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12/11/25

Provision pour litiges : définition, comptabilisation et conseils pratiques pour les dirigeants de PME

La provision pour litiges permet à l’entreprise d’anticiper financièrement un contentieux en cours ou probable. Découvrez comment la constituer, les conditions de déductibilité fiscale et les bonnes pratiques comptables et juridiques.

Qu’est-ce qu’une provision pour litiges ?

La provision pour litiges est une écriture comptable permettant d’anticiper une sortie de trésorerie probable liée à un contentieux, qu’il soit commercial, prud’homal, fiscal ou civil. Elle incarne le principe de prudence comptable : l’entreprise doit traduire dans ses comptes toute charge probable, même si elle n’est pas encore certaine.

Autrement dit, dès lors qu’un différend existe – assignation reçue, réclamation client, procédure prud’homale engagée – il est possible de constituer une provision correspondant au risque estimé.

Exemple concret

Une société de services informatiques reçoit une mise en demeure d’un client réclamant 30 000 € pour non-conformité de prestations. Même si le dossier semble solide, l’issue reste incertaine : la société doit alors provisionner cette somme dans le compte 1511.

Base légale et référence comptable

Le Plan Comptable Général (PCG) indique, à l’article 212-3, qu’une provision doit être comptabilisée lorsqu’une obligation envers un tiers rend probable une sortie de ressources sans contrepartie équivalente.
Le compte 1511 « Provisions pour litiges » est celui utilisé pour ce type d’enregistrement (règlement ANC n° 2014-03).

En parallèle, l’article 39-1-5° du Code général des impôts permet de déduire fiscalement cette provision si elle répond à trois conditions :
– la charge est probable ;
– la charge est nettement précisée quant à sa nature et son montant ;
– elle est rattachable à des événements survenus avant la clôture de l’exercice.

Comment comptabiliser une provision pour litiges ?

La procédure se déroule en deux étapes : la dotation et la reprise.

  1. Dotation à la provision
    • On débite un compte de charges (6815, 6865 ou 6875 selon la nature du litige)
    • On crédite le compte 1511 « provision pour litiges ».
  2. Reprise de provision
    • Si le risque disparaît (victoire judiciaire, transaction favorable), on débite le compte 1511 et on crédite un compte de produits (7815, 7865 ou 7875).

Conditions de déductibilité fiscale

Une provision pour litiges n’est déductible fiscalement que si trois conditions sont réunies :

  • le litige est réel et né à la date de clôture (procédure engagée ou menace précise) ;
  • la charge est probable et précisément évaluée ;
  • la provision est comptabilisée régulièrement et figure dans le tableau des provisions joint à la liasse fiscale.

Exemple : une société reçoit une assignation prud’homale pour rupture abusive. Elle estime à 20 000 € le risque. La provision est comptabilisée à la clôture. Après jugement, si elle est condamnée à 15 000 €, elle reprend 5 000 €.

Quand une provision devient-elle sans objet ?

Deux hypothèses :
L’entreprise perd son procès : la dette devient certaine et remplace la provision, désormais reprise comptablement.
L’entreprise gagne le litige : le risque disparaît et la provision est annulée, mais la reprise est imposable puisque la dotation avait été déduite.

Risques de non-provisionnement

Ne pas constituer de provision peut fausser l’image fidèle des comptes et exposer l’entreprise à un redressement fiscal.
En effet, une entreprise qui omet d’enregistrer un risque connu au jour de la clôture manque au principe de prudence et présente une situation financière inexacte, ce qui peut être reproché lors d’un contrôle de l’administration.

Jurisprudence et exemples doctrinaux

  • CE, 20 nov. 2002, n° 230530 : provision admise même si l’issue du litige est incertaine, dès lors que sa naissance est prouvée.
  • CAA Paris, 17 oct. 2013, n° 12PA01476 : provision rejetée car le litige était définitivement tranché.
  • CE, 7 déc. 2016, n° 384309 : rappel du principe de temporalité : seuls les événements existants à la clôture sont pris en compte.

Bonnes pratiques pour les dirigeants de PME

  1. Évaluer avec prudence : mieux vaut provisionner un risque légèrement surestimé que sous-évaluer l’impact d’un litige.
  2. Documenter systématiquement : conserver les courriers, assignations, expertises et estimations.
  3. Faire valider par l’expert-comptable et, idéalement, par votre avocat, surtout en cas de dossiers sensibles (clients importants, litiges prud’homaux significatifs…).
  4. Réévaluer chaque année en fonction de l’évolution des procédures.

Exemple de clause contractuelle préventive

« En cas de différend relatif à l’interprétation ou l’exécution du présent contrat, les parties s’engagent à tenter une conciliation amiable préalablement à toute action judiciaire. À défaut d’accord dans un délai de 30 jours, chacune des parties pourra engager la procédure compétente. »

Cette clause incite à la résolution anticipée des litiges et limite la constitution de provisions coûteuses.

FAQ – Les questions fréquentes sur la provision pour litiges

Quelle est la signification de « provision » ?

Une provision correspond à une dette ou une charge probable, mais non certaine, que l’entreprise enregistre pour anticiper une sortie de ressources future.

Quelles sont les conditions pour comptabiliser une provision ?

Trois critères cumulatifs : existence d’un risque né à la clôture, probabilité de perte et évaluation fiable du montant.

Quels sont les différents types de provisions ?

Les principales catégories sont : provisions pour risques et charges, garanties, litiges, pénalités, dépréciations et pertes de change.

Quelle écriture comptable utiliser pour un litige fournisseur ?

Une provision au compte 1511 est passée, par le débit du compte 6815 « dotations aux provisions pour litiges » et un crédit du compte 1511.

Et pour un contentieux prud’homal ?

Même principe : si un salarié saisit le conseil de prud’hommes, le risque doit être évalué en fonction des indemnités potentielles.

Une provision pour litige est-elle toujours déductible ?

Non : elle ne l’est que si le risque est certain, né avant la clôture et suffisamment chiffré. Si le litige est hypothétique ou postérieur, elle n’est pas déductible.

L’essentiel à retenir

La provision pour litiges est un outil de gestion et de prudence financière indispensable. Elle traduit la bonne foi et la rigueur de l’entreprise dans la gestion de ses risques. Bien constituée, elle permet de préserver la crédibilité de vos comptes, de lisser la charge fiscale et d’anticiper d’éventuelles condamnations.

Encadré : un sujet à aborder avec votre conseil

La question des provisions pour litiges touche à la frontière entre comptabilité, fiscalité et droit.
Or, sa mise en œuvre dépend de multiples éléments : nature du contentieux, étape procédurale, probabilité de sortie de ressources.
Il est donc fortement recommandé de solliciter l’accompagnement d’un avocat en droit commercial avant toute décision, afin de sécuriser la démarche.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris