Découvrez tout ce que vous devez savoir sur la revente à perte : définition, principes, cadre légal, exceptions, sanctions, exemples concrets et impact dans les relations B2B. Un guide exhaustif et pédagogique rédigé par un avocat en contrats commerciaux à Paris, destiné aux professionnels du commerce et de la distribution.
La revente à perte reste l’un des sujets les plus sensibles et mal compris dans le commerce en France. À l’heure où les stratégies de prix, déstockages et promotions s’intensifient, nombreux sont les professionnels qui ignorent les risques d’une telle pratique. Pourtant, un manquement peut entraîner des sanctions lourdes. Voici un panorama précis, illustré et actualisé.
La revente à perte consiste, pour un commerçant ou un distributeur, à revendre un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif.
Ce principe est posé à l’article L.442-2 du Code de commerce, renforcé et précisé par la jurisprudence et les textes réglementaires.
Point pratique:
Le principe choisi par le législateur français est restrictif : vendre à perte n’est ni une simple démarche promotionnelle ni un outil libre de gestion des stocks – c’est une pratique strictement encadrée.
Le prix d’achat effectif inclut :
• le prix unitaire net de la facture d’achat,
• moins l’ensemble des avantages financiers accordés par le vendeur (remises, ristournes liées à l’achat),
• plus les taxes afférentes et le prix du transport.
Exemple :
Un distributeur achète un lot à 500 €, reçoit une remise de 10 % (50 €), doit ajouter 10 € de transport et 20 € de taxes. Le seuil de revente à perte sera : 500 – 50 + 10 + 20 = 480 €. Vendre au-dessous de ce seuil est interdit (hors exceptions).
La revente à perte est prohibée afin de :
• Protéger la concurrence loyale sur le marché,
• Éviter la destruction du tissu commercial, notamment des petits détaillants,
• Prévenir le dumping et la déstabilisation durable de certains secteurs.
Le législateur considère que la liberté tarifaire doit s’arrêter là où son usage peut provoquer une concurrence déloyale ou des pratiques agressives, telles que l’éviction d’un concurrent par des prix de dumping sur une catégorie de produits.
Seules sont concernées :
• Les reventes de produits “en l’état”, c’est-à-dire sans transformation,
• La revente de biens matériels (et non les prestations de service pures).
Important :
Le fabricant n’est PAS concerné par l’interdiction de la revente à perte sur ses propres productions vendues directement.
L’interdiction vise :
• Les revendeurs à destination des consommateurs FINAL mais aussi :
• Les transactions entre professionnels (notamment grossistes et distributeurs).
Exemple jurisprudentiel :
La Cour de cassation a confirmé qu’une centrale d’achat ayant revendu à perte à des magasins affiliés commettait une infraction aux règles du Code de commerce.
Certaines situations permettent de revendre à perte de manière légale. Les exceptions principales :
• Produits périssables menacés d’altération rapide (fruits, viandes, produits laitiers…).
• Produits démodés, obsolètes ou sortis de la gamme.
• Période de soldes légale (dates fixées réglementairement).
• Cessation ou changement d’activité du commerçant.
• Alignement légal sur le prix pratiqué dans la même zone de chalandise (dans des conditions strictes selon la surface du local).
• Décision administrative ou judiciaire (expropriation, vente forcée…).
Exemple concret :
Un marchand textile peut solder à perte les stocks d’une collection passée pendant les soldes officielles, mais jamais hors de cette période sans l’une des autres exceptions.
Le non-respect de l’interdiction expose le commerçant à de lourdes sanctions :
• Amende administrative : Jusqu’à 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une société, portées respectivement à 400 000 € et 2 millions € en cas de récidive.
• Action en concurrence déloyale possible par un concurrent lésé.
• Sanctions complémentaires : confiscation des produits, publications judiciaires.
• Cas des grandes surfaces : Un supermarché affichant un prix inférieur au prix d’achat effectif pour des sodas en période hors soldes a été condamné par la DGCCRF, malgré un argumentaire “commercial agressif”. Ce type de condamnation sert de rappel à toute la distribution alimentaire.
• Exemple mode – déstockage : Un commerçant de vêtements peut proposer à perte les invendus de l’hiver lors de la période légale des soldes, mais jamais pour liquider les “fonds de tiroir” hors période autorisée.
Lorsque la vente d’un produit est “indissociable” d’un service (matériel informatique + maintenance, revendeur automobile + contrat d’entretien offert), la jurisprudence a estimé que l’interdiction pouvait s’appliquer au tout si la valeur principale réside dans le bien matériel.
• Évolution européenne : La directive 2005/29/CE protège essentiellement les consommateurs contre les pratiques déloyales. La France a choisi un modèle plus restrictif, interdisant la revente à perte aussi entre professionnels, suscitant des débats sur la compétitivité du marché.
• Loi EGalim : Depuis 2019, pour protéger le secteur agricole, le prix de certains produits alimentaires (hors fruits et légumes frais) bénéficie d’un relèvement du seuil de revente à perte de 10 %, bloquant davantage la possibilité de “casser” les prix en grande distribution.
C’est la revente, par un professionnel, d’un produit en l’état à un prix inférieur au prix d’achat effectif (incluant remises, ristournes, frais et taxes).
Pour protéger la concurrence loyale, éviter le dumping et le risque de disparition des petits détaillants.
C’est le prix d’achat net minoré des avantages financiers et majoré des taxes et coûts de transport, calculé selon la facture d’achat de chaque lot.
Vente à perte possible pendant les soldes, en fin d’activité, pour produits périssables, démodés ou lors d’un alignement, sous conditions strictes.
Jusqu’à 75 000 € d’amende (personne physique), 375 000 € (personne morale), voire plus si récidive. Le concurrent évincé peut aussi poursuivre pour concurrence déloyale.
L’interdiction ne vise que la revente de produits en l’état. Mais un contrat mixte produit/service dominant peut faire basculer l’ensemble dans le champ de l’interdiction s’il dissimule une vente à perte.
Hors période officielle des soldes et sans motif légal, toute vente à perte est interdite. Pendant les soldes, elle devient autorisée pour écouler les stocks de la saison passée.
Oui, toute activité de revente à perte est prohibée, sauf exceptions. En revanche, le fabricant n’est pas concerné pour ses ventes en direct et il est libre de pratiquer toute stratégie tarifaire.
• Documentez et archivez vos factures d’achat, calculez précisément votre seuil lors de chaque opération promotionnelle.
• Formez votre équipe de vente, notamment en période de soldes ou déstockage : aucune remise ne doit faire passer le prix sous le seuil légal.
• Anticipez la planification de vos opérations commerciales pour éviter toute tentation de démarcher à perte en cas de mévente soudaine.
• Sollicitez l’avis d’un avocat ou d’un spécialiste avant toute opération massive de déstockage.
La revente à perte reste une règle d’ordre public incontournable en France. Les évolutions du droit, les nuances sectorielles, l’influence européenne et les adaptations récentes imposent une vigilance permanente dans la gestion tarifaire, la communication commerciale et la documentation interne des décisions de prix.
Ne prenez pas ce risque à la légère : une stratégie “agressive” mal maîtrisée peut entraîner de lourdes conséquences et anéantir la rentabilité espérée d’une campagne commerciale.
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Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.