Actions en responsabilité
21/9/25

Action en contrefaçon : Comprendre, agir et se défendre efficacement

L’action en contrefaçon est le rempart juridique clé pour la défense des droits de propriété intellectuelle. Définition, procédure, conditions, exemples concrets, distinction avec la concurrence déloyale et FAQ détaillée pour tout comprendre des enjeux pratiques et techniques

Introduction


L’ « action en contrefaçon » constitue l’arme centrale de protection et de valorisation des droits de propriété intellectuelle – marques, brevets, dessins et modèles, droits d’auteur.

Forte d’une jurisprudence évolutive et d’une pratique judiciaire dynamique, elle répond à des enjeux économiques majeurs pour les entreprises et créateurs.

Quelle que soit votre position – titulaire de droit, exploitant ou mise en cause – il est indispensable de comprendre la portée, la procédure et les alternatives à cette action.

Qu’est-ce que l’action en contrefaçon ?

Définition légale et doctrinale

L’action en contrefaçon est la voie de recours offerte à tout titulaire d’un droit de propriété intellectuelle pour faire cesser la violation de ce droit et obtenir réparation. Il s’agit d’une action civile ou pénale, selon la nature des faits reprochés, qui vise toute reproduction, imitation ou usage non autorisé d’un droit protégé.

Exemple pédagogique :
Un titulaire de brevet identifie la commercialisation d’un produit reprenant sans autorisation les revendications techniques de son brevet. Il peut engager une action pour obtenir l’arrêt immédiat de la commercialisation, la destruction des stocks contrefaisants et l’indemnisation de son préjudice.

Pas de contrefaçon en cas de cession de droit d'auteur

Retrouvez mon article sur : www.victorisavocat.com/blog/cession-de-droit-dauteur.

Champ d’application de l’action en contrefaçon

Quels droits sont concernés ?

  • Marque : tout usage sans autorisation d’une marque protégée pour des produits ou services identiques ou similaires.
  • Brevet : toute reproduction ou exploitation d’une invention brevetée sans accord du titulaire.
  • Droits d’auteur : toute utilisation, reproduction ou adaptation d’une œuvre protégée sans consentement.
  • Dessins et modèles : toute imitation ou reproduction d’un dessin ou modèle protégé.

Encadré pratique :
La protection s’applique au titre de la propriété intellectuelle valable et publiée : une marque non enregistrée ou un brevet non inscrit ne confèrent pas ce droit.

Exemple d’actualité :
La Cour de cassation a rappelé l’importance de l’inscription au registre national des brevets pour la recevabilité de l’action en contrefaçon, y compris pour les faits antérieurs sous réserve de régularisation légale.

Conditions de recevabilité d’une action en contrefaçon

Qui peut agir ?

Le titulaire du droit, le cessionnaire dûment inscrit, le licencié exclusif, dans certains cas le syndicat professionnel ou l’ayant droit en matière successorale ou de société.

Clause-type (exemple pour licencié exclusif) :

"Le licencié exclusif est habilité à engager toute action en contrefaçon relative au présent contrat, sous réserve d’en informer préalablement le titulaire des droits."

Quelles preuves fournir ?

  • Titre de propriété valide et opposable (certificat d’enregistrement, dépôt publié)
  • Éléments matériels attestant l’imitation, la reproduction ou l’exploitation illicite
  • Éventuellement, existence d’un préjudice

Zoom sur la saisie-contrefaçon
La saisie-contrefaçon, ordonnée par le tribunal, permet de faire constater, saisir et préserver la preuve de la contrefaçon.

Illustration :
Une entreprise suspectant la copie de ses produits peut, grâce à la saisie-contrefaçon, faire intervenir un huissier pour saisir directement chez l’auteur présumé tout document, produit ou machine suspectée.

Procédure de l’action en contrefaçon

Étape préalable : mise en demeure

Dans la pratique, il est fortement recommandé d’adresser une mise en demeure à l’auteur supposé de la contrefaçon avant toute action judiciaire. Cette démarche peut permettre d’obtenir un accord amiable ou servir de preuve de bonne foi lors de l’action ultérieure.

Introduction de l’action

  • Si aucun accord, assignation devant le Tribunal judiciaire compétent (section spécialisée propriété intellectuelle).
  • Transmission de tous les éléments de preuve avec l’assignation.
  • Possibilité de solliciter des mesures d’urgence (référé) pour faire cesser la contrefaçon immédiatement.

Déroulement de la procédure

  • Audience contradictoire : chaque partie expose ses arguments et ses preuves.
  • Mesures d’instruction (expertises techniques) possibles.
  • Décision finale du tribunal.
  • Recours possible devant la Cour d’appel.

Cas concret :
Un fabricant obtient par ordonnance sur requête une saisie-contrefaçon, puis assigne l’importateur devant le tribunal judiciaire de Paris, en référé, pour faire cesser la diffusion des articles litigieux.

Action en référé-contrefaçon : procédure d’urgence

Définition et conditions

L’action en référé permet d’obtenir rapidement la cessation de la contrefaçon lorsque l’urgence est caractérisée ou que le trouble manifestement illicite persiste.

  • Mesures provisoires telles que la suspension, la saisie des produits, la consignation des recettes.
Exemple d’application :
Un auteur de logiciel, constatant une utilisation frauduleuse, agit en référé : le juge ordonne la désinstallation immédiate des licences litigieuses.

Tribunal compétent pour l’action en contrefaçon

Compétence matérielle et territoriale

  • Tribunal judiciaire du ressort du défendeur ou du lieu de la constatation de la contrefaçon.
  • Sections ultra-spécialisées en propriété intellectuelle dans certaines grandes villes françaises, comme Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille.
Encadré pratique :
L’action en contrefaçon de marque déposée s’engage devant le tribunal judiciaire du lieu de domiciliation du contrefacteur ou du consommateur ciblé, selon la stratégie procédurale.

Qu’est-ce qui est considéré comme contrefaçon ? (Droit d’auteur, Marque, Brevet)

Définition juridique générale

  • Droit d’auteur : toute reproduction ou adaptation d’une œuvre protégée sans autorisation.
  • Marque : usage ou imitation d’une marque protégée pour des produits/services similaires ou identiques.
  • Brevet : fabrication, utilisation, commercialisation d’une invention brevetée sans accord du titulaire.
Exemple jurisprudentiel :
La contrefaçon est caractérisée en droit d’auteur même s’il n’y a pas d’intention frauduleuse, dès lors que la reproduction concernée porte atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur (Cass. Civ. 1re, 29 mai 2001, 99-15.284).

Conditions de l’action en contrefaçon : détails pratiques

  • Existence d’un titre protégé, publié et en vigueur.
  • Acte de contrefaçon : imitation, imitation servile, reproduction partielle/totale, usage illicite.
  • Absence d’autorisation préalable du titulaire.
  • Respect du délai de prescription.

Prescription de l’action en contrefaçon : quelle durée ?

Droit commun et spécificités

Le délai pour agir est de cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître le dernier fait de contrefaçon.

  • Pour la partie pénale, le délai est de six ans (art. 8 CPP).
Exemple jurisprudentiel :
Une action engagée en 2021 pour des faits connus du titulaire depuis 2008 est jugée prescrite, le point de départ n’étant pas reporté malgré un maintien de la commercialisation (Cass. civ. 1re, 15 nov. 2023, n°22-23.266).

Les sanctions en matière de contrefaçon

Sanctions civiles

  • Interdiction d’usage immédiate, saisie et destruction des objets contrefaisants.
  • Attribution de dommages et intérêts (réparation du préjudice matériel et/ou moral).
  • Publication judiciaire de la décision.

Sanctions pénales

  • Amendes et peines de prison pour atteinte grave (cas de bandes organisées, récidive, etc.).
  • Sanctions complémentaires (fermeture d’établissement, affichage du jugement, confiscation du matériel).

Articulation entre action en contrefaçon et action en responsabilité civile

Bien qu’elles poursuivent parfois des buts similaires (indemniser la victime), l’action en contrefaçon est autonome par rapport à l’action en responsabilité contractuelle ou délictuelle.

  • En cas de relations contractuelles entre les parties, la responsabilité contractuelle peut primer.
  • À défaut de contrat, la responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil) peut s’y ajouter.

Action en contrefaçon et concurrence déloyale : une frontière subtile

Distinction classique

L’action en contrefaçon porte sur la violation d’un droit privatif formellement reconnu (marque, brevet, etc.), tandis que l’action en concurrence déloyale vise sanctionner tout comportement déloyal, même en l’absence de droit protégé.

Exemple concret :
Une entreprise copie non seulement le logo (contrefaçon de marque), mais aussi la présentation générale de ses produits sans utiliser la marque (concurrence déloyale). L’action en contrefaçon est alors complétée par une demande distincte fondée sur l’article 1240 du Code civil.

Stratégies et conseils pratiques pour une action efficace

  • Toujours constituer un dossier de preuves solide.
  • Privilégier la mise en demeure préalable, qui démontre la bonne foi.
  • Envisager la saisie-contrefaçon avant toute assignation.
  • Anticiper la prescription et réagir vite.
  • Ajuster la procédure selon la nature des droits et la compétence des tribunaux.
  • Choisir le fondement juridique le plus pertinent (prise illégale d’intérêts, cumul d’action contrefaçon / concurrence déloyale).

Exemples récents : jurisprudence marquante

  • Affaire Sony (2024) : La Cour de cassation rappelle que l’inscription d’un brevet au registre est une condition préalable, mais qu’une régularisation en cours de procédure peut permettre d’agir même pour des faits anciens si le contrat le prévoit.
  • Jurisprudence sur les œuvres multimédia (2023) : Une décision consacre la contrefaçon pour reprise d’interface graphique complexe, même en l’absence d’intention de nuire.
  • Affaire d’imitation olfactive : Un fabricant de parfum condamné pour contrefaçon de modèle après démonstration d’une ressemblance olfactive substantielle.

FAQ sur l’action en contrefaçon

C’est quoi l’action en contrefaçon ?

L’action en contrefaçon est une action en justice permettant au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle de faire cesser et sanctionner une atteinte à ses droits (marque, brevet, droit d’auteur, dessin et modèle).

Qu’est-ce que l’action en référé-contrefaçon pour une marque ?

C’est une procédure d’urgence possible dès lors que l’atteinte est manifeste et qu’il y a urgence à obtenir la cessation immédiate de l’usage frauduleux : elle permet des mesures provisoires, comme la saisie des produits ou leur suspension.

Quel tribunal est compétent ?

Les tribunaux judiciaires à compétence spécialisée (ex. Paris) sont seuls compétents pour juger les affaires de contrefaçon.

Qu’est-ce qui est considéré comme contrefaçon ?

Toute reproduction, imitation, exploitation ou usage d’un droit protégé sans autorisation est considérée comme de la contrefaçon.

Action en contrefaçon et droit d’auteur, quelles spécificités ?

La contrefaçon d’un droit d’auteur suppose l’existence d’une œuvre protégée et une exploitation non autorisée, consciente ou non, de tout ou partie de l’œuvre.

Quelles sont les conditions à remplir pour agir ?

Être titulaire ou exploitant autorisé, produire des preuves et respecter le délai de prescription (cinq ans à compter de la connaissance du fait).

Quelle est la définition juridique de l’action en contrefaçon ?

C’est l’action civile ou pénale en cessation, en dommages-intérêts et, le cas échéant, en sanction devant le juge, fondée sur la violation d’un droit de propriété intellectuelle.

L’action en contrefaçon de brevet, quelles règles spécifiques ?

Obligation d’une inscription régulière du titre au registre national et possibilité de régulariser l’inscription en cours de procédure.

Quel article du Code de la propriété intellectuelle l’encadre ?

Principalement les articles L.335-1 et suivants (droit d’auteur), L.713-1 et suivants (marque), L.615-1 et suivants (brevet).

Prescription : combien de temps ?

Cinq ans pour l’action civile, six ans pour l’action pénale, à compter du dernier fait connu.

Peut-on agir simultanément en contrefaçon et en concurrence déloyale ?

Oui, si les faits sont distincts ou présentent des aspects complémentaires, l’action fondée sur la contrefaçon peut être cumulée avec celle de concurrence déloyale.

Conclusion


L’action en contrefaçon exige une expertise juridique solide et une stratégie adaptée à chaque typologie de droit et de litige. Préparer en amont son dossier, connaître les subtilités de la procédure, anticiper la prescription, articuler éventuellement plusieurs fondements (concurrence déloyale, contractuel, délictuel, etc.) et bénéficier d’un accompagnement professionnel sont essentiels à la défense optimale de ses droits.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.