Découvrez un guide complet sur la clause abusive dans le Code de la consommation, illustré par des exemples concrets, la jurisprudence et la doctrine, pour maîtriser la protection du consommateur dans les contrats. Un article rédigé par un avocat, abordant définition, détection, sanctions et tous les cas d’application du Code de la consommation, avec une FAQ exhaustive sur tous les points pratiques et juridiques
Les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont le terrain privilégié de la législation sur les clauses abusives. Cette réglementation vise à protéger le consommateur, considéré comme la partie faible, de stipulations contractuelles créant un déséquilibre significatif des droits et obligations au détriment du consommateur. Les enjeux pratiques sont majeurs : abonnement téléphonique, fourniture d’énergie, achat en ligne, contrat d’assurance, bail locatif… Autant de situations où la vigilance est incontournable.
Un contrat de consommation implique qu’un professionnel s’engage envers un consommateur ou un non-professionnel.
• Le consommateur est “toute personne physique agissant à des fins étrangères à son activité professionnelle”.
• Le non-professionnel peut être une personne morale agissant en dehors de tout cadre commercial, industriel, artisanal, libéral ou agricole.
Exemple : L’achat d’une box internet par un particulier est un contrat de consommation. L’abonnement d’une association sportive à un service téléphonique l’est également.
La réglementation ne s’applique ni aux relations entre professionnels, ni entre particuliers. Elle couvre tout type de contrat : vente, location, crédit, prestation de services, contenus numériques, assurance, etc. Peu importe le support, la rédaction ou la négociation des termes contractuels – conditions générales, factures, bons de commande sont tous concernés.
Selon l’article L 212-1 du Code de la consommation, une clause abusive est celle qui crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, que ce soit par son objet ou son effet. Ce déséquilibre peut résulter d’une absence de réciprocité, d’un avantage unilatéral pour le professionnel ou d’une restriction abusive des droits du consommateur.
Exemple concret : Une clause qui permet au professionnel de résilier le contrat à tout moment, alors que le consommateur ne dispose pas de la même faculté.
Certaines clauses sont interdite de manière irréfragable (article R 212-1 du Code de la consommation) :
• Exclusion ou limitation du droit à réparation du consommateur en cas de manquement du professionnel.
• Renonciation par le consommateur à un droit prévu par la loi (ex : droit de rétractation).
• Imposer au consommateur des restrictions disproportionnées telles que des pénalités excessives pour résiliation anticipée.
Exemple : “En cas de vol dans les casiers, le club décline toute responsabilité.” → cette clause a été jugée abusive et supprimée dans la jurisprudence et les recommandations.
La liste grise (R 212-2) recense des clauses présumées abusives sauf preuve contraire :
• Droit de résiliation unilatérale pour le professionnel (hors droit équivalent pour le consommateur).
• Modification unilatérale du contrat par le professionnel sans information concrète ou délai de préavis raisonnable.
• Clause d’attribution de compétence exclusive au profit du professionnel, éloignant le consommateur de son tribunal naturel.
Le caractère abusif s’apprécie à la lumière du contrat dans son ensemble et de toutes ses circonstances, en tenant compte des autres clauses, de la négociation réelle et de la qualité de la rédaction (clarté et transparence). Le juge compare la situation du consommateur au résultat prévu par le droit commun en l’absence de clause litigieuse.
Exemple jurisprudentiel : Cass. 3e civ., 17 décembre 2015, n° 14-25.523 : clause transférant la quasi-totalité des charges au locataire jugée abusive.
L’analyse ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération, dès lors que les clauses concernées sont rédigées de façon claire et compréhensible.
Exemple : La définition détaillée de la garantie d’incapacité dans un contrat d’assurance, si elle est transparente et intelligible, n’est pas considérée comme abusive, même si la protection est limitée.
Cette commission indépendante analyse les contrats types communément proposés aux consommateurs et publie des recommandations sur les clauses à proscrire.
• Elle peut être saisie par un juge, une association, un professionnel ou d’office, mais ses recommandations n’ont pas de valeur normative, elles servent de référence et d’appui au juge et aux parties.
• Ses avis éclairent la jurisprudence et incitent les professionnels à modifier leurs contrats.
Exemple : La dernière recommandation concerne les marketplaces en ligne, où la commission a relevé 69 clauses abusives sur 64 contrats analysés.
La clause abusive est réputée non écrite et donc inopposable au consommateur, sans nécessité d’annulation du contrat, sauf si celui-ci ne peut subsister sans elle.
Exemple : Une clause d’attribution de compétence qui force le consommateur à saisir un tribunal étranger est réputée non écrite s’il n’habite pas dans ce pays.
• Amende civile pour le professionnel (jusqu’à 15 000 € pour une personne physique, 75 000 € pour une personne morale, majoration possible jusqu’à 4% du CA en cas d’infraction européenne).
• Obligation de supprimer la clause des contrats types et d’informer les clients concernés.
• Possibilité d’action par les associations de consommateurs pour supprimer la clause dans tous les contrats concernés, y compris ceux déjà conclus.
• Sanctions administratives en cas de non-suppression (mesures d’injonction, publicité de la condamnation, astreintes).
• Absence de sanction pénale générale, mais des sanctions découlent parfois d’autres infractions liées à la protection du consommateur.
• Clause de résiliation unilatérale pour le professionnel sans équivalence pour le consommateur jugée abusive (Cass. civ. I, 10 septembre 2014).
• En assurance santé : clause ambiguë sur la garantie de l’incapacité, absence de transparence jugée comme facteur aggravant (Cass. civ. I, 14 avril 2016).
• Clause d’exclusion de responsabilité du club sportif en cas de vol jugée systématiquement abusive (CA Nancy 1998 ; CA Rennes 2004).
L’article 1171 du Code civil généralise la sanction de la clause non négociable créant un déséquilibre dans les contrats d’adhésion, hors objets principaux et prix. Cet article s’applique de façon subsidiaire en cas d’exclusion du Code de la consommation (contrats entre professionnels hors Code de la consommation).
Ce sont principalement les clauses figurant sur les listes noire et grise du Code de la consommation (articles R 212-1 et R 212-2), toute clause qui crée un déséquilibre significatif, et celles dénoncées par la jurisprudence ou la Commission des clauses abusives.
Comparer la clause à celles des listes noire et grise, étudier la jurisprudence, apprécier la transparence, la réciprocité, et son effet sur le consommateur. Se référer, en cas de doute, aux recommandations de la Commission des clauses abusives et aux jugements antérieurs.
Les clauses “noires” (R 212-1): exclusion du droit à réparation, renonciation à des droits légaux, faculté de modification unilatérale sans préavis, attribution de compétence abusive, pénalités disproportionnées, etc..
L’article 1170 concerne l’absence de contrepartie. L’article 1171 vise les clauses non négociables, introduites par une partie, qui créent un déséquilibre significatif, hors objet principal et prix, en contrats d’adhésion.
C’est généralement le juge qui tranche, mais le consommateur peut solliciter l’avis de la Commission des clauses abusives. Le juge peut aussi relever une clause abusive d’office lors du litige même si le consommateur n’a pas invoqué cet argument.
La clause est réputée non écrite, inopposable au consommateur, et le professionnel peut encourir des amendes civiles, sanctions administratives, et obligation d’informer et de corriger dans ses contrats.
Entre professionnels, on applique plutôt l’article L 442-1 du Code de commerce, qui poursuit le même objectif de protection contre le déséquilibre significatif, mais la notion et la procédure diffèrent.
Exemple classique : “Le professionnel se réserve le droit de modifier unilatéralement les conditions du service sans préavis ; le consommateur n’a aucun droit de résiliation.” Cette clause serait jugée comme abusive car elle crée un déséquilibre significatif.
• Toujours demander un exemplaire du contrat avant engagement, et vérifier la clarté des stipulations.
• Comparer la clause litigieuse aux listes officielle et aux recommandations de la Commission.
• En cas de doute, solliciter l’avis d’une association de consommateurs ou d’un avocat spécialisé.
• Le juge peut effacer d’office la clause abusive, même si le consommateur ne l’a pas demandé explicitement.
• En cas de sanction, le reste du contrat reste en vigueur sauf impossibilité de subsister sans la clause écartée.
Encadrés : Examen de clauses jugées abusives
• Clause de remboursement du prêt in fine en devises sans explication claire du taux de change applicable.
→ Jugée abusive en raison de l’opacité de l’information et du risque transféré sans compensation.
• Clause d’exclusion de la responsabilité du vendeur en cas de mauvaise exécution.
→ Abusive car elle prive le consommateur de son droit à réparation en cas de faute du professionnel
La lutte contre les clauses abusives demeure un pilier de la protection du consommateur, encadrée par une réglementation dense, une jurisprudence abondante et l’activité de la Commission des clauses abusives. Toute personne, professionnel ou particulier, a intérêt à se familiariser avec les notions clés, à examiner les contrats proposés et à se défendre en cas de déséquilibre contractuel. Ce guide permet d’adopter une posture éclairée, technique et rigoureuse, essentielle pour la sécurité contractuelle de chacun.
Guillaume Leclerc, avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.
N'hésitez pas à me contacter pour toute question, je me ferai une joie de vous répondre !