Représentation en justice
29/9/25

Sursis à statuer : définition, conditions, effets, exemples et stratégie en procédure civile

Le sursis à statuer en procédure civile : définitions, conditions, effets, exemples de clauses, typologies, incidences, recours et FAQ. Comprenez ce mécanisme essentiel, ses implications pratiques et jurisprudentielles à travers une analyse approfondie, pédagogique et illustrée par des cas concrets et décisions récentes.

Qu’est-ce que le sursis à statuer ?

Le sursis à statuer est une décision judiciaire qui suspend provisoirement le cours d’une procédure pour une durée déterminée ou jusqu’à la survenance d’un événement précis. Cette mesure vise essentiellement à assurer une bonne administration de la justice lorsqu’une question essentielle, souvent préalable, doit recevoir une solution avant de reprendre l’instance principale.

Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge qui conserve la maîtrise du dossier pendant toute la période de suspension.

Exemple concret

Prenons le cas d’un litige relatif à la validité d’un contrat commercial en attente d’une décision d’une juridiction administrative sur une question préjudicielle : le juge commercial pourra décider un sursis à statuer jusqu’à la notification de la décision administrative.

Les fondements juridiques du sursis à statuer

Le sursis à statuer trouve son fondement dans le Code de procédure civile (articles 378 à 380-1) ainsi que, selon les cas, dans le Code civil, le Code pénal et d’autres textes sectoriels.

Article 378 CPC

« La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Régimes particuliers

  • Délais pour inventaire et délibération (succession - art. 108 CPC)
  • Bénéfice de discussion ou de division (caution – art. 108 CPC)
  • Attente d’une décision juridictionnelle saisie à titre préjudiciel (art. 49 CPC)
  • Attente de la décision d’une juridiction pénale (art. 4 CPP).

Typologie : sursis obligatoire et sursis facultatif

Sursis à statuer obligatoire

Le juge doit obligatoirement surseoir à statuer quand la loi l’impose, notamment :

  • Si l’une des parties bénéficie d’un délai légal d’attente (ex. : inventaire, délibération, bénéfice de discussion ou de division).
  • Si le litige dépend d’une question relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction (ex. : question préjudicielle administrative).

Sursis à statuer facultatif

Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation pour prononcer le sursis à statuer lorsque des circonstances ou l’intérêt de la justice le justifient, notamment :

  • Si un recours extraordinaire est en cours (tierce opposition, pourvoi en cassation).
  • Si la solution du litige dépend d’un événement incertain ou d’une procédure parallèlement engagée.

Pourquoi demander un sursis à statuer ?

Le sursis à statuer est un outil stratégique, permettant d’éviter des décisions contradictoires ou inutiles quand l’issue de la procédure dépend d’une autre instance ou d’un événement extérieur qui conditionne la solution du litige.

Exemples pratiques

  • Procédure civile suspendue jusqu’à ce qu’un litige administratif soit tranché.
  • Action civile en suspension dans l’attente de la décision sur l’action publique en matière pénale (« le criminel tient le civil en l’état »).
  • Demande de sursis lors d’une tierce opposition ou pourvoi en cassation concernant la validité de la décision contestée.

Effets du sursis à statuer sur l’instance

La suspension de l’instance a pour effet :

  • De dispenser temporairement les parties de toute diligence,
  • De reporter le point de départ du délai de péremption,
  • De laisser le juge saisi du dossier, libre d’intervenir pour abréger, proroger ou révoquer le sursis si la situation évolue.

Reprise de l’instance

À la cessation du sursis (survenance de l’événement ou expiration du délai), les parties doivent se manifester pour poursuivre la procédure, à moins que le juge n’y pourvoie d’office.

Sursis à statuer « in limine litis » et modalités procédurales

La demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure soumise à un régime particulier :

  • Elle doit être soulevée in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond, sous peine d’irrecevabilité.
  • La compétence pour statuer sur la demande relève du juge de la mise en état dans les procédures avec représentation obligatoire.

Jurisprudence illustrative

Cass. com., 28 juin 2005 : la demande de sursis à statuer fondée sur la pendance d’une enquête pénale doit être soulevée avant toute défense au fond, à peine d’irrecevabilité.

Exemples de sursis à statuer

Clause-type de sursis à statuer

Voici un exemple de clause contractuelle portant sur le sursis à statuer :

« En cas de contestation portant sur l’exécution ou l’interprétation du contrat, si une procédure est engagée devant une juridiction pénale ou administrative et que la solution de ce litige est susceptible d’influencer la présente procédure, les parties conviennent que le juge saisi pourra ordonner un sursis à statuer jusqu’à la décision définitive sur la question préjudicielle. »

Exemples jurisprudentiels

  • Cass. civ. 4 juillet 2019 : sursis obligatoire en cas de question préjudicielle sérieuse et nécessaire à la résolution du litige.
  • CA Paris, 13 juin 2006 : sursis facultatif dans le cadre d’un pourvoi en cassation.

Recours contre la décision de sursis à statuer

La décision de sursis à statuer peut être contestée :

  • Par voie d’appel, sur autorisation du premier président de la cour d’appel pour motif grave et légitime.
  • Par pourvoi en cassation en cas de violation de la règle de droit.

Recours immédiat ou conjoint

Un appel immédiat n’est possible que si la décision de sursis tranche une partie du principal ou sur autorisation spéciale, sinon le recours n’est recevable qu’en même temps que le jugement sur le fond.

Sursis à statuer dans l’attente d’une décision

Le sursis peut être motivé par l’attente :

  • D’une décision administrative, pénale ou civile sur une question sérieuse et préjudicielle.
  • De la résolution d’une voie de recours ou d’une demande incidente pendante.

Exemples pratiques

  • Question préjudicielle relative à la légalité d’une décision administrative, nécessitant l’intervention préalable de la juridiction compétente avant la reprise de la procédure principale.
  • Instance civile suspendue du fait de poursuites pénales sur les mêmes faits, afin de préserver la présomption d’innocence.

Sursis à statuer et code de procédure civile (CPC)

Articles principaux :

  • Article 378 CPC : suspension de l’instance
  • Article 108 CPC : sursis obligatoire
  • Article 109 CPC : sursis facultatif pour garantir le défendeur
  • Article 380 CPC : recours contre la décision

Sursis à statuer et stratégie procédurale

Demander un sursis peut s’avérer décisif pour :

  • Gagner du temps (en attente d’un événement favorable)
  • Anticiper la solution d’une question préjudicielle
  • Influencer les chances de succès de l’instance principale.

Facteurs à prendre en compte

  • L’intérêt du client à sécuriser l’issue du dossier ;
  • La probabilité que l’événement attendu ait une incidence décisive ;
  • La pertinence de la demande au regard des délais et des coûts.

FAQ sur le sursis à statuer

Qu’est-ce que le sursis à statuer ?

C’est une décision judiciaire qui suspend la procédure en cours, soit pour une durée déterminée, soit le temps de la survenance d’un événement spécifique qui conditionne la solution du litige.

Que signifie « j’ai sursis à statuer » ?

Le juge a temporairement arrêté la procédure, attendant que l’événement ou la décision prévue intervienne.

Pourquoi demander un sursis à statuer ?

Pour éviter des décisions contraires ou inutiles lorsque la résolution du dossier dépend d’un autre événement ou d’une autre juridiction.

Pourquoi surseoir à statuer ?

Pour garantir la cohérence des décisions judiciaires, respecter les droits des parties et assurer la bonne administration de la justice.

Que veut dire sursis à statuer « in limine litis » ?

Cela signifie que la demande de sursis doit être présentée dès le début de l’instance, avant toute défense au fond.

Le sursis à statuer dans l’attente d’une décision : comment ça marche ?

La procédure principale est suspendue jusqu’à ce qu’une décision extérieure (administrative, pénale, etc.) soit rendue, permettant alors la reprise de l’instance.

Sursis à statuer et délai de péremption : quel effet ?

Le sursis interrompt le délai de péremption, qui recommence à courir à la cessation du sursis.

Sursis à statuer : quels recours ?

Recours par appel, sous conditions et souvent sur autorisation, ou pourvoi en cassation en cas de violation du droit.

Encadré pédagogique : points de vigilance et bonnes pratiques

  • Anticipez : identifiez tôt les questions préjudicielles et les recours utiles.
  • Agissez vite : soulevez la demande de sursis in limine litis pour éviter l’irrecevabilité.
  • Soyez précis : justifiez le sursis par des faits et textes appropriés.

Conclusion

Le sursis à statuer est une mesure technique et stratégique essentielle à la pratique du contentieux commercial et civil. Maîtriser ce mécanisme permet d’optimiser la gestion des procédures et de défendre au mieux les intérêts du client, en anticipant les conséquences de situations préalables ou parallèles. L’analyse approfondie du régime juridique, de la typologie et des effets du sursis à statuer vous garantit une vision exhaustive et opérationnelle de cette notion incontournable du procès civil.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.