Représentation en justice
18/9/25

Responsabilité du dirigeant : Le guide complet

La responsabilité du dirigeant est une question centrale dans la vie des sociétés commerciales. En tant que chef d’entreprise, vous êtes garant du respect des obligations légales, contractuelles et fiscales, tant envers votre société, vos associés, vos salariés que les tiers. Les enjeux sont majeurs : engagement de votre patrimoine personnel, risques de sanctions civiles ou pénales, réputation professionnelle . À travers ce guide exhaustif, découvrez les différents types de responsabilité, la jurisprudence clé, les critères d’engagement, les moyens d’exonération et les bonnes pratiques à adopter pour sécuriser votre fonction de dirigeant.

Quelles sont les responsabilités d’un dirigeant ?


Les fondements juridiques de la responsabilité du dirigeant


La responsabilité du dirigeant découle de l’obligation d’accomplir sa mission avec soin, compétence, loyauté et respect des intérêts sociaux. En France, elle s’articule sur trois axes principaux :
• Responsabilité civile envers la société ou les associés en cas de faute de gestion, violation des statuts ou des textes légaux.
• Responsabilité pénale en cas d’infraction aux lois ou règlements dans l’exercice de ses fonctions.
• Responsabilité fiscale et sociale pour manquements graves ou manœuvres ayant empêché le recouvrement des impôts ou cotisations sociales.


Le dirigeant, qu’il soit gérant, président, directeur général, mandataire social ou administrateur, doit veiller à remplir ses fonctions selon la législation applicable à chaque forme sociale (SARL, SAS, SA, SNC, SCA…).


Encadré pédagogique


La responsabilité du dirigeant n’est pas automatique : elle suppose une faute de gestion, un préjudice avéré et un lien de causalité démontré. Il peut être poursuivi à titre individuel, ou solidaire si la faute est collective (ex : conseil d’administration, directoire).


Quels sont les 3 types de responsabilités du dirigeant ?


Responsabilité civile des dirigeants


La responsabilité civile vise les fautes de gestion causant un préjudice à la société ou aux associés : mauvaises décisions, négligence, absence de consultation, actes contraires aux statuts, rémunération abusive… .


Exemples concrets :
• Omission de convoquer l’assemblée générale, fixation unilatérale de sa rémunération.
• Défaut de surveillance ayant permis le détournement de fonds sociaux.
• Non-souscription d’une assurance obligatoire pour un véhicule de société.


Le dirigeant peut être responsable seul ou avec d’autres, selon la nature de la faute (individuelle ou solidaire).

Responsabilité pénale des dirigeants


La responsabilité pénale s’applique en cas d’infractions intentionnelles ou non à la loi : abus de biens sociaux, travail dissimulé, fraude fiscale, distribution de dividendes fictifs, infractions à la réglementation sociale ou financière.


Exemples concrets :
• Délit d’abus de biens sociaux : utilisation des ressources de la société à des fins personnelles.
• Non-paiement volontaire des cotisations sociales ou TVA.
• Diffusion d’informations fausses pour manipuler le cours des titres.


Les dirigeants encourent des peines pouvant aller jusqu’à la prison, des amendes, et interdiction de gérer.


Responsabilité fiscale et sociale


Le dirigeant peut être poursuivi et déclaré responsable, voire solidaire, du paiement des impôts, pénalités et cotisations sociales si, par ses agissements (fraude, retard, négligence grave), il a rendu impossible le recouvrement par l’administration.


Exemples pratiques :
• Maintien de la société en “survie artificielle”, accumulation de passif fiscal, dépôt tardif des déclarations.
• Omission répétée de paiement des cotisations sociales.
• Non-respect des procédures de déclaration ou de paiement.


Quelles sont les responsabilités du dirigeant de fait ?


La notion de dirigeant de fait : définitions et enjeux


Le dirigeant de fait est une personne qui exerce effectivement, sans titre officiel, les fonctions de direction au sein d’une société. Sa responsabilité peut être engagée selon les mêmes critères que le dirigeant de droit.

Exemple concret :


Un associé ou investisseur qui prend la direction opérationnelle d’une société, dirige les choix stratégiques et la gestion quotidienne, sans être officiellement nommé, peut être qualifié de dirigeant de fait et voir sa responsabilité engagée, par exemple en cas de faillite frauduleuse.


Critères jurisprudentiels :
• Autorité dans les décisions clés.
• Immixtion dans la gestion courante.
• Signature de contrats ou d’actes engageant la société.


Le dirigeant de fait ne bénéficie pas de la prescription triennale : c’est le délai de cinq ans du droit commun (article 2224 du Code civil) qui s’applique.


Qu’est-ce que la responsabilité personnelle des dirigeants ?


La responsabilité du dirigeant envers les tiers


La responsabilité civile du dirigeant à l’égard des tiers ne s’applique qu’en cas de faute séparable des fonctions, c’est-à-dire une faute intentionnelle, d’une gravité particulière, sans rapport direct avec sa mission sociale.


Exemples concrets :
• Tromper volontairement un fournisseur sur la solvabilité de la société.
• Appropriation frauduleuse d’un fonds de commerce en location-gérance.
• Prélèvement anticipé sur les bénéfices avant un litige imminent avec des créanciers.
À défaut de faute séparable, le tiers ne peut qu’engager la responsabilité sociale de la société elle-même.


Encadré pratique : Faute séparable


La faute séparable est admise dans la jurisprudence lorsque le dirigeant agit en dehors du cadre de ses fonctions, avec l’intention de nuire ou d’avantager injustement ses intérêts au détriment d’un tiers.


Responsabilité pénale du dirigeant ?


Quelles sont les infractions pénales les plus courantes ?


La responsabilité pénale du dirigeant est engagée lors de la commission de délits et crimes dans l’exercice de la direction :
• Abus de biens sociaux (articles L 241-3, L 242-6 du Code de commerce).
• Délit de présentation de comptes inexacts, distribution de dividendes fictifs.
• Infractions au droit du travail (travail dissimulé, manquement aux règles de sécurité).
• Délit de banqueroute ou de fraude fiscale.


Exemples jurisprudentiels :


• Cass. com. 18-9-2019 : responsabilité personnelle du dirigeant pour non-souscription d’assurance construction obligatoire.
• Cass. com. 28-9-2010 : faute pénale intentionnelle lors de manœuvre dolosive.


Les moyens de défense en matière pénale


Il existe plusieurs stratégies de défense :
• Exonération en démontrant la délégation effective des pouvoirs (si le délégataire est compétent, doté des moyens et agissant librement).
• Absence de l’intention délictuelle pour les infractions non intentionnelles (ex : mauvaise organisation, simple négligence).
• Preuve de l’absence de lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice.

Cas pratiques : exemples et jurisprudence


Fautes de gestion les plus fréquentées


• Défaut de consultation des associés : gérant ayant géré seul et provoqué la dissolution de la société (Cass. com. 12-03-1974).
• Rémunération excessive des dirigeants malgré la dégradation de la société (CA Paris, 17-11-1981, Cass. com. 27-10-2015).
• Location de véhicule de société non assurée (T. com. Seine 08-01-1952).
• Non-communication de documents sociaux à un associé.


Exemples de clause d’assurance responsabilité civile des dirigeants


Voici un exemple adapté d’une clause de souscription d’assurance civile des dirigeants :


“La société souscrit, pour le compte de ses dirigeants, une assurance de Responsabilité Civile qui garantit les conséquences financières des éventuelles actions en responsabilité engagées à leur encontre dans l’exercice de leurs fonctions, à l’exclusion des actes intentionnels ou dolosifs et des amendes pénales ou fiscales.”


Limite de la couverture : Exemples


En cas de faute intentionnelle ou séparable, la garantie ne joue pas. De même, la couverture ne s’étend pas aux infractions commises dans la vie privée, ni aux dommages corporels ou matériels causés à des tiers.


Les moyens d’exonération du dirigeant


Exonération par opposition


Dans les organes collégiaux (conseil d’administration, directoire), le dirigeant peut se disculper en prouvant qu’il s’est opposé explicitement à la décision fautive : il doit consigner sa protestation dans le procès-verbal ou démissionner dans les cas graves.

Exonération par délégation de pouvoirs


Lorsqu’il établit qu’il a effectivement transféré une partie de ses prérogatives à un salarié ou un associé compétent, doté des moyens nécessaires, le dirigeant peut ne pas être tenu responsable des fautes commises dans le domaine délégué.


Faute des associés, actionnaires ou tiers


La responsabilité du dirigeant peut être atténuée si la faute des associés ou l’intervention fautive d’un tiers est démontrée : ex : administrateur inexpérimenté désigné par les associés, ou tierce personne ayant troublé la gestion sociale.


Action en réparation contre les dirigeants : modalités


L’action sociale « ut singuli »


Tout associé ou actionnaire peut agir individuellement pour indemniser le préjudice subi par la société du fait d’une faute de gestion du dirigeant.


Montant de la part requise :
• 10 % du capital en SARL
• 5 % en sociétés par actions, barème dégressif au-delà de 750 000 € de capital.


La société doit être mise en cause comme partie à l’instance ; en cas de conflit d’intérêts, le tribunal désigne un mandataire ad hoc pour représenter la société.


Action individuelle : réparation du préjudice personnel de l’associé


Un associé ou actionnaire peut agir pour obtenir une indemnisation lorsque la faute du dirigeant lui cause un préjudice distinct de celui de la société : exclusion des assemblées, débits injustifiés sur compte courant, perte de dividendes, présentation de comptes inexacts incitant à investir.


La jurisprudence exclut la perte de valeur des titres sociaux, qui n’est qu’un corollaire du dommage social.


Prescription de l’action


• 3 ans pour les actions civiles ou pénales relevant du Code de commerce.
• 5 ans pour les dirigeants de fait ou les actions fondées sur le droit commun de la responsabilité (ex : SNC, SCS…).


FAQ sur la responsabilité du dirigeant


Quelles sont les conditions d’engagement de la responsabilité civile d’un dirigeant ?


Trois éléments sont nécessaires : une faute de gestion, un préjudice subi par la société ou les associés, et un lien de causalité démontré entre la faute et le dommage.

La responsabilité d’un dirigeant peut-elle être engagée en cas de délégation de pouvoirs ?


Oui, mais uniquement si la délégation n’est pas effective ou que le délégataire n’est pas compétent ou n’a pas agi de façon autonome.


Quelles sont les fautes les plus souvent retenues contre les dirigeants ?


• Négligence, incurie, défaut de surveillance
• Violation des statuts ou des règles légales
• Omission de formalités, passivité face à des irrégularités
• Décisions contraires à l’intérêt social ou environnemental


Que risque-t-on en cas de mise en cause de sa responsabilité ?


Le dirigeant peut être condamné à payer des dommages-intérêts, rembourser les frais de justice, voire faire l’objet de sanctions pénales (amendes, interdiction de gérer, emprisonnement dans les cas graves).

Quelles sont les exclusions courantes dans les clauses d’assurance responsabilité civile des dirigeants ?


• Faute intentionnelle ou dolosive
• Faute séparable des fonctions sociales
• Infractions commises dans la vie privée
• Amendes et pénalités de toute nature, dommages causés à des tiers.


Pourquoi souscrire une assurance responsabilité civile des dirigeants ?


La souscription permet de protéger le patrimoine personnel du dirigeant en cas d’action intentée à son encontre. La couverture peut inclure les frais de justice, les honoraires, les dommages-intérêts et, selon les options, la reconstitution d’image, l’assistance psychologique, etc. Il est recommandé d’informer les associés et de passer par la procédure des conventions réglementées lors de la souscription du contrat.


Quelles sont les limites de la responsabilité du dirigeant vis-à-vis des dettes sociales et fiscales ?


Le dirigeant n’est responsable que s’il a commis des manœuvres frauduleuses ou des négligences graves ayant empêché le recouvrement des sommes dues. Il n’est pas responsable du non-paiement de dettes nées avant l’ouverture d’une procédure collective.


Encadrés pratiques et recommandations


Bonnes pratiques pour limiter le risque


• Opter pour une gestion collégiale et transparente
• Respecter scrupuleusement les statuts, lois et règlements
• Documenter la prise de décision et l’opposition à toute décision contestable
• Mettre en œuvre des délégations de pouvoirs claires et effectives
• Surveiller les démarches déclaratives et comptables pour limiter le risque fiscal et social
• Souscrire une assurance responsabilité civile adaptée au profil de la société et des dirigeants


Jurisprudence clé à connaître


• Cass. com. 18-6-2025 : L’action sociale « ut singuli » reste recevable même après perte de la qualité d’associé.
• Cass. com. 9-11-2022 : Le mandataire ad hoc est obligatoire en cas de conflit d’intérêt.
• CA Paris 14-9-2023 : Pas de responsabilité sans préjudice avéré.


Clause type d’assurance responsabilité civile des dirigeants


Clause exemple - Assurance Responsabilité Civile des Dirigeants :


"La société souscrit, pour le compte de ses dirigeants, une assurance responsabilité civile visant à garantir les conséquences financières des actions engagées contre ceux-ci en cas de manquement professionnel, à l’exclusion de toute faute intentionnelle ou dolosive ou d’amende pénale et fiscale.”


Conclusion


La responsabilité du dirigeant est protéiforme et son régime s’avère complexe. Civile, pénale, fiscale ou sociale, elle implique vigilance et rigueur à chaque étape de la gestion. Dirigeants : protégez-vous par la prévention, la documentation de vos décisions et la souscription d’une assurance adaptée. Actionnaires : veillez à la bonne information et à la transparence des actes de gestion. Ce guide vous aidera à anticiper les risques, comprendre les recours, et agir efficacement en cas de contentieux.


Auteur :
Guillaume Leclerc


Avocat à Paris en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris