12/11/25

Action en comblement de passif : guide complet pour dirigeants de PME

Découvrez l’action en comblement de passif, un mécanisme qui engage la responsabilité du dirigeant pour les dettes sociales en cas d’insuffisance d’actif. Article clair, technique et illustré d’exemples pratiques, à destination des dirigeants de PME souhaitant anticiper les risques en période de difficulté.

Introduction

La traversée d’une procédure collective est une épreuve majeure pour toute PME et son dirigeant. L’une des mesures les plus redoutées en cas de liquidation judiciaire est l’action en comblement de passif. Elle permet, sous conditions précises, d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant pour le paiement des dettes sociales. Comprendre ses enjeux, ses conditions et ses risques est indispensable pour tout chef d’entreprise.

Définition et fondement légal de l’action en comblement de passif

L’action en comblement de passif est prévue aux articles L651-2 à L651-4 du Code de commerce. Elle permet au tribunal, en cas d’insuffisance d’actif constatée dans une procédure collective, de condamner le dirigeant ayant commis une faute de gestion à prendre en charge tout ou partie du passif de la société sur ses biens personnels.

En résumé : Si une société ne peut régler ses dettes lors d’une liquidation, le dirigeant fautif peut être condamné à les payer.

Exemples de formulation dans les statuts (clause-type)

« En cas de liquidation judiciaire de la société, le dirigeant reconnaît avoir été informé que sa responsabilité personnelle pourra être engagée, en application des articles L651-2 et suivants du Code de commerce, en cas de faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif. »

Conditions d’ouverture de l’action

L’action en comblement de passif ne peut prospérer que si trois conditions cumulatives sont réunies :

La notion d’insuffisance d’actif

Il s’agit du moment où la valeur totale des biens de l’entreprise (son actif) ne suffit plus à payer toutes les créances (le passif déclaré). Cette situation est forcément constatée dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

Exemple concret :
Une PME en liquidation a 120 000 € de dettes après procédure collective, mais seulement 30 000 € d’actifs à réaliser : l’insuffisance d’actif s’élève à 90 000 €.

La faute de gestion du dirigeant

Seules des fautes de gestion suffisamment caractérisées sont susceptibles d’engager la responsabilité du dirigeant.

Ne sont pas des fautes : Les simples négligences, erreurs ordinaires, décisions prudentes qui se révèlent infructueuses.

Sont des fautes :

  • Non-paiement répété des cotisations sociales
  • Absence de comptabilité, comptabilité fictive ou inexacte
  • Décisions financières hasardeuses (investissement non justifié, prises de risques incontrôlées)
  • Détournement d’actifs

Jurisprudence : La Cour de cassation a rappelé que la faute doit avoir contribué à l’insuffisance d’actif, même si elle n’en est pas l’unique cause.

Lien de causalité et responsabilité du dirigeant

Le tribunal doit constater qu’il existe un lien de causalité direct entre la faute commise et la situation d’insuffisance d’actif : il faut démontrer que la faute a aggravé le passif ou diminué l’actif.

Procédure et acteurs de l’action

Qui peut agir en responsabilité pour insuffisance d’actif ?

En pratique, plusieurs acteurs peuvent saisir le tribunal :

  • Le liquidateur judiciaire (principal acteur)
  • Le ministère public
  • La majorité des créanciers contrôleurs (en cas d’inaction du liquidateur malgré mise en demeure infructueuse)

Qui peut engager une action en comblement de passif ?

Seuls les dirigeants peuvent être poursuivis :

  • Dirigeants de droit : gérant SARL, président SAS, DG SA, etc.
  • Dirigeants de fait : personnes non déclarées comme dirigeant mais exerçant effectivement les fonctions dirigeantes.

Cas d’un dirigeant de fait :
Un membre du conseil d’administration qui décide seul des orientations sans mandat officiel mais exerce la gestion effective de la société.

Le délai de prescription

Le délai est de trois ans à compter du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire. Passé ce délai, l’action en comblement de passif ne peut plus être engagée.

Conséquences pour le dirigeant

Les sanctions personnelles

La condamnation peut entraîner :

  • Obligation de payer tout ou partie des dettes sociales sur ses biens propres
  • Interdiction de gérer (en cas de faute particulièrement grave)
  • Déchéances professionnelles

Exemple jurisprudentiel : Un gérant condamné à comblement de passif pour avoir omis pendant plusieurs années d’établir une comptabilité régulière et d’avoir aggravé l’insuffisance d’actif.

Il convient de noter que les frais de réalisation de l’actif ne peuvent pas être mis à la charge du dirigeant : seuls les dettes sociales sont concernées.

Apurement du passif et liquidation judiciaire

C’est quoi l’apurement du passif ?

L’apurement du passif désigne la procédure qui consiste à utiliser les biens de l’entreprise pour rembourser ses créanciers après ouverture d’une procédure collective. Les salaires et créances privilégiées sont payés en priorité, puis les autres dettes.

Qui paie les dettes en cas de liquidation judiciaire ?

En principe, seuls les actifs de la société servent à rembourser les créanciers. Mais :

  • En présence de faute de gestion avérée, le tribunal peut condamner le dirigeant à payer sur ses biens personnels via l’action en comblement de passif.
  • Les associés, sauf stipulation particulière, ne doivent pas compléter le passif social : seule la responsabilité des dirigeants est engagée, à la condition qu’ils aient commis une faute de gestion.

Exemples concrets et cas jurisprudentiels

  • Exemple 1 (dirigeant de droit, SARL) : Un gérant de SARL condamné à verser 80 000 € au titre du comblement de passif pour avoir omis d’établir des comptes, ce qui a empêché la détection précoce des difficultés.
  • Exemple 2 (dirigeant de fait, SAS) : Une personne agissant comme dirigeant sans titre officiel, ayant pris des décisions hasardeuses, condamnée à payer une partie des dettes.
  • Exemple 3 (absence de faute) : Un dirigeant qui a tout mis en œuvre pour sauver l’entreprise mais n’a pas commis de faute caractérisée, n’est pas concerné par le comblement du passif.

Encadré pédagogique :

Attention : Une faute caractérisée suppose une violation des règles de prudence reconnues dans la gestion, excédant la simple négligence ou erreur.

Tableau récapitulatif des conditions de l’action en comblement de passif

ConditionDescriptionExemple concret
Insuffisance d’actifL’actif ne permet pas le paiement du passif socialDettes de 100 000 € pour 30 000 € d’actifs
Faute de gestionManquements caractérisés dans la gestionAbsence de comptabilité, salaires non payés
Lien de causalitéFaute ayant contribué à l’insuffisanceDécision d’investissement risquée menant à la dette
Délai de prescriptionTrois ans à compter du jugementAction engagée dans les délais légaux

FAQ : réponses aux questions fréquentes

Qu’est-ce que l’action en comblement de passif ?

L’action en comblement de passif est une procédure permettant d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant pour le paiement des dettes sociales en cas d’insuffisance d’actif lors d’une liquidation judiciaire. Cette mesure vise à protéger les créanciers en sanctionnant la faute de gestion.

Qui peut agir en responsabilité pour insuffisance d’actif ?

Le liquidateur judiciaire saisit en priorité le tribunal, mais le ministère public ou la majorité des créanciers contrôleurs peuvent également engager l’action.

C’est quoi l’apurement du passif ?

L’apurement du passif désigne la vente des biens de l’entreprise pour régulariser les dettes, réalisée en priorité vis-à-vis des créanciers privilégiés puis des autres créanciers. Elle est mise en œuvre lors de la liquidation judiciaire.

Qui paie les dettes en cas de liquidation judiciaire ?

Normalement, seuls les actifs de la société paient les dettes. Si une faute de gestion du dirigeant est avérée, ce dernier peut être condamné personnellement dans le cadre de l’action en comblement de passif.

Qui peut engager une action en comblement de passif ?

L’action peut être engagée par le liquidateur judiciaire, le ministère public ou les créanciers contrôleurs, contre des dirigeants de droit ou de fait ayant commis une faute de gestion.

Quel est le délai de prescription de l’action ?

Trois ans à compter du prononcé du jugement d’ouverture de liquidation judiciaire.

Quelles sont les statistiques sur l’action en comblement de passif ?

Les actions restent relativement rares, car il faut prouver une faute de gestion caractérisée. Les dirigeants condamnés sont généralement ceux qui ont gravement manqué à leurs obligations.

L’action en insuffisance d’actif, est-ce la même chose ?

Oui, en pratique, l’action en insuffisance d’actif désigne la procédure de comblement de passif engagée lorsque le passif est supérieur à l’actif disponible à la clôture de la liquidation judiciaire.

Le comblement du passif social implique-t-il les associés ?

Non, seuls les dirigeants dont la faute de gestion a été démontrée peuvent être condamnés. Les associés ne sont pas concernés sauf stipulation spéciale ou garantie personnelle souscrite.

L’importance des conseils d’un avocat

La matière du comblement de passif est hautement réglementée et soumise à l’appréciation du juge. Les risques de mise en cause personnelle étant très importants pour le dirigeant, il est vivement conseillé de consulter un avocat spécialisé pour anticiper, prévenir et, le cas échéant, défendre au mieux ses intérêts face à une telle action. Seul un professionnel pourra accompagner efficacement dans la gestion des contentieux liés aux procédures collectives ou rédiger des clauses protectrices dans les statuts.

Conclusion

L’action en comblement de passif est un mécanisme puissant à la disposition des créanciers pour garantir le paiement des dettes sociales lors d’une liquidation judiciaire, en sanctionnant les dirigeants fautifs. Elle nécessite la réunion de conditions strictes (insuffisance d’actif, faute de gestion, lien de causalité), une procédure précise et a des conséquences lourdes pour le dirigeant. Ce guide vise à vous aider à anticiper le risque, à mieux comprendre les enjeux et à adopter une gestion rigoureuse de votre PME. Pour toute situation complexe ou en cas de doute, demandez l’accompagnement d’un avocat expert.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.