Le juge des loyers commerciaux fixe le loyer des baux en cas de renouvellement ou de révision, selon une procédure très encadrée. Découvrez les étapes, compétences, questions juridiques et exemples concrets pour bien agir ou conseiller vos clients en matière de contentieux locatif commercial.
Le contentieux du bail commercial, notamment la fixation ou la révision du loyer, est un sujet central dans la vie des entreprises et des propriétaires.
Le juge des loyers commerciaux incarne l’autorité qui tranche ces litiges lorsqu’un accord entre parties n’a pu aboutir.
Son intervention repose sur un cadre procédural et juridique strict, où chaque étape compte – de la notification des mémoires à l’audience finale et à la décision, qui devient un titre exécutoire.
Le juge des loyers commerciaux est le président du tribunal judiciaire, juridiction spécialisée et exclusivement compétente pour fixer le loyer des baux commerciaux en cas de renouvellement, révision triennale ou contestation d’une clause d’échelle mobile (indexation).
Son intervention vise à protéger l’équilibre contractuel, garantir la sécurité juridique des parties et assurer la stabilité du marché locatif commercial.
Exemple concret
Vous représentez un propriétaire et le locataire refuse le loyer proposé pour le renouvellement du bail. Après une tentative de négociation, vous saisissez le juge des loyers pour qu’il fixe le nouveau montant. Le juge examine le marché, les rapports d’expertise et tranche, son jugement ayant force exécutoire.
Le juge est exclusivement compétent pour :
• Fixer le loyer du bail renouvelé
• Fixer le loyer lors d’une révision triennale
• Statuer sur l’application ou la contestation d’une clause d’indexation
Sont exclues les autres contestations (ex : validité du contrat, troubles de jouissance…).
La compétence territoriale est attachée au lieu de situation de l’immeuble. Les parties peuvent déroger à cette règle par une clause apparente.
Le juge des loyers ne peut, sauf exception, statuer sur des demandes accessoires (indemnités…) ni prononcer de condamnation : il fixe le loyer uniquement.
Avant toute saisine, la partie souhaitant agir doit notifier un mémoire à l’adversaire, exposant ses prétentions et arguments. Cette notification doit répondre à un formalisme précis (LRAR ou acte d’huissier, contenu détaillé conforme au Code de commerce).
• Le défaut de notification préalable entraîne une fin de non-recevoir et l’irrecevabilité de la procédure.
• Le mémoire interrompt la prescription biennale applicable en matière locative commerciale.
Après le mémoire initial, les parties peuvent échanger des mémoires complémentaires. Les pièces (bail, avenants, plans, rapports d’expertise, courriers de notification) doivent y être jointes, certifiées conformes.
Exemple de clause pour permettre le recours au juge des loyers
« En cas de désaccord sur le montant du loyer lors du renouvellement du bail, chacune des parties pourra saisir le juge des loyers commerciaux compétent afin qu’il fixe le montant du loyer dans les conditions prévues aux articles R.145-23 et suivants du Code de commerce. »
La partie la plus diligente dépose le dossier au greffe, accompagné du mémoire et des pièces. Le greffe fixe la date d’audience et notifie les parties.
• Attention : le juge ne peut être saisi avant l’expiration d’un délai d’un mois après la réception du premier mémoire par la partie adverse.
Depuis le décret du 11 décembre 2019, la constitution d’avocat est obligatoire devant le juge des loyers commerciaux. Les mémoires doivent être signés par un avocat.
L’audience est généralement écrite : les avocats ne peuvent développer oralement que les moyens et conclusions des mémoires déposés. Les parties peuvent se faire assister ou représenter.
Le juge peut ordonner une expertise amiable ou judiciaire pour éclairer sa décision, solliciter des rapports, et effectuer des mesures d’instruction si les prétentions des parties divergent ou sont insuffisamment motivées.
La fixation du loyer intervient selon la valeur locative du bien, les usages commerciaux, et en prenant en compte les conditions économiques et environnementales du secteur.
Exemple pédagogique
Le juge pourra missionner un expert pour analyser l’évolution des loyers de magasins similaires situés dans un quartier commercial de Paris ou étudier l’impact d’une modification lourde des locaux sur la valeur locative proposée.
Dans certains cas, le juge peut surseoir à statuer dans l’attente de l’avis de la commission, surtout pour les litiges relatifs à la révision du loyer.
Une fois le loyer fixé par le juge, le jugement constitue un titre exécutoire. Il marque le point de départ du nouveau loyer, et des intérêts de retard.
• Il est immédiatement applicable, sauf appel
• Le taux d’intérêt légal est majoré de cinq points après 2 mois d’inexécution
Le jugement est susceptible d’appel dans le délai d’un mois. La cour d’appel est tenue par les mêmes pouvoirs limités que le juge des loyers : elle ne peut pas étaler la hausse du loyer ou prononcer une condamnation.
En cas d’appel
Le preneur doit verser le loyer fixé à titre provisoire sauf surévaluation ou solvabilité manifeste.
Recouvrement des loyers
En cas de non-paiement du loyer fixé, le bailleur peut agir à titre exécutoire pour liquide sa créance, même si le jugement est frappé d’appel.
Toutes les actions relatives à l’application du statut des baux commerciaux sont soumises à une prescription de 2 ans :
• Le point de départ varie selon la nature du litige (date de prise d’effet du bail renouvelé, notification de la demande de révision…)
• La notification du mémoire interrompt ce délai.
Depuis la loi du 4 août 2008, le régime de la forclusion a été supprimé pour les contestations du renouvellement en baux commerciaux. Le délai de droit commun de prescription demeure applicable.
Exemple : Le juge, après expertise, constate que la valeur locative réelle est inférieure au loyer proposé par le bailleur. Il fixe un montant inférieur et son jugement devient immédiatement applicable, sauf appel. (Cass. 3e civ., 6 oct. 2016, n° 15-12606).
Exemple : Le juge missionne une expertise pour déterminer la surface réellement exploitée après travaux. Il fixe un loyer ajusté en fonction des nouveaux usages (Cass. 3e civ., 2020).
Exemple : Si le mémoire est notifié plus de deux ans après la date de prise d’effet du bail renouvelé, l’action est irrecevable (Cass. 3e civ., 20.10.2016 n°15-19940).
Dès qu’un désaccord survient sur le montant du loyer lors d’un renouvellement ou d’une révision triennale, ou sur l’application d’une clause d’indexation. La saisine se fait après notification du mémoire préalable, dans le délai légal de prescription de deux ans.
Le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble, sauf clause expresse dérogatoire dans le bail.
Oui, depuis le décret de 2019, la représentation par avocat est obligatoire. Les mémoires doivent être signés par un avocat.
La procédure devant le juge des loyers commerciaux concerne la fixation du loyer, non le recouvrement. Pour un impayé, il faut saisir le juge des référés du tribunal judiciaire pour obtenir une condamnation ou une mesure conservatoire.
Compétence exclusive pour la fixation du loyer du bail renouvelé ou révisé, et pour statuer sur les litiges liés à l’application d’une clause d’indexation.
Me contacter pour un modèle. La notification du mémoire se fait par LRAR ou acte d’huissier, avec pièces justificatives détaillées.
Procédure dite « sur mémoire », notification préalable, échange de mémoires, dépôt au greffe, fixation d’audience, représentation obligatoire par avocat, jugement exécutoire.
L’appel est possible dans le délai d’un mois à compter de la notification. La cour d’appel est tenue par la même compétence limitée que le juge : fixation seulement du montant du loyer, non des accessoires.
Prescription de 2 ans à compter du fait générateur du litige (prise d’effet du bail renouvelé, notification demande de révision), interrompue par la notification du mémoire.
Il dispose : « Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace ».
La fixation judiciaire du loyer commercial constitue un moment clé dans la vie d’un bail commercial.
La procédure devant le juge des loyers commerciaux, à la fois technique et très encadrée, exige rigueur, anticipation et parfaite maîtrise de la législation et jurisprudence. Avocat expérimenté à Paris, je vous conseille d’intégrer ces mécaniques dès la négociation ou le renouvellement du bail, afin de minimiser les aléas et d’assurer la meilleure défense de vos intérêts.
Pour aller plus loin dans votre pratique ou votre accompagnement, n’hésitez pas à solliciter un conseil personnalisé, à actualiser vos modèles de clause et de mémoire, et à suivre l’actualité jurisprudentielle et doctrinale en matière de loyers commerciaux.
Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris