La réforme de la procédure civile qui entre en vigueur le 1er septembre 2025 bouleverse les habitudes du procès civil en France : amiable au cœur, rôle renforcé du juge, double procédure de mise en état, nouvelle place pour la médiation et l’expertise. Cet article vous livre une analyse pédagogique, technique et riche en exemples concrets des nouveaux outils et enjeux, pour les praticiens du droit et justiciables.
La réforme entrée en vigueur le 1er septembre 2025, par le décret n°2025-660 du 18 juillet 2025, inaugure une nouvelle ère pour la procédure civile française. L’objectif est clair : fluidifier le procès civil, renforcer les modes amiables de résolution des différends, rationaliser l’instruction des affaires. Au cœur de cette mutation, la responsabilisation des parties et la modernisation de la justice reconfigurent les rapports entre les avocats, les juges et les justiciables .
La réforme consacre les modes amiables de résolution des différends (MARD) et inverse la logique de la procédure civile : désormais, l’amiable est la règle, le contentieux judiciaire devient l’exception . Le juge se mue en orienteur, chargé d’inciter les parties à la coopération et de proposer les modes les plus adaptés à la résolution du litige.
Exemple concret : Dans un litige commercial, les parties sont invitées à organiser elles-mêmes le calendrier de l’instruction et à choisir, dès le début de l’instance, la médiation ou la conciliation avant d’envisager le passage devant le juge.
La réforme institue deux procédés de mise en état :
• L’instruction conventionnelle simplifiée, sans formalisme particulier, réservée aux dossiers simples ;
• La procédure participative aux fins de mise en état (CPPME), formalisée par acte contresigné par avocats, adaptée aux litiges complexes nécessitant un cadre précis .
Exemple concret : Dans un litige de bail commercial, les avocats des parties peuvent, par convention, fixer les dates d’échange de pièces et de conclusions, sans attendre le calendrier judiciaire habituel.
L’accord sur la mise en état conventionnelle ouvre un accès prioritaire à l’audiencement, permettant aux parties de maîtriser les délais de la procédure .
Le juge civil ne tranche plus seulement le litige : il devient garant du processus, orienteur vers la solution la plus adaptée (judiciaire, médiation, conciliation…), tout en conservant la possibilité de retrouver son imperium en cas d’échec de l’amiable .
Exemple concret : Dans une affaire de désordres de travaux, le juge peut proposer une médiation, désigner un expert pour concilier les parties ou fixer un calendrier sur mesure.
Le décret prévoit que le juge peut enjoindre les parties à rencontrer un médiateur ou un conciliateur, avec une possible amende civile de 10 000 € en cas de refus non légitime. Cette innovation vise à installer une véritable culture de l’amiable, mais soulève des interrogations sur la liberté réelle des parties et le risque de judiciarisation de la médiation .
La réforme harmonise médiation et conciliation : confidentialité, effets procéduraux, injonctions du juge, sauf pour les Conseils de prud’hommes restés sous leur régime propre .
Exemple concret : Dans un litige de copropriété, les parties peuvent être dirigées vers le conciliateur de justice (bénévole) ou un médiateur professionnel, selon la nature du dossier et la volonté des parties.
L’accord amiable gagne en sécurité juridique, pouvant recevoir force exécutoire par le procès-verbal du juge, l’acte d’avocat ou l’homologation judiciaire. La clause d’homologation doit toutefois respecter les exigences du décret pour être opérante .
L’expert peut désormais être chargé de concilier les parties, en plus de sa mission technique. L’expertise conventionnelle est facilitée et le juge d’appui intervient en cas de difficulté de désignation ou d’exécution de la mission .
Exemple concret : En cas de malfaçons dans des travaux, les parties peuvent désigner un expert commun dont le rapport aura la même valeur judiciaire que si l’expert était désigné par le juge. Si une difficulté surgit, un juge d’appui prend le relais.
Les nouveaux textes favorisent l’utilisation du portail du justiciable, la transmission dématérialisée des actes et des décisions, la simplification de la compétence territoriale pour les mesures d’instruction in futurum et la possibilité de recours centralisés pour l’arbitrage international .
Exemple concret : Une procédure de contestation de nom de domaine peut désormais bénéficier d’une communication dématérialisée intégrale entre les parties, le juge et le greffe.
Dans les contentieux commerciaux (baux, construction, contrats, propriété intellectuelle…), la réforme offre :
• Un gain de temps substantiel grâce à la conventionnalisation de la procédure ;
• Des coûts mieux maîtrisés (moins d’audiences, moins de frais annexes) ;
• Une sécurité juridique accrue des accords amiables .
La procédure amiable devient le principe directeur : mise en état conventionnelle, rôle du juge comme orienteur, généralisation de la médiation et de la conciliation, force exécutoire facilitée des accords, expertise conventionnelle renforcée et simplification des procédés électroniques.
La mise en état simplifiée se réalise sans exigences de forme ; la procédure participative requiert un acte formalisé par avocats, et s’adresse aux dossiers les plus complexes ou à forte expertise.
Non. L’accord doit respecter les conditions des nouveaux articles du Code de procédure civile (notamment la clause d’homologation ou l’acte d’avocat). Sans cela, il reste un simple contrat privé.
Oui. Le juge peut désormais enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur ou conciliateur, avec une amende civile en cas de refus injustifié.
Les parties désignent ensemble l’expert, qui peut ensuite être assisté du juge d’appui si une difficulté survient (désaccord sur le choix, refus d’exécution…).
Vous l’aurez compris, cette réforme de la procédure civile représente une rupture profonde des pratiques. L’amiable occupe désormais une place centrale, l’expertise conventionnelle et la coopération entre parties s’institutionnalisent, et la digitalisation des procédés vient accélérer le traitement des litiges.
Pour les praticiens, elle impose une adaptation rapide, une pédagogie renouvelée et une vigilance accrue dans la rédaction des accords et la conduite des dossiers. Les exemples retenus démontrent que le juge, loin d’être écarté, demeure le garant du processus et l’arbitre ultime en cas d’échec.