Contrats commerciaux
18/9/25

La clause d'exclusion : comprendre, rédiger et sécuriser son application

Découvrez la clause d'exclusion en droit des sociétés : définition, modalités, exemples concrets, rédaction et impact sur la gouvernance des entreprises (SAS, SARL, SA, SCI). Guide pratique, cas jurisprudentiels et FAQ exhaustive à destination des professionnels du droit et des dirigeants.

Qu’est-ce qu’une clause d’exclusion ? — Définition et intérêt

La clause d'exclusion est une disposition contractuelle, insérée dans les statuts ou pactes d’associés, permettant, sous conditions précises, d’exclure un associé ou un membre de la société et d’organiser le rachat de ses parts. Inscrite au cœur de la stratégie de gouvernance et de prévention des litiges, elle répond à un besoin de protection contre les situations de blocage ou de conflits d’intérêts, tout en préservant la continuité de l’entreprise.

Pourquoi prévoir une clause d'exclusion dans les statuts ?

  • Éviter la paralysie de l’entreprise en cas de conflits internes, perte de confiance ou faute grave d’un associé.
  • Encadrer les conditions de sortie forcée d’un associé et prévenir les dérapages juridiques.
  • Sécuriser le capital social en protégeant les intérêts communs contre des associés devenus nuisibles ou incompatibles avec le projet collectif.

Exemple concret : Dans une SAS, un associé se lance dans une activité concurrente en violation de la non-concurrence statutaire : la clause d’exclusion prévoit alors sa sortie forcée, avec rachat de ses actions selon les modalités choisies.

Quels sont les motifs d’exclusion d’un associé ? — Fondements légaux et pratiques

La légitimité d’une clause d’exclusion repose toujours sur la clarté des motifs d’exclusion, qui doivent être précis, objectifs et non discriminatoires pour écarter tout risque d’abus de majorité ou d’arbitraire.

Les motifs les plus courants :

  • Manquement grave aux obligations statutaires ou contractuelles (ex : absence répétée aux assemblées, fraude, détournement de fonds).
  • Concurrence déloyale : prise d’intérêts dans une société concurrente, violation d’une clause de non-concurrence.
  • Perte d’une qualité essentielle : mandat expiré, retrait d’un agrément professionnel requis.
  • Démission ou retrait volontaire dans les conditions prévues.
  • Expulsion statutaire pour “incompatibilité d’humeur” à condition qu’elle soit précisément décrite dans les statuts.

Jurisprudence récente : La Cour de cassation a rappelé l’exigence de motivation sérieuse de l’exclusion et le nécessaire respect des droits de la défense (Cass. com. 24 octobre 2018, n°17-26.402).

Les conditions de validité de la clause d'exclusion

Pour garantir la sécurité juridique, la clause d’exclusion doit :

  • être rédigée de façon claire et précise,
  • prévoir les motifs détaillés et les modalités de procédure,
  • respecter le principe du contradictoire (l’associé concerné doit pouvoir présenter sa défense),
  • encadrer l’évaluation du prix de rachat des titres,
  • prévoir la compétence de l’organe d’exclusion (AG, conseil, tiers).

Exemples de rédaction :

« Peut être exclu tout associé qui, par son comportement, cause un préjudice grave à la société ou contrevient de manière réitérée à ses obligations statutaires. L’exclusion est prononcée par décision des autres associés, après convocation et audition de l’intéressé, la majorité requise étant fixée à 2/3 des voix présentes ou représentées. Les titres de l’associé exclu seront rachetés à une valeur fixée conformément à l’article 1843-4 du Code civil… ».

Comment la clause d’exclusion est-elle appliquée en pratique ?

La procédure d’exclusion

  • Convocation et information : L’associé visé est informé des motifs et de la date de l’assemblée appelée à statuer sur son exclusion.
  • Débat contradictoire : L’associé concerné peut présenter ses arguments, se faire assister.
  • Vote : Selon les statuts, l’associé peut être exclu du vote, mais non des débats.
  • Décision motivée : La décision d’exclusion doit être justifiée et notifiée.

Que deviennent les parts de l’associé exclu ?

Les parts de l’associé exclu deviennent immédiatement cessibles : elles peuvent être rachetées par les autres associés, la société elle-même, ou un tiers désigné, selon les mécanismes prévus dans les statuts. La valorisation des titres obéit à la méthode déterminée d’avance (expertise, formule statutaire, accord entre parties).

Variantes selon la forme sociale : SAS, SARL, SCI, SA

Clause d’exclusion en SAS

  • Forte liberté de rédaction.
  • Possibilité de prévoir exclusion pour motifs objectivés ou subjectifs.
  • Suppression de l’exigence d’unanimité pour modifier une clause ou en adopter une nouvelle (majorité prévue par les statuts, loi Soilihi juillet 2019).
  • Procédure détaillée statutairement (organe compétent, respect du contradictoire, prix de rachat).

Clause d’exclusion en SARL

  • Plus rare, insertion par modification statutaire exige l’unanimité.
  • Motifs strictement limités.
  • Protection accrue des droits de l’associé minoritaire.

Clause d’exclusion en SA

  • Possible via clause d’agrément, le plus souvent pour organiser le retrait en cas de changement de contrôle ou mésentente grave.
  • Impose une procédure stricte et indemnisation adéquate.

Clause d’exclusion en SCI

  • Clause d’agrément et exclusion : organisation sur mesure, mais obligation de respecter l’objet social et l’intérêt commun.
  • Peut servir à écarter un associé inactif ou générateur de litiges, avec rachat ou cession obligatoire de ses parts.

Clause d’exclusion en assurance : une autre approche

Dans les contrats d’assurance, la clause d’exclusion ne vise pas un associé mais limite l’étendue de la garantie ou du risque assuré. Elle doit être formelle, limitée, claire et très apparente pour le souscripteur conformément à l’article L. 113-1 Code des assurances. Exemple : exclusion des risques liés à certains usages ou à l’emprise de stupéfiants.

Les relations entre clause d’exclusion, clause d’agrément, clause de préemption et clause d’inaliénabilité

Clause d’agrément

  • Conditionne l’entrée de nouveaux associés à l’accord préalable de la collectivité, souvent complémentaire de la clause d’exclusion : l’associé exclu doit désormais faire agréer son remplaçant.

Clause de préemption

  • Assure aux associés existants un droit prioritaire d’acquérir les parts de l’associé exclu — renforce la stabilité de l’actionnariat.

Clause d’inaliénabilité

  • Interdit toute cession ou transmission des parts pendant une période déterminée (max 10 ans), sauf accord unanime des associés.

Jurisprudence récente : piliers, évolutions et limites

  • Validité de l’exclusion « statutaire » : cour d’appel de Montpellier (2020) valide la procédure pour absence d’abus.
  • Protection du droit de la défense : l’exclusion doit respecter le contradictoire, le vote peut être exclu mais pas la participation aux débats (Cass. com. 24 oct. 2018).
  • Contentieux des exclusions abusives : focus sur la nécessité de motivation sérieuse et d’absence de discrimination (Cass. com. 27 mai 2021).
  • Loi Soilihi 2019 : facilitation de l’adoption et la modification des clauses en SAS par la majorité statutairement prévue.
  • Décisions récentes 2024 (Cour de cassation) : précisent encore les limites du pouvoir d’exclusion et affinent l’équilibre entre souplesse statutaire et protection individuelle.

Exemples concrets et modèles de clause d’exclusion

Exemple de clause :

« Tout associé qui manquerait gravement à ses obligations contractuelles ou qui porterait atteinte à l’intérêt social pourra, sur décision du conseil d’administration prise à la majorité des deux tiers, être exclu de la société. Le prix de rachat de ses parts sera fixé suivant la méthode de valorisation statutaire ou, à défaut d’accord, par un expert désigné selon l’article 1843-4 du Code civil. L’associé visé sera convoqué par lettre recommandée avec AR, entendra ses arguments, et pourra se faire assister par un conseil. ».

Encadré pratique : Points clés pour sécuriser votre clause d’exclusion

  • Rédigez la clause avec soin et précaution
  • Définissez de façon exhaustive les motifs d’exclusion
  • Précisez la procédure contradictoire
  • Déterminez les modalités de rachat des titres
  • Vérifiez la cohérence avec toutes les autres dispositions statutaires (agrément, inaliénabilité, préemption)
  • Faites-vous accompagner par un avocat en droit des sociétés
  • En actualisez chaque fois que la forme sociale ou la jurisprudence évolue

FAQ : questions fréquentes sur la clause d’exclusion

C’est quoi une clause d’exclusion ?

C’est une disposition contractuelle permettant d’exclure, pour des motifs précis, un associé ou membre en l’obligeant à céder ses titres ou parts.

Que sont les clauses d’exclusion ?

Toute clause qui organise en amont les conditions, motifs et modalités de la sortie forcée d’un associé pour protéger l’intérêt social.

Quels sont les motifs d’exclusion ?

Faute grave, manquement aux obligations statutaires ou contractuelles, perte de qualité essentielle, conflit grave d’intérêts, comportement nuisible, violation d’une disposition légale ou règlementaire.

Qu’est-ce qu’une clause d’exclusion dans une SCI ?

Dispositif inséré dans les statuts pour permettre l’éviction d’un associé, notamment en cas d’inactivité ou de faute, sous réserve de respecter l’objet social et l’intérêt collectif.

Comment fonctionne une clause d’exclusion en assurance ?

Elle précise les situations non couvertes par le contrat (exclusions de garantie) et doit être formelle, claire, limitée, apparente et non équivoque pour rester valide.

En SARL et en SA, la clause d’exclusion fonctionne-t-elle ?

En SARL, elle est rare et nécessite l’unanimité des associés pour son insertion. En SA, elle est surtout mise en œuvre par clause d’agrément et indemnisation.

Peut-on exclure un associé sans clause statutaire ?

Cela est quasi-impossible : seule la négociation amiable (rachat volontaire) ou la voie judiciaire en cas de faute lourde permet d’arriver à une telle issue.

La clause d’exclusion est-elle la même chose que la clause d’agrément ou de préemption ?

Non, elles sont complémentaires : l’exclusion organise la sortie forcée, l’agrément contrôle l’entrée, la préemption priorise l’acquisition des titres par les associés existants.

À propos de l’auteur

Guillaume Leclerc, avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.

N'hésitez pas à me contacter pour toute question, je me ferai une joie de vous répondre !