L’obligation de délivrance conforme constitue une pierre angulaire des contrats de vente, touchant toutes les transactions : immobilières, mobilières, commerciales comme civiles. Satisfaire à cette exigence, c’est garantir à l’acheteur la remise du bien promis selon toutes ses spécifications. Pourtant, la doctrine, la jurisprudence et la pratique révèlent la richesse et la technicité de ce principe.
L’article 1604 du Code civil énonce clairement : « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ». Au-delà du simple fait de “livrer”, il s’agit de remettre au cocontractant un bien strictement conforme en nature, qualité et quantité aux stipulations contractuelles. La conformité concerne également les accessoires convenus et l’état du bien lors de la transaction.
Dans une vente de matériel industriel, il ne suffit pas d’expédier une machine : il faut qu’elle corresponde exactement à la référence définie au devis, dispose de toutes ses fonctionnalités, et, le cas échéant, soit accompagnée des notices ou accessoires prévus au contrat.
La délivrance conforme ne se confond pas avec la livraison matérielle (remise physique du bien) ni avec le transfert de propriété (transfert juridique). Une livraison en temps voulu ne dispense pas d’exécuter précisément toutes les exigences de conformité. Exemple : livrer un lot de 200 pièces prévues en acier spécial alors que l’acier utilisé est ordinaire : la livraison a eu lieu, mais la délivrance n’est pas conforme.
Le vendeur doit délivrer “la chose promise” et toutes ses composantes prévues explicitement ou implicitement au contrat (emballages spéciaux, notices, garanties, etc.).
Si le vendeur s’engage à fournir un appartement de 85m² refait à neuf, mais ne livre qu’un bien de 80m² dont la rénovation est partielle, il manque à son obligation. En matière automobile, la livraison d’une voiture affichant 50 000 km au compteur alors que le contrat stipulait 20 000 km est un cas classique de non-conformité.
La jurisprudence reconnaît trois obligations associées à la délivrance conforme :
• Obligation d’information (communiquer tout renseignement utile)
• Obligation de conseil (guider le choix de l’acheteur selon ses besoins)
• Obligation de mise en garde (prévenir des risques liés au bien).
Un vendeur professionnel doit alerter un acheteur profane sur l’incompatibilité possible entre le bien livré et son usage envisagé.
La chose doit être conforme non seulement au contrat, mais aussi aux normes légales, réglementaires, techniques ou aux usages commerciaux en vigueur, quand bien même le contrat n’y ferait pas explicitement référence.
Entre professionnels, les exigences d’information et de conformité sont appréciées avec moins de rigueur que pour un acquéreur non averti. Des clauses d’exclusion ou de limitation de responsabilité sont admises mais restent strictement encadrées.
Le bien doit correspondre à la description contractuelle (surface, affectation, état, équipements, raccordement, etc.). Tout défaut de raccordement déclaré, par exemple à l’assainissement public, constitue une non-conformité et entraîne la responsabilité du vendeur.
La remise d’un bien immobilier non raccordé au réseau public, alors que l’acte de vente en fait état, a été sanctionnée comme une délivrance non conforme (Cass. 3ème civ., 19 septembre 2019, n°18-394).
“Le VENDEUR s’oblige à délivrer à l’ACQUÉREUR le bien immobilier sis adresse, d’une superficie de m², dans l’état où il se trouvait lors de la signature du compromis, avec tous ses accessoires et conformément au descriptif susvisé.”
Le véhicule doit répondre à tous les critères convenus : options, état, kilomètres, absence d’accident non déclaré, etc..
Exemple : remise d’une voiture présentant des options manquantes ou un kilométrage supérieur au contrat caractérise une non-conformité.
En B2B, la délivrance conforme s’adapte aux particularités des secteurs et aux usages professionnels. La pratique impose souvent d’avoir recours à des fiches techniques ou cahiers des charges très détaillés pour prévenir toute contestation.
Les accessoires englobent les objets attachés à la chose principale mais aussi les droits y afférents (papiers de propriété, cartes grises, garanties, etc.).
La délivrance conforme concerne le respect strict des spécifications contractuelles. A l’inverse, la garantie des vices cachés vise les défauts graves et cachés qui rendent le bien impropre à l’usage prévu ou en diminuent notablement l’usage. Un défaut peut donc relever soit d’une non-conformité (différence avec le contrat), soit d’un vice caché (défaut invisible lors de l’achat).
Un bien livré sans la contenance promise est un cas de non-conformité ; un bien comportant des défauts affectant son usage, mais non visibles lors de la vente, relève des vices cachés.
Pour les biens de consommation, la délivrance conforme cohabite avec la garantie de conformité du Code de la consommation qui prévoit des droits renforcés pour l’acheteur non-professionnel (possibilité de réparation, remplacement, etc.).
L’acheteur doit impérativement contrôler la conformité du bien lors de la réception. La jurisprudence est constante : accepter la chose sans réserve éteint généralement le recours pour non-conformité, sauf en cas de dol ou de stipulation contraire au contrat.
Encadré pratique :
Privilégiez toujours de réceptionner un bien “sous réserves” si un doute subsiste : vous préservez ainsi vos droits d’agir par la suite.
Si la délivrance n’est pas conforme, l’acheteur peut :
• Refuser la chose
• Obtenir l’exécution forcée du contrat
• Demander l’annulation (résolution judiciaire ou amiable)
• Réclamer la réduction du prix
• Exiger des dommages-intérêts en réparation.
Exemple : l’acheteur d’une machine industrielle livrée non conforme à la commande peut exiger une livraison conforme ou obtenir la résolution du contrat et des indemnisations.
L’action doit être introduite dans un délai de deux ans à compter de la délivrance du bien (vente de biens de consommation). Ce délai est un délai de prescription et peut donc être interrompu (par exemple, par la reconnaissance du vendeur). En matière immobilière ou selon les contrats, d’autres délais peuvent s’appliquer. En revanche, la garantie des vices cachés est soumise à un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (délai de forclusion).
À chaque type de bien ou situation contractuelle, la jurisprudence affine la notion de conformité, en particulier pour distinguer manquement à la conformité, vice caché, et obligations accessoires (par exemple : absence de raccordement, fausses déclarations, défauts d’accessoires juridiques).
L’obligation de délivrance conforme impose au vendeur de remettre à l’acheteur un bien exactement conforme à la description contractuelle, tant en nature, qualité, quantité qu’état et accessoires.
Le délai est en général de deux ans à compter de la délivrance du bien. Ce délai est interruptible.
Entre professionnels, la rigueur d’exigence peut être atténuée selon l’usage et la qualité des parties. Certaines clauses d’exclusion de garantie sont valables si elles ne privent pas le contrat de toute réalité.
Il s’agit de délivrer une voiture respectant les spécifications du contrat (kilométrage, options, état, absence d’accident). Toute différence autorise l’acheteur à agir pour non-conformité.
En cas de défaut de délivrance conforme, l’acheteur peut solliciter l’exécution en nature, une réduction du prix, la résolution judiciaire du contrat, ou encore des dommages-intérêts selon les cas.
La délivrance conforme issue du Code civil se distingue et se combine avec la garantie légale de conformité (Code de la consommation) qui offre au consommateur une protection renforcée contre les non-conformités affectant le produit à compter de sa délivrance.
Cela concerne notamment l’absence d’un raccordement promis, la surfacturation de superficie, ou l’état du bien, comparé aux stipulations contractuelles. L’acquéreur peut agir pour obtenir la mise en conformité ou la résolution de la vente.
• Décrire avec précision la chose, ses caractéristiques et ses accessoires dans le contrat.
• Préciser expressément les éléments attendus (état, conformité à telle norme, accessoires livrés…).
• Pour l’acheteur : systématiser le contrôle du bien à réception et faire émettre des réserves en cas de doute.
“Le vendeur s’engage à délivrer à l’acheteur le bien conforme en tous points aux stipulations contractuelles, incluant l’ensemble des accessoires et documents nécessaires, sous peine de résolution de plein droit de la vente et d’octroi de dommages-intérêts.”
L’obligation de délivrance conforme demeure l’une des protections fondamentales du cocontractant, à la croisée du droit civil et du droit de la consommation. Sa maîtrise permet d’éviter de nombreux litiges et d’assurer la sécurité juridique des transactions. Professionnels, acheteurs, vendeurs : la vigilance s’impose à chaque étape, de la rédaction du contrat à la livraison effective du bien.