Conseil en droit de consommation (B2C) et droit de la distribution
18/9/25

Les Clauses Abusives dans les Contrats de Consommation : Guide Complet

Découvrez un guide complet sur la clause abusive dans le Code de la consommation, illustré par des exemples concrets, la jurisprudence et la doctrine, pour maîtriser la protection du consommateur dans les contrats. Un article rédigé par un avocat, abordant définition, détection, sanctions et tous les cas d’application du Code de la consommation, avec une FAQ exhaustive sur tous les points pratiques et juridiques

Introduction


Les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont le terrain privilégié de la législation sur les clauses abusives. Cette réglementation vise à protéger le consommateur, considéré comme la partie faible, de stipulations contractuelles créant un déséquilibre significatif des droits et obligations au détriment du consommateur. Les enjeux pratiques sont majeurs : abonnement téléphonique, fourniture d’énergie, achat en ligne, contrat d’assurance, bail locatif… Autant de situations où la vigilance est incontournable.


Champ d’Application de la Réglementation


Le Contrat de Consommation : Définition


Un contrat de consommation implique qu’un professionnel s’engage envers un consommateur ou un non-professionnel.
• Le consommateur est “toute personne physique agissant à des fins étrangères à son activité professionnelle”.
• Le non-professionnel peut être une personne morale agissant en dehors de tout cadre commercial, industriel, artisanal, libéral ou agricole.


Exemple : L’achat d’une box internet par un particulier est un contrat de consommation. L’abonnement d’une association sportive à un service téléphonique l’est également.


Les Parties et les Contrats visés


La réglementation ne s’applique ni aux relations entre professionnels, ni entre particuliers. Elle couvre tout type de contrat : vente, location, crédit, prestation de services, contenus numériques, assurance, etc. Peu importe le support, la rédaction ou la négociation des termes contractuels – conditions générales, factures, bons de commande sont tous concernés.


Définition et Identification des Clauses Abusives

Notion et Définition Légale


Selon l’article L 212-1 du Code de la consommation, une clause abusive est celle qui crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, que ce soit par son objet ou son effet. Ce déséquilibre peut résulter d’une absence de réciprocité, d’un avantage unilatéral pour le professionnel ou d’une restriction abusive des droits du consommateur.
Exemple concret : Une clause qui permet au professionnel de résilier le contrat à tout moment, alors que le consommateur ne dispose pas de la même faculté.


Les Listes de Clauses Abusives : “Noire” et “Grise”


Clauses Interdites (“Liste Noire”)


Certaines clauses sont interdite de manière irréfragable (article R 212-1 du Code de la consommation) :
• Exclusion ou limitation du droit à réparation du consommateur en cas de manquement du professionnel.
• Renonciation par le consommateur à un droit prévu par la loi (ex : droit de rétractation).
• Imposer au consommateur des restrictions disproportionnées telles que des pénalités excessives pour résiliation anticipée.
Exemple : “En cas de vol dans les casiers, le club décline toute responsabilité.” → cette clause a été jugée abusive et supprimée dans la jurisprudence et les recommandations.


Clauses Présumées Abusives (“Liste Grise”)


La liste grise (R 212-2) recense des clauses présumées abusives sauf preuve contraire :
• Droit de résiliation unilatérale pour le professionnel (hors droit équivalent pour le consommateur).
• Modification unilatérale du contrat par le professionnel sans information concrète ou délai de préavis raisonnable.
• Clause d’attribution de compétence exclusive au profit du professionnel, éloignant le consommateur de son tribunal naturel.


Méthodologie d’Appréciation par le Juge


Le caractère abusif s’apprécie à la lumière du contrat dans son ensemble et de toutes ses circonstances, en tenant compte des autres clauses, de la négociation réelle et de la qualité de la rédaction (clarté et transparence). Le juge compare la situation du consommateur au résultat prévu par le droit commun en l’absence de clause litigieuse.


Exemple jurisprudentiel : Cass. 3e civ., 17 décembre 2015, n° 14-25.523 : clause transférant la quasi-totalité des charges au locataire jugée abusive.


Exclusions : Clauses Non Abusives

L’analyse ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération, dès lors que les clauses concernées sont rédigées de façon claire et compréhensible.
Exemple : La définition détaillée de la garantie d’incapacité dans un contrat d’assurance, si elle est transparente et intelligible, n’est pas considérée comme abusive, même si la protection est limitée.


La Commission des Clauses Abusives : Rôle et Recommandations


Cette commission indépendante analyse les contrats types communément proposés aux consommateurs et publie des recommandations sur les clauses à proscrire.
• Elle peut être saisie par un juge, une association, un professionnel ou d’office, mais ses recommandations n’ont pas de valeur normative, elles servent de référence et d’appui au juge et aux parties.
• Ses avis éclairent la jurisprudence et incitent les professionnels à modifier leurs contrats.


Exemple : La dernière recommandation concerne les marketplaces en ligne, où la commission a relevé 69 clauses abusives sur 64 contrats analysés.


Sanctions et Conséquences des Clauses Abusives


La Sanction Principale : Réputation de Clause Non Écrite


La clause abusive est réputée non écrite et donc inopposable au consommateur, sans nécessité d’annulation du contrat, sauf si celui-ci ne peut subsister sans elle.
Exemple : Une clause d’attribution de compétence qui force le consommateur à saisir un tribunal étranger est réputée non écrite s’il n’habite pas dans ce pays.

Sanctions civiles, administratives et pénales


• Amende civile pour le professionnel (jusqu’à 15 000 € pour une personne physique, 75 000 € pour une personne morale, majoration possible jusqu’à 4% du CA en cas d’infraction européenne).
• Obligation de supprimer la clause des contrats types et d’informer les clients concernés.
• Possibilité d’action par les associations de consommateurs pour supprimer la clause dans tous les contrats concernés, y compris ceux déjà conclus.
• Sanctions administratives en cas de non-suppression (mesures d’injonction, publicité de la condamnation, astreintes).
• Absence de sanction pénale générale, mais des sanctions découlent parfois d’autres infractions liées à la protection du consommateur.


La Jurisprudence Essentielle et Exemples


Illustrations concrètes


• Clause de résiliation unilatérale pour le professionnel sans équivalence pour le consommateur jugée abusive (Cass. civ. I, 10 septembre 2014).
• En assurance santé : clause ambiguë sur la garantie de l’incapacité, absence de transparence jugée comme facteur aggravant (Cass. civ. I, 14 avril 2016).
• Clause d’exclusion de responsabilité du club sportif en cas de vol jugée systématiquement abusive (CA Nancy 1998 ; CA Rennes 2004).


Articulation avec le Code civil et le Code de commerce


Article 1170 et 1171 du Code civil


L’article 1171 du Code civil généralise la sanction de la clause non négociable créant un déséquilibre dans les contrats d’adhésion, hors objets principaux et prix. Cet article s’applique de façon subsidiaire en cas d’exclusion du Code de la consommation (contrats entre professionnels hors Code de la consommation).

FAQ – Les Questions Clés sur la Clause Abusive


Quelles sont les clauses abusives en droit de la consommation ?


Ce sont principalement les clauses figurant sur les listes noire et grise du Code de la consommation (articles R 212-1 et R 212-2), toute clause qui crée un déséquilibre significatif, et celles dénoncées par la jurisprudence ou la Commission des clauses abusives.


Comment savoir si une clause est abusive ou non ?


Comparer la clause à celles des listes noire et grise, étudier la jurisprudence, apprécier la transparence, la réciprocité, et son effet sur le consommateur. Se référer, en cas de doute, aux recommandations de la Commission des clauses abusives et aux jugements antérieurs.


Quelles sont les clauses interdites par la loi ?


Les clauses “noires” (R 212-1): exclusion du droit à réparation, renonciation à des droits légaux, faculté de modification unilatérale sans préavis, attribution de compétence abusive, pénalités disproportionnées, etc..


Quelles sont les différences entre les articles 1170 et 1171 du code civil ?


L’article 1170 concerne l’absence de contrepartie. L’article 1171 vise les clauses non négociables, introduites par une partie, qui créent un déséquilibre significatif, hors objet principal et prix, en contrats d’adhésion.

Qui décide qu’une clause est abusive ?


C’est généralement le juge qui tranche, mais le consommateur peut solliciter l’avis de la Commission des clauses abusives. Le juge peut aussi relever une clause abusive d’office lors du litige même si le consommateur n’a pas invoqué cet argument.


Quelle est la sanction de la clause abusive dans le Code de la consommation ?


La clause est réputée non écrite, inopposable au consommateur, et le professionnel peut encourir des amendes civiles, sanctions administratives, et obligation d’informer et de corriger dans ses contrats.


Les clauses abusives dans le Code de commerce et entre professionnels


Entre professionnels, on applique plutôt l’article L 442-1 du Code de commerce, qui poursuit le même objectif de protection contre le déséquilibre significatif, mais la notion et la procédure diffèrent.


Exemple de clause abusive


Exemple classique : “Le professionnel se réserve le droit de modifier unilatéralement les conditions du service sans préavis ; le consommateur n’a aucun droit de résiliation.” Cette clause serait jugée comme abusive car elle crée un déséquilibre significatif.


Conseils Pratiques et Éléments Pédagogiques


• Toujours demander un exemplaire du contrat avant engagement, et vérifier la clarté des stipulations.
• Comparer la clause litigieuse aux listes officielle et aux recommandations de la Commission.
• En cas de doute, solliciter l’avis d’une association de consommateurs ou d’un avocat spécialisé.
• Le juge peut effacer d’office la clause abusive, même si le consommateur ne l’a pas demandé explicitement.
• En cas de sanction, le reste du contrat reste en vigueur sauf impossibilité de subsister sans la clause écartée.


Encadrés : Examen de clauses jugées abusives


• Clause de remboursement du prêt in fine en devises sans explication claire du taux de change applicable.
→ Jugée abusive en raison de l’opacité de l’information et du risque transféré sans compensation.
• Clause d’exclusion de la responsabilité du vendeur en cas de mauvaise exécution.
→ Abusive car elle prive le consommateur de son droit à réparation en cas de faute du professionnel

Conclusion


La lutte contre les clauses abusives demeure un pilier de la protection du consommateur, encadrée par une réglementation dense, une jurisprudence abondante et l’activité de la Commission des clauses abusives. Toute personne, professionnel ou particulier, a intérêt à se familiariser avec les notions clés, à examiner les contrats proposés et à se défendre en cas de déséquilibre contractuel. Ce guide permet d’adopter une posture éclairée, technique et rigoureuse, essentielle pour la sécurité contractuelle de chacun.

À propos de l’auteur

Guillaume Leclerc, avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.

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