Découvrez les lignes directrices des restrictions verticales : cadre légal, exemples concrets, analyse jurisprudentielle et FAQ, par un avocat expert en droit commercial
Les restrictions verticales, au cœur des relations commerciales, structurent la façon dont les fabricants, grossistes, franchises et distributeurs travaillent ensemble. L’enjeu ? Trouver l’équilibre entre efficacité économique et maintien d’une concurrence loyale, dans le respect du droit européen et français.
Une restriction verticale désigne toute clause d’un accord conclu entre des entreprises opérant à différents niveaux de la chaîne de production ou de distribution (par exemple, un fabricant et un distributeur). Ces clauses encadrent les conditions d’achat, de vente ou de revente de biens ou services, pouvant restreindre certaines libertés commerciales.
Exemple :
• Un fabricant de cosmétiques interdit à son distributeur de vendre ses produits hors de son département d’implantation.
• Une clause par laquelle un fournisseur impose à un distributeur de ne revendre qu’à certains segments de clientèles.
Contrairement aux accords horizontaux, qui s’établissent entre concurrents directs (ex : entente sur les prix entre deux producteurs), les accords verticaux concernent des acteurs situés à des niveaux différents. Cette distinction est clé dans l’analyse du risque anticoncurrentiel.
• Favoriser la concurrence inter-marques (stimuler l’accès au marché, encourager la diversité et l’innovation).
• Protéger la concurrence intra-marque (éviter que des réseaux ou fournisseurs restreignent excessivement la liberté de leurs distributeurs ou franchisés).
• Sécuriser des investissements réalisés par les distributeurs (exclusivité territoriale).
• Préserver la qualité de distribution ou de marque (distribution sélective).
• Lutter contre le « free riding » (profiter des efforts marketing d’un distributeur sans supporter les coûts).
• Cloisonnement des marchés.
• Uniformisation des prix au détriment du consommateur final.
• Frein à l’innovation et à l’entrée de nouveaux acteurs.
Le règlement (UE) 2022/720 définit une « zone de sécurité » pour nombre d’accords verticaux : sous conditions (notamment seuils de 30% de parts de marché), ils échappent à l’interdiction automatique et sont présumés conformes au droit de la concurrence.
Exemple concret :
• Une marque de vêtements confie l’exclusivité de sa distribution à un revendeur, tant que ni la marque ni le distributeur n’excèdent 30% de leurs parts de marché sur le secteur concerné.
• Ni le fournisseur ni l’acheteur ne doivent dépasser 30% de parts de marché.
• L’accord ne doit comporter aucune « restriction caractérisée » (voir ci-dessous).
Ces clauses entraînent la perte du bénéfice de toute exemption :
• La fixation d’un prix de revente minimum ou fixe.
• L’interdiction totale des ventes en ligne.
• Une protection territoriale absolue.
• Livraison interdite à certains types de clients non justifiée.
Exemple de clause interdite :
« Le Distributeur s’engage à ne pas vendre les produits en dehors de la région Île-de-France, ni en ligne sous quelque forme que ce soit. »
Certaines clauses (obligation de non-concurrence supérieure à cinq ans, interdiction post-contractuelle de revente, etc.) sont « exclues » : elles n’invalident pas le contrat, mais doivent être évaluées individuellement.
Le fournisseur s’engage à ne livrer un distributeur qu’à condition qu’il limite ses ventes à un territoire ou à une clientèle déterminés.
• Admissible sous conditions (pas d’interdiction totale de ventes passives, part de marché maximale…).
Exemple : Accord réservé à la région Sud-Est, sous réserve de l’absence de clause empêchant les ventes à des clients venant d’ailleurs.
Le fournisseur sélectionne ses revendeurs sur des critères qualitatifs (image, surface, formation…).
• Légale si critères objectifs, uniformes et non discriminatoires.
Exemple : Exclusivité accordée à des enseignes à l’identité visuelle respectant certains standards.
L’enseigne accorde l’exploitation de son concept moyennant certaines obligations commerciales et marketing, dont les restrictions verticales encadrées par le règlement.
Exemple : Obligation d’acheter une gamme définie chez le franchiseur, sans empêcher la concurrence sur certains produits complémentaires.
• Limitées à 5 ans et strictement justifiées (protection du savoir-faire, investissements spécifiques…).
Bonnes pratiques :
« Pendant toute la durée du contrat et pendant une période de 12 mois après sa résiliation, le Distributeur s’interdit d’exploiter tout point de vente concurrent à moins de 3 kilomètres d’un magasin sous enseigne X. »
L’encadrement des ventes sur internet s’inspire des mêmes principes que la distribution physique, mais certains schémas sont prohibés :
• Interdiction totale de vendre en ligne : illicite.
• Obligation de respecter des critères qualitatifs équivalents à ceux du point de vente physique : admise.
Exemple : Un fournisseur peut exiger de son distributeur que le site internet propose un service après-vente ou une hotline.
Les plateformes occupent une place à part depuis le nouveau règlement : si elles servent simplement d’intermédiaires, des restrictions plus strictes sont encadrées pour éviter le cloisonnement artificiel du marché.
• Plusieurs décisions de l’Autorité de la concurrence et de la Commission européenne depuis mai 2022 condamnent les pratiques de fixation de prix et les restrictions territoriales non justifiées, notamment dans les secteurs agroalimentaire et industriel, avec de lourdes sanctions (amendes supérieures à 300 millions d’euros dans le cas Mondelez).
• La jurisprudence insiste sur une analyse contextuelle du secteur, du marché concerné et des effets concrets pour les consommateurs.
« Le Fournisseur autorise le Distributeur à promouvoir et vendre les produits contractuels sur l’ensemble du territoire national, sous réserve du respect de critères de qualité identiques en magasin physique et en ligne.
Le Distributeur conserve le droit de fixer librement ses prix de revente. »
• Toujours vérifier les seuils de parts de marché.
• Analyser la compatibilité des clauses de non-concurrence, surtout post-contractuelles.
• Anticiper l’impact sur la distribution digitale et omnicanale.
• Imposer des prix de revente fixes ou mini.
• Interdire totalement la vente en ligne sans justification.
• Restreindre la revente passive vers d’autres territoires de l’UE.
• Négliger l’adaptation des clauses aux évolutions législatives et sectorielles.
Une restriction verticale est une clause limitant certaines libertés d’achat, de vente ou de revente entre des entreprises d’un même circuit commercial mais de niveaux différents (ex : fabricant et distributeur). Elle vise à organiser le réseau de distribution, mais doit respecter des règles strictes de concurrence.
Il s’agit des pratiques contractuelles qui, sans interdire toute liberté de commerce, organisent le marché en limitant l’accès à certaines zones (distribution exclusive), en réservant la distribution à des détaillants présélectionnés (distribution sélective), ou en fixant des cadres de coopération (franchise, réseau).
Un exemple typique : l’interdiction faite à un distributeur d’approvisionner certains clients situés hors du territoire contractualisé, ou l’obligation d’acheter une gamme minimum chez un fournisseur désigné.
Un accord vertical désigne tout contrat commercial passé entre des entreprises intervenant à différents stades de la chaîne de production ou de distribution. Les exemples dominants sont les relais entre fabricant et grossiste, franchiseur et franchisé, centrale d’achat et détaillant.
Non, l’imposition d’un prix fixe ou minimal est quasiment toujours illicite. Seule la fixation d’un prix conseillé (non obligatoire) est possible.
La nullité de la clause, voire du contrat tout entier, la perte de l’exemption par catégorie, et une sanction financière potentielle par l’Autorité de la concurrence ou la Commission européenne.
• Être attentif à la rédaction des clauses sensibles (prix, territoire, non-concurrence).
• Vérifier les seuils de parts de marché des contractants.
• Adapter systématiquement l’accord à l’évolution du droit et de la jurisprudence.
Les restrictions verticales constituent une matière hautement réglementée. Compte tenu de la technicité des règles et de l’évolution constante du droit, il est fortement recommandé de consulter un avocat spécialisé afin d’anticiper les risques et de sécuriser la rédaction de tout contrat de distribution, franchise ou accord vertical.
Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.