La stipulation pour autrui, mécanisme clé du droit des contrats, permet d'accorder un droit à un tiers dans un contrat. Découvrez les contours juridiques, exemples concrets, différences avec la délégation et la promesse de porte-fort, et une FAQ détaillée pour maîtriser cet outil en pratique.
La stipulation pour autrui est un pilier du droit des contrats français, offrant la possibilité d'accorder directement un droit à un tiers absent lors de la conclusion du contrat. Cette technique contractuelle trouve de nombreuses applications, tant dans la vie civile que commerciale, et mérite une analyse approfondie au regard de la réforme du Code civil de 2016, de la jurisprudence récente et de la doctrine.
La stipulation pour autrui est prévue à l’article 1205 du Code civil : c’est une convention par laquelle une partie (le promettant) s’engage envers une autre (le stipulant) à accomplir une prestation au profit d’un tiers (le bénéficiaire), qui se voit alors reconnaître un droit personnel à l’exécution de cette prestation.
Exemple d’utilisation claire :
Un assureur (promettant) s’engage, dans un contrat conclu avec un souscripteur (stipulant), à verser une somme d’argent à un bénéficiaire (le tiers) en cas de réalisation du risque assuré.
Ce triptyque distingue nettement ce mécanisme des autres techniques d’engagement vis-à-vis d’un tiers.
Le bénéfice est acquis au tiers dès la formation du contrat, sauf clause contraire. Le bénéficiaire peut accepter ou refuser ce droit, et l’acceptation est parfois expresse, parfois tacite.
Encadré pédagogique :
Il est possible de stipuler pour un tiers encore indéterminé au jour de la conclusion du contrat, à condition qu’il soit déterminable lors de l’exécution.
Le contrat d’assurance-vie est sans doute l’application la plus emblématique de la stipulation pour autrui : le souscripteur fait stipuler au profit d’un tiers bénéficiaire qui recevra le capital assuré en cas de décès.
Dans les contrats de transport, le donneur d’ordre peut faire stipuler que le transporteur remette la marchandise à un tiers bénéficiaire. Il en va de même pour le bénéficiaire désigné d’une carte cadeau ou de certains bons de commande.
Certaines clauses de contrats de réseau ou de sous-traitance peuvent bénéficier à des tiers, par exemple lorsqu’un franchiseur impose au fournisseur de consentir des conditions tarifaires à un affilié.
Le consentement du promettant et du stipulant doit être total et éclairé, la prestation doit être licite et possible, et le bénéficiaire peut être une personne déterminable à la date d’exécution.
Le bénéficiaire reçoit un droit direct qu’il peut accepter ou refuser. L’acceptation est irrévocable envers le promettant. Le stipulant peut révoquer la stipulation jusqu’à cette acceptation.
Tant que le bénéficiaire n’a pas accepté, la stipulation demeure révocable sauf clause expresse d’irrévocabilité. Après acceptation, le droit devient ferme au profit du tiers.
Stipulant ↔ Promettant ––(Obligation)––> Bénéficiaire
« Le fournisseur (Promettant) s’engage, à la demande de la société X (Stipulant), à garantir au client final (Bénéficiaire) la disponibilité des pièces détachées pour une durée de 5 ans à compter de la vente du produit. »
Cour de cassation, 1re civ., 21 mars 2018, n°16-26.126 :
Un salarié, bénéficiaire d’une stipulation pour autrui insérée dans un contrat d’assurance collective, est fondé à agir directement contre l’assureur, indépendamment de toute action du stipulant (l’employeur), démontrant l’autonomie du droit du tiers.
Le promettant dispose envers le bénéficiaire des mêmes moyens de défense qu’il aurait contre le stipulant.
La caducité ou nullité du contrat principal entraîne la caducité de la stipulation pour autrui.
En pratique, il est recommandé d’anticiper dans le contrat principal les modalités précises de la mise en œuvre de la stipulation : mode d’acceptation du bénéficiaire, effets de la révocation, articulation avec d’autres garanties, etc.
En droit anglais, la notion de “third-party beneficiary clause” existe, mais le régime juridique diverge, le principe général « privity of contract » interdisant, hors exceptions, d’accorder de droits à des tiers dans un contrat. Toutefois, le Contract (Rights of Third Parties) Act 1999 permet, depuis une réforme récente, de reconnaître certains droits aux tiers bénéficiaires, dans des limites cependant plus restreintes qu’en droit français.
L’évolution récente de la jurisprudence confirme que le tiers bénéficie d’un droit d’agir pleinement autonome contre le promettant. L’inflexion de la Cour de cassation en matière d’acceptation, d’irrévocabilité et de preuve du bénéfice traduit un souci d’efficacité contractuelle. Les analyses doctrinales, unanimes sur la modernisation du régime, appellent cependant à une vigilance : la qualification de la stipulation n’est pas automatique et dépend d’une volonté claire des parties.
C’est un mécanisme permettant à deux parties de conférer directement un avantage ou un droit à un tiers, sans qu’il soit partie au contrat initial.
La stipulation pour autrui confère un droit personnel au tiers bénéficiaire, qui peut agir directement. La promesse de porte-fort, en revanche, n’octroie aucun droit direct au tiers, mais prévoit une indemnité au bénéficiaire en cas d’inexécution.
Une stipulation désigne toute clause ou disposition d’un contrat. La stipulation pour autrui est une clause contractuelle spécifique qui vise à créer un droit au profit d’un tiers.
La délégation est un mécanisme par lequel une personne impose à un tiers d’exécuter une obligation au profit d’un créancier. La stipulation pour autrui permet simplement d’attribuer un droit au tiers : elle ne suppose pas la création d’une nouvelle obligation.
Articles 1205 à 1208 du Code civil organisent le régime, en détaillant la formation, l’acceptation et la révocation de la stipulation.
On parle généralement de « third-party beneficiary », en droit anglais et américain, pour désigner le mécanisme équivalent, dont le régime est néanmoins moins large qu’en France.
La stipulation pour autrui est un vecteur de sécurité juridique et de souplesse pour accorder des droits à des tiers sans multiplication contractuelle. Son maniement maîtrisé permet de renforcer la performance des clauses, notamment en contexte B2B, assurances et distribution.
Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.