10 000 € (40 000 – 50 000).
• Garantie de passif simple : « Le cédant garantit personnellement à l’acquéreur le paiement de toutes les dettes sociales dont la cause est antérieure à la signature de la cession et qui ne seraient pas inscrites au bilan arrêté à la date de la cession. »
• Clause de révision de prix : « En cas de diminution de l’actif net ou d’apparition d’un passif supplémentaire révélé postérieurement à la détermination du prix, le prix de cession sera diminué à due concurrence. »
• La notification au cédant est une étape essentielle. Omettre d’informer ou informer trop tard expose l’acquéreur à la déchéance du bénéfice de la garantie.
• L’acquéreur a souvent intérêt à solliciter l’avis ou la participation du cédant sur toute transaction doctrinale ou contentieuse impactant un passif ancien.
• Les clauses imposent parfois à l’acquéreur de ne pas régler seul les réclamations des tiers, sans concertation.
• Les litiges concernent souvent le respect du formalisme de la clause, l’existence réelle du passif couvert, l’antériorité du fait générateur.
• Des expertises contradictoires sur la réalité et le montant du passif sont fréquentes.
• Précisez toujours l’origine temporelle des dettes couvertes (toute dette, impôt ou charge dont la cause est antérieure à la cession).
• Distinguez clairement garantie de passif / clause de révision de prix.
• Définissez le plafond, la franchise, la durée, les modalités de notification et d’information.
• Indiquez qui seront les bénéficiaires de la garantie (acquéreur, société cédée, sous-acquéreur éventuel ?).
• Prévoyez la solidarité entre plusieurs bénéficiaires ou plusieurs vendeurs, si souhaité.
• Indiquez si la garantie couvre uniquement le paiement direct au bénéficiaire, ou aussi le paiement à un tiers (ex : créancier social).
• Anticipez la transmission ultérieure du bénéfice de la garantie à un sous-acquéreur (stipulation pour autrui, clause d’extension).
• L’origine et la nature des dettes couvertes (passif, actif, dettes identifiées, etc.),
• La date butoir pour la prise en charge des dettes,
• Le plafond d’indemnisation, la franchise éventuelle,
• Le délai et la forme pour informer le cédant,
• Les éventuelles conditions suspensives ou résolutoires,
• La désignation des parties bénéficiaires (acquéreur, société, etc.),
• Les modalités d’appel de la garantie (notification, procédure contradictoire).
C’est une clause qui prévoit l’ajustement automatique du prix de cession en fonction de la situation réelle de la société (souvent l’actif net ou les capitaux propres arrêtés lors de l’audit post-cession). Elle favorise la neutralité budgétaire pour le vendeur comme l’acheteur et décourage la dissimulation d’informations sur la valeur réelle de la société.
• La clause de révision de prix ajuste mécaniquement le prix en tenant compte d’éventuels ajustements de l’actif ou du passif constatés. Elle ne repose pas sur une « faute » du vendeur.
• La garantie de passif est indemnitaire : elle suppose que le cédant indemnisera des charges imprévues et non déclarées, dont il est supposé avoir eu connaissance.
L’acheteur peut encore agir sur le fondement du droit commun (erreur, dol, vices cachés), mais la preuve à rapporter sera bien plus difficile et l’issue du contentieux incertaine. La garantie de passif conventionnelle permet d’inverser la charge de la preuve.
• Principalement l’acheteur (la personne ou société qui acquiert les titres).
• Parfois la société cédée, voire un sous-acquéreur si le contrat le prévoit expressément.
Ils ne sont pas imposés par la loi, mais négociés. La pratique veut que la garantie soit mobilisable de 2 à 6 ans selon la nature du risque (risques fiscaux, sociaux, passifs environnementaux…). Passé ce délai, la garantie s’éteint.
Oui : il est tout à fait possible d’exclure, par exemple, les contentieux connus ou identifiés, ou de limiter la garantie à certains postes (fiscalité, social, litiges, etc.). Le juge veillera à interpréter la clause selon son objet et les intentions des parties.
Oui, mais l’acheteur prend alors un risque significatif : il devra agir sur d’autres terrains qu’il maîtrise difficilement (vice caché, dol, garantie de droit commun). Prudence extrême recommandée sauf cas particulier (liquidation, prix symbolique…).
Sauf clause contraire, la garantie bénéficie à l’acquéreur initial. Cependant, certains contrats prévoient la transmission du bénéfice de la garantie aux sous-acquéreurs appartenant au même groupe.
Non. Elle n’est invocable qu’à raison de passifs dont la cause est antérieure à la cession.
1. Identifiez la dette ou le passif entrant dans le champ de la garantie (fait générateur antérieur, absence de provision…).
2. Respectez à la lettre la procédure contractuelle d’information/notif (LRAR, délai, participation du cédant…).
3. Accordez au cédant la faculté de participer à la défense en cas de contentieux ou redressement.
4. Si besoin, sollicitez une expertise contradictoire.
5. Engagez la procédure en paiement ou compensation selon la clause. En l’absence d’accord, saisir le tribunal compétent.
Lorsque vous négociez une cession d’entreprise, exigez toujours une rédaction claire, exhaustive et équilibrée des clauses de garantie de passif et de révision de prix.
Adaptez les clauses au contexte et au secteur (risques environnementaux, passifs sociaux particuliers, dépendance commerciale, etc.), soyez vigilant sur la durée, les plafonds, la solidarité, la transmission du bénéfice de la garantie.
Le rôle de l’avocat est de vous prémunir contre l’incertitude, grâce à des formules éprouvées, mais aussi une adaptation sur-mesure de ces clauses sensibles à l’économie propre de l’opération.