25/9/25

Assignation en intervention forcée : comprendre, maîtriser et réussir la mise en cause d’un tiers

Tout savoir sur l’assignation en intervention forcée : définition, procédure, exemples pratiques, conseils d’avocat et risques pour sécuriser chaque étape de votre stratégie contentieuse.

Introduction


L’assignation en intervention forcée constitue une étape décisive en contentieux commercial : elle permet d’intégrer un tiers au procès en cours, afin de garantir la pleine efficacité du litige engagé, tout en évitant la multiplication d’actions parallèles et en favorisant une solution globale. En tant qu’avocat spécialisé en contrats et contentieux commerciaux, il est crucial de comprendre la portée, les modalités et les risques de cette procédure pour défendre au mieux les intérêts des clients. Ce guide exhaustif permet d’aborder la notion sous chaque angle clé, avec exemples concrets, modèles de clauses et focus jurisprudentiels.

Qu’est-ce qu’une assignation en intervention forcée ?


Définition et cadre juridique


L’assignation en intervention forcée est une demande incidente par laquelle une partie fait entrer un tiers dans la procédure déjà engagée. La finalité ? Éviter de se contenter seulement du litige entre les parties originaires, quand le règlement complet du litige exige que d’autres personnes soient également impliquées. L’article 331 du Code de procédure civile autorise toute partie qui y a intérêt à mettre en cause un tiers pour que ce dernier soit soumis à la décision à venir.


Encadré pédagogique :
• Constitue une intervention la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires (CPC art. 66, al. 1).
• L’assignation en intervention forcée diffère de l’intervention volontaire, qui résulte de la démarche spontanée du tiers.

Distinction entre intervention forcée et volontaire


• Intervention forcée : un tiers est appelé en cause à l’initiative d’une partie du procès, souvent pour être condamné ou garantir une des parties.
• Intervention volontaire : un tiers se joint de son propre chef à la procédure, ayant un intérêt à voir trancher le litige dans ses intérêts propres.


Exemple concret : Lors d’un litige entre un distributeur et un fabricant, l’assignation en intervention forcée pourra être utilisée pour appeler, à la demande du distributeur, l’assureur du fabricant afin que le jugement lui soit opposable directement.


Pourquoi initier une assignation en intervention forcée ?


Les objectifs principaux


L’assignation en intervention forcée vise à :
• Permettre une condamnation du tiers (responsabilité contractuelle, garantie, paiement, etc.)
• Éviter la multiplication des procédures distinctes sur des faits ou causes identiques
• Rendre la décision à venir opposable au tiers, qui aura pu présenter ses arguments
• Permettre le partage de responsabilité ou l’exécution forcée contre un débiteur secondaire


Exemples jurisprudentiels :
• Lorsque le crédit-preneur doit faire intervenir son fournisseur en cas de défaut de livraison conforme, afin que le fournisseur soit condamné à garantir le preneur contre toute demande du crédit-bailleur.
• En cas d’appel en garantie, le défendeur sollicite l’entrée en cause de la personne qui lui doit caution ou garantie contractuelle.

Avantages et limites


Avantages :
• Économie de temps et de coûts
• Décision globale et cohérente
• Moindre risque de contradictions
Limites :
• Risque de condamnation au paiement des dépens et frais irrépétibles en cas d’échec
• La procédure peut devenir plus complexe, notamment si plusieurs intervenants sont appelés et si plusieurs causes sont débattues.


Les conditions de recevabilité de l’assignation en intervention forcée


Qui peut assigner ?


L’assignation en intervention forcée peut être délivrée par toute partie à la procédure principale, qu’il s’agisse du demandeur ou du défendeur.


Quand intervenir ?


Le tiers doit être appelé en temps utile, de préférence dès que son intervention devient nécessaire pour garantir l’efficacité de la décision. Il est impératif de respecter les délais procéduraux dont le manquement est souvent sanctionné par la caducité de l’assignation ou l’irrecevabilité.


Encadré pratique :


• Il est vivement recommandé d’intervenir avant la clôture de l’instruction lorsque la procédure l’impose (mise en état, dossier commercial, etc.).
• L’article 754 du Code de procédure civile prévoit les délais de placement à respecter.

Les conditions légales et matérielles


Mentions obligatoires :
• Désignation précise des parties
• Exposé des faits et des moyens
• Objet de la demande et fondement juridique
• Appel à être représenté par avocat dans les quinze jours
• Bordereau des pièces communiquées


Comment rédiger et délivrer une assignation en intervention forcée ?


Modèle d’acte


Un acte d’assignation en intervention forcée doit impérativement respecter les mentions légales sous peine de nullité. Voici un exemple type inspiré des modèles professionnels :


Assignation en intervention forcée devant le Tribunal Judiciaire de ville
À la demande de la société A, ayant pour avocat constitué Maître Z…
À la société B, prise en la personne de son représentant légal…
Nous vous signifions copie d’un exploit introductif d’instance…
Cette affaire sera évoquée à l’audience du date, lieu…
Dans les QUINZE JOURS, vous êtes tenu de charger un Avocat de vous représenter…
OBJET DE LA DEMANDE :
Condamner la société B à garantir de toute condamnation prise à l’encontre de la société A…
Condamner la société B au paiement des entiers dépens et des frais irrépétibles…


Exemple pédagogique :
Un commerçant assigné par son client peut délivrer une assignation en intervention forcée pour que son sous-traitant, faute d’exécution conforme, soit condamné à l’indemniser et à le relever de toute condamnation.


Procédure devant chaque juridiction


• Tribunal judiciaire (procédure écrite avec mise en état et avocat obligatoire) : assignation à la date de renvoi communiquée par la chambre judiciaire compétente.
• Tribunal judiciaire en référé : mode opératoire variable selon les juridictions. Certains tribunaux imposent des modalités propres.
• Tribunal de commerce : il est nécessaire de solliciter la date de renvoi lors de la fixation du calendrier devant le greffe.
• En cause d’appel : attention aux motifs d’irrecevabilité. Le tiers ne peut être attrait que s’il n’était ni partie ni représenté en première instance.


Encadré jurisprudentiel :


• Cour d’appel de Paris, 11 mars 2025 : irrecevabilité d’une assignation délivrée sans justification d’une évolution du litige en appel.


Effets et conséquences de l’intervention forcée


L’autorité du jugement


Le tiers appelé en intervention forcée se voit opposer la décision rendue, qui lui devient commune et exécutoire. Il peut soulever tous moyens de défense, faire valoir ses arguments et contester la demande formée contre lui.


Encadré technique :


• L’intervention forcée affecte la répartition de la responsabilité et l’exécution des condamnations financières.
• En cas de garantie formelle ou personnelle, le jugement peut être mis à exécution contre le garanti sous réserve notification.


Risques et sanctions


• Condamnation au paiement de frais (article 700 CPC, dépens)
• Risque d’alourdissement du procès
• Éventuelle jonction d’instances à l’audience et procédure administrative complexe (ex : création de deux numéros RG et nécessité d’une jonction administrative)


Exemples concrets d’assignation en intervention forcée


Contentieux commercial


• Litige entre commerçants sur une livraison non conforme où le preneur appelle le sous-traitant en cause pour qu’il garantisse la livraison conforme et prenne en charge les condamnations.
• Affaire de vices cachés où le vendeur initial est attrait par le client final.


Appel en garantie en droit des contrats


• Action principale contre une société : cette dernière appelle en garantie son assureur ou co-contractant (ex : clause de garantie contractuelle).
• Clause exemplaire :
« La société X s’engage à relever et garantir la société Y de toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre à raison de l’exécution du contrat. »


Procédure civile : exemple devant le Tribunal judiciaire


• Condamnation possible à la demande du crédit-bailleur
• Garantie simple ou formelle selon le demandeur


Les erreurs fréquentes et points de vigilance


Motifs d’irrecevabilité


• Assignation tardive ou non conforme aux délais de règlement
• Défaut d’intérêt à agir ou d’objet non lié à la procédure principale
• Intervention en appel de parties déjà représentées en première instance


Risques dans la rédaction


• Mentions manquantes (date, chambre, avocat, bordereau de pièces)
• Délai de placement non respecté


FAQ sur l’assignation en intervention forcée


Qu’est-ce qu’une assignation en intervention forcée ?


Il s’agit d’une demande par laquelle une partie introduit un tiers dans le procès, pour solliciter sa condamnation, sa garantie ou la déclaration du jugement commun à la cause.


Qu’est-ce qu’une assignation en référé en intervention forcée ?


C’est une mise en cause menée dans un cadre d’urgence, qui obéit à des règles procédurales propres à chaque tribunal. Les délais et le formalisme peuvent varier. Il est recommandé de toujours se renseigner auprès du tribunal concerné.


Qu’est-ce qu’une citation en intervention forcée ?


La citation désigne l’acte formel par lequel un tiers est appelé devant le juge dans le cadre d’une intervention forcée. La citation contient toutes les mentions exigées et doit être délivrée dans les délais prescrits.


Qu’est-ce qu’une action en intervention forcée ?


C’est l’exercice effectif de mettre en cause un tiers pour qu’il soit associé à la procédure et éventuellement condamné ou garant d’une partie. Elle peut viser la condamnation directe, la garantie, ou la déclaration de jugement commun.

Intervention forcée et Code de procédure civile ?

L’intervention forcée, telle que prévue par le Code de procédure civile, revêt une importance cruciale dans la gestion des litiges commerciaux complexes. Conformément à l’article 331 du Code de procédure civile, toute partie qui y a intérêt peut demander l’intégration d’un tiers au procès, afin que la décision à intervenir lui soit pleinement opposable. Cette procédure, régie également par l’article 66 CPC, distingue l’intervention forcée – à l’initiative d’une partie – de l’intervention volontaire, spontanément exercée par le tiers concerné.


Conclusion


Maîtriser l’assignation en intervention forcée suppose une rigueur dans la rédaction, une parfaite connaissance des délais et du cadre juridique, et un choix stratégique pour maximiser l’efficacité commerciale ou contractuelle du contentieux. Sa réussite repose sur la capacité à anticiper chaque étape, à intégrer les bonnes pratiques issues de la jurisprudence et à poser clairement le cadre probatoire pour chaque partie appelante ou appelée.


Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.