L’abus de dépendance économique, pratique anticoncurrentielle centrale en droit des affaires, expose entreprises et dirigeants à des sanctions graves. Découvrez le cadre juridique, la jurisprudence récente, des exemples concrets, les critères retenus, les sanctions et les réflexes à adopter pour prévenir tout risque, sous la plume d’un avocat en contrats commerciaux à Paris.
La notion de dépendance économique, devenue incontournable en droit commercial français, suscite de nombreuses interrogations chez les professionnels. L’abus de dépendance économique, prohibé par l’article L. 420-2 du Code de commerce, vise à protéger les acteurs économiques vulnérables, en réprimant les pratiques privées faisant obstacle à la concurrence ou créant un déséquilibre significatif dans les relations commerciales. Quelles situations relèvent de cette infraction ? Quelles précautions adopter ? Quels sont les critères jurisprudentiels à retenir ? Cet article, résolument pédagogique et technique, propose d’éclairer la notion de dépendance économique et d’abus, en s’appuyant sur des cas concrets et des décisions récentes.
La dépendance économique décrit une situation où une entreprise est obligée de maintenir une relation commerciale avec une autre, faute d’alternative équivalente pour poursuivre son activité. Elle peut concerner aussi bien un fournisseur qu’un client, un distributeur ou un prestataire de services. Cette dépendance peut être objective (due à la notoriété d’une marque, à l’absence de substituts, à la spécificité des produits ou services) ou subjective (choix stratégique d’un partenariat exclusif).
Les juridictions retiennent plusieurs critères cumulatifs pour caractériser l’état de dépendance économique :
“L’état de dépendance économique se définit, pour un distributeur, comme l’impossibilité, pour une entreprise, de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec une autre." (CA Paris, 30 sept. 2021, n°20/07846).
L’abus de dépendance économique est réprimé par l’article L. 420-2 du Code de commerce. Il consiste, pour une entreprise dominante dans la relation, à exploiter abusivement l’état de dépendance économique dans lequel se trouve son partenaire, de manière à affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence sur le marché.
Pour qu’il y ait abus de dépendance économique, il faut démontrer :
Exemple de dépendance économique invoquée devant les tribunaux :
Une enseigne de bricolage qui ne pouvait se fournir ailleurs pour une gamme exclusive, le fournisseur ayant refusé toute livraison hors du réseau. Les juges ont considéré l’absence de solution alternative comme élément déterminant de la dépendance économique.
Une centrale d’achat refuse de fournir un distributeur qui n’accepte pas de nouvelles conditions tarifaires injustifiées. Si le distributeur ne peut s’approvisionner ailleurs, cette pratique peut être qualifiée d’abus si elle affecte la concurrence.
Un fabricant contraint ses distributeurs à acheter des volumes excessifs de produits invendables pour obtenir des références phares, imposant ainsi un déséquilibre manifestement excessif dans la relation.
Un prestataire informatique voit son contrat rompu sans préavis suffisant, alors qu’il est dans l’incapacité de retrouver des clients équivalents rapidement. Ceci peut constituer un abus si la dépendance et l’impact sur la concurrence sont prouvés.
L’abus de position dominante suppose une position forte et absolue sur l’ensemble du marché, alors que l’abus de dépendance économique ne requiert qu’une domination relative dans la relation contractuelle. Un acteur peut donc être responsable d’un abus de dépendance, sans occuper une position dominante sur le marché de référence.
Une action pénale peut viser les personnes physiques ayant organisé la pratique anticoncurrentielle (article L. 420-6 du Code de commerce, amende de 75 000 à 1 500 000 euros selon les cas).
L’Autorité de la concurrence est compétente pour instruire et sanctionner les pratiques, mais la victime peut également agir devant le juge civil pour faire constater l’abus, obtenir la nullité du contrat, des dommages-intérêts, etc. Les actions sont souvent combinées.
Les décisions de la Cour de cassation et de l’Autorité de la concurrence précisent :
Clause de diversification des débouchés
« Le partenaire s’engage à développer d’autres sources ou clients afin de maintenir sa capacité d’autonomie économique, et reconnait que la présente relation n’a pas vocation à créer une dépendance structurelle. »
Attention : Une clause d’exclusivité ne suffit généralement pas à caractériser à elle seule l’état de dépendance économique, selon la Cour de cassation. Mieux vaut insérer des garde-fous sur la liberté de diversification et fournir des solutions alternatives.
Il s’agit d’une pratique par laquelle une entreprise tire profit, de manière anormale, de la fragilité économique d’un partenaire qui n’a pas d’alternative équivalente, portant ainsi atteinte à la concurrence sur le marché concerné.
C’est l’impossibilité, pour une entreprise, de poursuivre son activité sans le concours d’un partenaire, faute de solution alternative techniquement et économiquement viable.
Sur le plan civil, l’article 1143 du Code civil permet de sanctionner un engagement souscrit sous la contrainte résultant d’une situation de dépendance, conduisant à la nullité pour violence économique (non limité à la dépendance économique stricte).f
Elle instruit et sanctionne les abus affectant la concurrence ; elle peut se saisir d’office, émettre des injonctions ou des amendes, et coopère avec les juridictions civiles.
Elle durcit la preuve du critère “d’absence de solution alternative”, apprécie les faits au cas par cas, et exige une preuve tangible de l’impact sur la concurrence pour retenir l’abus.
L’abus de dépendance fait partie des pratiques restrictives de concurrence relevant du contrôle, sanction et prévention par les autorités compétentes françaises (Autorité de la Concurrence).
La qualification d’abus de dépendance économique exige une approche rigoureuse, tant dans l’analyse du partenariat que dans la preuve du caractère anormal de la pratique et son impact sur le marché. Une vigilance accrue s’impose dans la rédaction des contrats et la conduite des relations commerciales pour limiter tout risque juridique, préserver l’équilibre des relations et éviter des contentieux toujours coûteux pour l’entreprise.
Guillaume Leclerc, avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.
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