Découvrez tout ce qu’il faut savoir sur la preuve déloyale : définition, cadre juridique, conditions de recevabilité après le revirement de jurisprudence du 22 décembre 2023, exemples concrets, distinctions entre preuve déloyale et illicite et conseils pratiques, pour maîtriser sereinement ce sujet clé en contentieux d’affaires.
La question de la preuve déloyale occupe aujourd’hui une place centrale dans le contentieux civil et pénal, tout particulièrement depuis l’importante décision de la Cour de cassation du 22 décembre 2023. Vous êtes chef d’entreprise, dirigeant ou salarié, justiciable ou professionnel en quête de sécurité juridique : cet article vous éclaire sur les mécanismes, les opportunités et les risques d’utilisation de la preuve déloyale. Des exemples concrets et une FAQ pédagogique vous permettront d’appréhender efficacement cette matière sensible.
À retenir : La preuve déloyale ne doit plus être rejetée « par principe » mais sa recevabilité dépend désormais d’un contrôle strict du juge, mêlant analyse de la proportionnalité et de l’indispensabilité.
La preuve déloyale désigne tout élément obtenu à l’insu d’une personne ou par le biais d’une manœuvre, d’un stratagème ou d’une mise en scène visant sciemment à tromper ou piéger l’adversaire de procès. Elle recouvre notamment :
Jusqu’à fin 2023, la jurisprudence se montrait intransigeante : sauf rares dérogations, la preuve déloyale était écartée des débats, considérée comme portant atteinte à l’équité du procès.
Exemple : Un enregistrement clandestin été systématiquement déclaré irrecevable, y compris si l’autre partie avait commis une faute grave.
La donne change radicalement avec deux arrêts de la Cour de cassation (Ass. plén., 22 déc. 2023, n° 20-20.648) : le juge civil doit dorénavant apprécier si la production de la preuve déloyale est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et si l’atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi.
Encadré pédagogique : Les critères de recevabilité de la preuve déloyale
Jurisprudence : des exemples récents
Le juge doit :
Conclusion : La preuve déloyale est donc aujourd’hui recevable – mais seulement si elle est indispensable ET que l’atteinte est proportionnée au but poursuivi.
En droit civil, les modes de preuve sont :
A ces catégories « classiques » s’ajoutent de plus en plus les moyens électroniques (emails, SMS, messages instantanés), qui font aujourd’hui l’objet d’une abondante jurisprudence sur la loyauté et la sécurité de la preuve.
Exemple :
« Les parties conviennent expressément que les courriers électroniques échangés entre elles feront foi entre elles et pourront être produits en justice comme moyen de preuve, sous réserve qu’ils ne soient pas obtenus de manière déloyale ou frauduleuse. »
Exemple concret :
Une société veut prouver le détournement de clientèle par un salarié : seule une vidéo prise en dehors de la présence du salarié peut apporter la preuve, faute de caméras visibles ou d’attestation. Si la technique est indispensable et proportionnée, le juge pourra admettre la vidéo même obtenue sans avertissement
Exemple concret :
Un commerçant installe une caméra cachée pour identifier un voleur dans sa boutique : du moment qu’il n’a pas provoqué l’infraction, la preuve pourra être retenue, même sans déclaration préalable
Une preuve, même déloyale ou illicite, n’est irrecevable que si :
Astuce pratique : avant d’utiliser une preuve litigieuse, il faut toujours vérifier si la preuve est indispensable (aucun autre moyen loyal disponible), et si la méthode employée n’a pas été disproportionnée, ni attentatoire à des droits fondamentaux (vie privée, secret des correspondances…).
Enregistrement clandestin d’un salarié
Vidéosurveillance non déclarée
C’est toute preuve obtenue ou produite à l’insu d’une personne, en dehors de sa volonté ou par une ruse, un stratagème ou une manœuvre. Elle se distingue de la preuve illicite, qui viole la loi : leur régime tend à s’unifier sur la base du double critère (indispensabilité et proportionnalité), suite au revirement de jurisprudence du 22 décembre 2023.
Les cinq modes de preuve en droit civil sont : l’écrit, le témoignage, la présomption, l’aveu et le serment.
La preuve déloyale civile n’est plus systématiquement écartée. Elle est recevable si elle est indispensable et si l’atteinte aux droits antinomiques (vie privée, secret, etc.) est proportionnée au but recherché.
En matière pénale, le principe de loyauté concerne les enquêteurs, pas les parties privées. La preuve obtenue par stratagème est recevable à condition qu’il n’y ait pas de provocation à l’infraction.
Lorsque l’on pouvait obtenir la preuve d’une autre manière, ou que la méthode employée porte une atteinte excessive aux droits en présence, la preuve sera écartée. La provocation à l’infraction est toujours prohibée.
La preuve illicite résulte d’une violation de la loi ; la preuve déloyale procède d’une manœuvre ou d’un stratagème. Le juge applique désormais le même contrôle dans les deux cas.
Unification du régime juridique : acceptation d’une preuve déloyale si elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et si l’atteinte causée est strictement proportionnée — le juge exerce un contrôle circonstancié.
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La gestion de la preuve déloyale nécessite anticipation, stratégie, et discernement : la prudence recommande systématiquement de solliciter les conseils d’un avocat afin de mesurer les risques et protéger au mieux vos intérêts.
La preuve déloyale est une matière réglementée et complexe. Seul l’accompagnement d’un avocat vous permettra d’anticiper toutes les conséquences pour votre dossier, tant en matière civile que pénale.
Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.