Contrats commerciaux
20/10/25

Le transfert de propriété : comprendre, anticiper et sécuriser cette étape clé pour les entreprises

Meta description : Le transfert de propriété est une étape centrale des contrats de vente ou d’achat, qu’il s’agisse de biens mobiliers, immobiliers ou de marchandises. Découvrez son cadre juridique, ses conséquences et les bonnes pratiques à adopter pour sécuriser vos opérations.

Introduction : pourquoi le transfert de propriété est un enjeu stratégique pour les PME ?

Pour un dirigeant de PME, la question du transfert de propriété n’est pas qu’une formalité juridique. Elle détermine le moment où l’acheteur devient propriétaire d’un bien — et, surtout, celui où il en assume les risques (perte, détérioration, destruction). Une mauvaise anticipation peut avoir des conséquences lourdes : perte de marchandises, litiges avec vos fournisseurs ou clients, refus d’assurance.

Le transfert de propriété est régi par le Code civil, notamment les articles 1196 à 1198 et 1583, qui posent le principe du transfert solo consensu : la propriété est transférée par le seul accord sur la chose et le prix.

Qu’est-ce que le transfert de propriété d’un bien ?

Le transfert de propriété désigne le passage juridique d’un bien d’un propriétaire à un autre. Ce transfert résulte le plus souvent d’un contrat de vente, mais il peut aussi intervenir par donation, succession ou échange.

En principe, l’acheteur acquiert automatiquement la propriété du bien dès l’accord sur la chose et le prix. Ce principe est exprimé à l’article 1583 du Code civil. Autrement dit, la vente est parfaite dès la rencontre des volontés, sans qu’il soit nécessaire que le prix soit payé ou que la chose soit livrée.

Exemple concret :

Vous signez un bon de commande pour l’achat de 100 chaises destinées à votre entreprise. Dès accord sur le prix et la description des chaises, vous en devenez propriétaire juridiquement, même si vous n’avez pas encore reçu la marchandise.

Comment se fait le transfert de propriété selon le Code civil ?

Le principe : le transfert solo consensu

Selon l’article 1196, alinéa 1er, « dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou la cession d’un autre droit, le transfert s’opère lors de la conclusion du contrat ».

Cela signifie que le transfert intervient au moment même de l’accord contractuel, sans autre formalité. C’est ce que l’on appelle le principe consensuel.

L’effet translatif du contrat et transfert des risques

L’article 1196, alinéa 3 précise que le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose. Le futur acquéreur supporte donc la perte ou la détérioration du bien dès cet instant.

Exemple : Vous achetez un véhicule utilitaire le lundi mais sa livraison est prévue le jeudi. Si un incendie détruit le véhicule chez le vendeur avant la remise, vous en supportez le risque — sauf clause contraire.

Le cas particulier des choses de genre

Lorsque la vente porte sur des choses non encore individualisées (par exemple, des marchandises en stock), la propriété n’est transférée qu’après individualisation : c’est-à-dire quand les biens vendus sont séparés du stock global et identifiés.

Transfert de propriété et délivrance : deux obligations distinctes

Le transfert de propriété ne doit pas être confondu avec l’obligation de délivrance (article 1604 du Code civil). Le vendeur doit effectivement remettre la chose vendue à l’acheteur, même si ce dernier en est déjà juridiquement propriétaire.

Exemple : Votre entreprise achète un chariot élévateur. Vous en êtes juridiquement propriétaire dès l’accord, mais le vendeur reste tenu de le livrer. Si la livraison prend du retard, il engage sa responsabilité contractuelle, sans remettre en cause le transfert de propriété.

Les exceptions au transfert immédiat de propriété

La clause de réserve de propriété : sécuriser le paiement

Les parties peuvent aménager le moment du transfert. La plus fréquente est la clause de réserve de propriété, qui permet au vendeur de conserver la propriété jusqu’au paiement intégral du prix.

Cette clause est légale (loi du 12 mai 1980 – articles L. 624-16 et suivants du Code de commerce) et très utile aux PME pour limiter leurs pertes en cas d’impayés.

Exemple de clause :

"Le transfert de propriété des biens vendus est suspendu jusqu’au paiement intégral du prix. En cas de non-paiement, le vendeur pourra revendiquer la restitution des biens, conformément à l’article L. 624-16 du Code de commerce."

Les transferts soumis à condition

Certains contrats prévoient que la propriété ne sera transférée qu’à la livraison, à l’expiration d’un délai ou après vérification de la conformité.

Exemple : dans les ventes avec essais ou validation de prototypes, le transfert est souvent subordonné à l’acceptation du bien.

Le transfert de propriété des biens immobiliers

En matière immobilière, le transfert de propriété se fait au jour de la signature de l’acte authentique devant notaire. Le transfert de propriété doit ensuite être publié au Service de la publicité foncière pour être opposable aux tiers.

Bon à savoir : la promesse de vente (compromis) ne transfère pas encore la propriété ; seul l’acte définitif le fait.

Exemple concret : une PME acquiert un local commercial le 15 juin par acte notarié. Elle en devient propriétaire ce jour-là, même si les clés sont remises quelques jours plus tard.

Le transfert de propriété des biens mobiliers et marchandises

Pour les biens mobiliers, le transfert de propriété suit en principe la possession (article 2276 du Code civil : en fait de meubles, possession vaut titre). Mais le contrat de vente prime : la propriété est transférée à l’accord sur la chose et le prix.

Lorsque la vente porte sur des marchandises commerciales, notamment dans un contexte international, deux paramètres s’ajoutent :

  • la détermination du moment du transfert de propriété (souvent fixé contractuellement),
  • la distinction avec le transfert de risques, régi par les Incoterms.

Attention : les Incoterms ne règlent pas le transfert de propriété !

Les Incoterms (EXW, FOB, CIF, etc.) ne s’appliquent pas à la propriété. Ils déterminent uniquement le lieu et le moment du transfert des risques entre vendeur et acheteur — par exemple lors de la remise au transporteur ou du chargement.

Ainsi, le contrat de vente doit clairement préciser la règle applicable au transfert de propriété, indépendamment des Incoterms.

Les conséquences du transfert de propriété

Le transfert de propriété entraîne plusieurs effets juridiques immédiats :

Conséquence Description
Transfert des risques L’acheteur supporte les pertes et dégâts dès la conclusion du contrat, sauf clause contraire.
Transfert des fruits et revenus Les fruits produits par la chose appartiennent dès lors à l’acquéreur.
Effet réel Le bien sort du patrimoine du vendeur pour entrer dans celui de l’acheteur.
Droits attachés Les servitudes, accessoires et droits liés au bien suivent la propriété (principe de accessorium sequitur principale).

Comment sécuriser le transfert de propriété dans ses contrats commerciaux ?

Négociation et rédaction précises des clauses contractuelles

Pour les PME, la sécurisation des contrats de vente ou d’achat passe avant tout par une rédaction claire des clauses de transfert :

  • préciser la date ou la condition du transfert,
  • dissocier le transfert de propriété et le transfert de risques,
  • prévoir une clause de réserve de propriété si nécessaire.

Vérifier l’opposabilité du transfert et la publicité légale (immobilier)

Pour les biens immobiliers, le transfert de propriété doit être rendu opposable aux tiers par publication au service de la publicité foncière.

Encadrer la livraison et les assurances

Le contrat doit prévoir les obligations de délivrance et assurer que le bien est couvert par l’assurance adéquate jusqu’à la livraison effective.

FAQ : les questions fréquentes sur le transfert de propriété

Comment se fait le transfert de propriété ?

Par le seul accord sur la chose et le prix (articles 1583 et 1196 du Code civil), sauf clause contraire. On parle de transfert solo consensu.

Quel est le meilleur acte pour transférer une propriété ?

Pour les biens immobiliers, l’acte authentique notarié est obligatoire. Pour les biens mobiliers, un contrat écrit bien rédigé suffit.

Combien coûte un transfert de propriété ?

Pour les ventes immobilières, il faut compter les frais de notaire (environ 7 à 8% dans l’ancien). Pour les ventes commerciales, le coût dépend essentiellement des honoraires de rédaction et enregistrement.

Quelle différence entre transfert de propriété et transfert de risque ?

Le transfert de propriété concerne la titularité juridique du bien, tandis que le transfert de risque porte sur la charge des pertes. Les deux coïncident sauf aménagement contractuel.

Qu’est-ce qu’une clause de réserve de propriété ?

C’est une clause qui permet au vendeur de rester propriétaire du bien jusqu’au paiement intégral du prix, protégeant ainsi ses droits en cas d’insolvabilité de l’acheteur.

Conclusion : anticiper le transfert de propriété, un réflexe vital pour les PME

Pour les dirigeants de PME, comprendre le mécanisme du transfert de propriété est essentiel pour sécuriser leurs opérations contractuelles. Il ne s’agit pas d’une donnée purement juridique : c’est un levier de gestion des risques, de négociation commerciale et de garantie de paiement.

Les erreurs de rédaction ou d’interprétation dans les contrats peuvent avoir des conséquences majeures. Une consultation juridique préalable permet d’adapter les clauses aux spécificités de votre activité et d’anticiper les contentieux.

Le transfert de propriété est une matière réglementée : il est donc recommandé de consulter un avocat avant toute signature de contrat translatif de propriété afin d’en maîtriser toutes les implications.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.