Le refus de vente : définition, motifs légitimes, sanctions, jurisprudence, exemples concrets et recours en cas de refus illicite. Découvrez dans cet article complet les règles applicables entre consommateurs et professionnels, les conditions de la loi et les solutions pratiques pour agir face au refus de vente.
Refuser une vente, que ce soit à un consommateur ou à un professionnel, soulève des enjeux juridiques majeurs, à la croisée du droit de la consommation, du droit commercial et du droit de la concurrence. Cette problématique touche aussi bien les commerçants soucieux de sécuriser leur pratique que les acheteurs souhaitant faire respecter leurs droits.
La notion de refus de vente cristallise les rapports de force sur le marché, tout en illustrant les protections accordées aux clients par le législateur, face aux risques d’abus ou de discrimination. C’est pourquoi il importe de l’appréhender à la lumière de la loi, de la jurisprudence, de la doctrine et de la réalité du terrain commercial.
L’interdiction du refus de vente trouve ses origines dans l’ancienne ordonnance du 30 juin 1945 modifiée par le décret du 24 juin 1958. Cette protection, ancêtre de l’actuel article L121-11 du Code de la consommation, a d’abord été destinée à encadrer la liberté contractuelle au profit du faible contractant.
La circulaire Fontanet du 31 mars 1960 a apporté des précisions notables, toujours transposables aujourd’hui, bien que non opposable à l’administration. Ce socle historique témoigne de la volonté du législateur de garantir la loyauté des échanges et de protéger le consommateur contre les pratiques arbitraires.
Le refus de vente vise à éviter :
• Les abus de position dominante
• Les discriminations manifestes
• La rupture brutale des relations commerciales
• Les pratiques restrictives de concurrence
Le refus de vente s’entend comme le fait, pour un professionnel (producteur, distributeur ou prestataire), de refuser à un consommateur ou à un autre professionnel la vente d’un produit ou la fourniture d’un service, hors motif légitime. Il inclut :
• Le refus pur et simple d’exécuter la commande
• L’offre de conditions impossibles ou inacceptables
• La substitution de produits non demandés
Le champ d’application est large, couvrant tout type de biens et services, y compris les prestations intellectuelles ou artisanales.
La protection offerte par les textes est prioritairement tournée vers le consommateur. Entre professionnels, la liberté contractuelle prédomine, sauf pratiques anticoncurrentielles ou ruptures abusives d’une relation commerciale établie.
Il est interdit, pour un professionnel, de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la fourniture d’un service, sauf motif légitime.
• Refus de reconduction d’un contrat de location d’emplacement de véhicule ou de mobil-home (Cass. 2009)
• Refus de vendre un article exposé en vitrine (T. corr. Mâcon, 1985)
• Refus d’accès à un restaurant pour une personne handicapée (T. corr. Paris, 1995)
• Refus de servir un plat à une table pour motif discriminatoire (CA Paris, 1991)
• Refus de louer une chambre d’hôtel pour deux personnes à un client seul (Rép. Sautier, 1982)
Le refus de vente peut prendre diverses formes :
• Refus explicite d’honorer la commande
• Conditions de vente inacceptables (prix, livraison)
• Substitution d’un autre produit ou marque pour contourner la demande
• Pratiques dilatoires rendant impossible la conclusion du contrat
Le vendeur se réserve le droit de refuser toute demande si le produit est indisponible ou si la demande est anormale ou abusive, conformément à la législation en vigueur.
Le professionnel peut légitimement refuser la vente s’il ne dispose pas du produit ou ne peut l’obtenir raisonnablement, ou encore si le service demandé ne peut être fourni (rupture de stock, indisponibilité, impossibilité matérielle).
Jurisprudence : Un éditeur n’a aucune obligation de reconstituer ses stocks pour satisfaire chaque demande (TGI Paris 1980).
Il est possible de justifier le refus dans le cas d’une commande quantitativement ou qualitativement hors normes, incompatible avec les pratiques usuelles. Exemple : demande démesurée, exigence de livraison impossible, conditions de paiement atypiques.
Le refus est licite en présence d’un client de mauvaise foi (insolvabilité, antécédents de non-paiement, comportement agressif).
Jurisprudence : Refus de renouveler l’abonnement d’un adhérent injurieux dans un club de sport (CA Versailles 2003).
La vente de certains produits est strictement encadrée ou interdite (substances réglementées, produits pharmaceutiques, armes, etc.). Si le consommateur ne satisfait pas aux conditions requises, le refus est légitime.
Jurisprudence : Condamnation d’un pharmacien ayant refusé la délivrance de contraceptifs sur prescription médicale pour raison personnelle (Cass. crim. 1998).
Conserver un stock de sécurité ou respecter les engagements antérieurs de livraison peut justifier un refus. Toutefois, il reste illicite de faire des distinctions entre clients ou d’opérer des choix personnalisés dans l’attribution de la marchandise.
Un journal peut refuser la publication d’une annonce de particulier, ce droit relevant de la liberté de la presse (CA Dijon, 1988).
Est discriminatoire le refus fondé sur l’origine, le sexe, l’apparence physique, le handicap, la situation de famille, l’orientation sexuelle, l’âge, la religion, les opinions, etc. (article 225-1 du Code pénal).
• Refus de location d’une chambre à un couple mixte (CA Douai, 1974)
• Refus de servir deux clients arabes dans un débit de boissons (T. corr. Strasbourg, 1974)
• Refus d’accès à un restaurant pour motif de handicap (T. corr. Paris, 1995)
• Refus d’embarquer une personne paraplégique (CA Paris 1994)
• Refus de location pour motif religieux (CA Paris 2010)
Le refus de vente discriminatoire est puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende pour les personnes physiques, cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € pour des faits commis dans un lieu public ou visant à en interdire l’accès (article 225-2 du Code pénal). Les sanctions pour une personne morale peuvent atteindre 375 000 €.
En principe, un professionnel peut refuser de vendre à un autre professionnel, sauf :
• Abus de position dominante
• Rupture brutale d’une relation commerciale établie
• Pratiques anticoncurrentielles ou restrictives de concurrence
La cessation brutale d’une relation commerciale sans respecter un délai de préavis raisonnable suffit à engager la responsabilité du vendeur. La partie lésée peut saisir le juge et obtenir indemnisation.
Un refus de vente qui place le vendeur en position dominante ou vise à évincer un concurrent constitue une pratique restrictive de concurrence, susceptible d’être sanctionnée par l’Autorité de la concurrence ou le tribunal de commerce.
• Personne physique : 1 500 €, voire 3 000 € en cas de récidive
• Personne morale : 7 500 €, voire 15 000 € en cas de récidive
• Cas de discrimination : jusqu’à 45 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement, et jusqu’à 375 000 € pour une personne morale.
• Dommages-intérêts en faveur du client victime
• Injonction de faire/cesser sous astreinte
• Publication du jugement sur les frais du professionnel
• Interdiction d’exercice, fermeture d’établissement en cas de faute grave
• Discussion directe avec le professionnel
• Demande officielle, écrit circonstancié
• Médiation avec un tiers (médiateur de la consommation, associations spécialisées)
• Plainte au procureur de la République
• Saisine du juge civil (demande de réparation)
• Signalement auprès de la DGCCRF ou sur SignalConso.gouv.fr
• Saisine du Défenseur des droits en cas de discrimination
• Insérer des clauses de transparence et de justification objective
• Former le personnel sur les motifs légitimes et sur la gestion des refus
• Documenter systématiquement toute décision de refus (traçabilité, preuve)
• Expliquer objectivement la raison du refus
• Proposer une solution alternative licite lorsque c’est possible
• Faire appel à un conseil juridique en cas de doute
Le refus de vente est interdit à l’égard des consommateurs sauf dans les cas expressément prévus par la loi (motif légitime) et reste en principe libre entre professionnels, hors pratiques abusives.
Demandez une justification précise et écrite, tentez un recours amiable puis, à défaut, saisissez la DGCCRF, le Défenseur des droits ou engager une procédure judiciaire.
Rassemblez les preuves, rédigez une plainte circonstanciée et adressez-la au procureur ou à la DGCCRF. En cas de discrimination, saisissez directement le Défenseur des droits.
Rupture de stock, demande anormale, mauvaise foi, interdiction légale, incivilité, impossibilité matérielle. Les motifs discriminatoires ou de convenance personnelle sont illicites.
Outre l’amende, le refus de vente expose à des réparations civiles, des interdictions d’exercice et, dans certains cas, à des sanctions pénales lourdes (discrimination).
La plupart des professeurs et avocats spécialisés mettent en avant le nécessaire équilibre entre liberté de gestion, loyauté des échanges et protection du consommateur. L’absence de motif légitime expose à de lourdes procédures, d’où l’importance d’un suivi rigoureux des ventes et refus.
• Le refus de vente fondé sur des critères discriminants, même indirects, est fortement sanctionné
• Les ruptures abusives entre professionnels sont scrutées et réprimées par les juges du commerce
• Documentez chaque processus : traçabilité, justification, conservation des preuves
Le refus de vente, loin d’être une simple prérogative commerciale, implique une solide connaissance juridique et une vigilance accrue. Son encadrement participe à la protection de la clientèle, à la loyauté du marché et à la sécurité des entreprises. Le professionnel averti saura ainsi distinguer entre refus licite et illicite, assurer une gestion transparente et éviter les pièges du contentieux.
Guillaume Leclerc, avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.
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