Découvrez tout sur la cession Dailly : fonctionnement, procédure, conditions, différences avec l'affacturage. Guide juridique complet par avocat spécialisé en droit commercial.
La cession Dailly constitue l'un des outils de financement les plus efficaces et accessibles pour les entreprises françaises confrontées à des difficultés de trésorerie. Ce mécanisme juridique, créé par la loi du 2 janvier 1981 portant le nom du sénateur Étienne Dailly, permet aux entreprises de mobiliser rapidement leurs créances professionnelles auprès d'établissements de crédit.
Dans un contexte économique où les délais de paiement peuvent s'étirer et compromettre la sanité financière des entreprises, la cession de créance Dailly offre une solution pragmatique pour transformer immédiatement les factures impayées en liquidités disponibles. Cette technique de financement à court terme s'avère particulièrement précieuse pour maintenir l'équilibre de trésorerie et saisir les opportunités de développement.
La cession Dailly désigne une convention par laquelle un créancier (le cédant) transfère sa créance détenue sur un débiteur (le débiteur cédé) à un établissement de crédit (le cessionnaire). Cette opération, codifiée aux articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, constitue un mode simplifié de cession des créances professionnelles.
Retrouvez mon article sur la cession de créance ici : www.victorisavocat.com/blog/cession-de-creance-guide-complet-pour-comprendre-securiser-et-utiliser-ce-mecanisme-en-droit-francais
Le mécanisme se matérialise par la remise d'un bordereau Dailly, document unique récapitulant l'ensemble des créances cédées. Contrairement à la cession de créance de droit commun qui exige des formalités lourdes, la cession Dailly privilégie la simplicité et la rapidité d'exécution.
La loi Dailly trouve son origine dans la volonté du législateur de faciliter l'accès au crédit pour les entreprises en simplifiant les procédures de mobilisation des créances commerciales. Avant 1981, les entreprises rencontraient des difficultés importantes pour transformer leurs créances en liquidités, les procédures existantes étant complexes et rigides.
Le sénateur Étienne Dailly a conçu ce dispositif pour pallier les insuffisances de l'escompte traditionnel, particulièrement inadapté aux créances non matérialisées par des effets de commerce. L'objectif consistait à créer un instrument de financement accessible, sécurisé et économiquement efficient pour les établissements de crédit comme pour les entreprises.
Le fonctionnement de la cession Dailly repose sur un mécanisme tripartite impliquant le cédant (l'entreprise), le cessionnaire (l'établissement de crédit) et le débiteur cédé (le client de l'entreprise). L'entreprise remet à sa banque un bordereau récapitulant ses créances commerciales, accompagné des justificatifs correspondants (factures, contrats, états d'avancement).
En contrepartie, l'établissement de crédit verse immédiatement à l'entreprise le montant des créances cédées, déduction faite des frais et intérêts. Cette avance peut prendre la forme d'un crédit en escompte ou d'une autorisation de découvert garantie par les créances cédées.
La banque devient propriétaire des créances et peut exiger leur règlement directement auprès des débiteurs cédés, après notification de la cession. En pratique, les entreprises mentionnent souvent la cession sur leurs factures pour informer préalablement leurs clients du transfert de créance.
Prenons l'exemple d'une société de travaux publics ayant facturé 150 000 euros à différentes collectivités locales avec des échéances à 60 jours. Confrontée à un besoin de trésorerie immédiat pour honorer ses engagements envers ses fournisseurs, elle établit un bordereau Dailly récapitulant ces créances.
Sa banque, après vérification de la qualité des débiteurs et de la régularité des créances, lui verse immédiatement 140 000 euros (soit environ 93% du montant brut, déduction faite des frais et intérêts). Les collectivités, notifiées de la cession, règlent directement la banque qui se rembourse ainsi de son avance.
La cession Dailly à titre d'escompte constitue le mode de financement le plus direct. L'entreprise cède définitivement ses créances à la banque qui lui verse immédiatement leur montant, minoré des frais financiers. Cette opération s'apparente à un véritable achat des créances par l'établissement de crédit.
L'avantage principal réside dans l'obtention de liquidités immédiates sans augmenter l'endettement bilanciel de l'entreprise, puisque les créances sortent de son actif. En contrepartie, l'entreprise assume généralement une garantie solidaire en cas d'impayé du débiteur cédé, sauf stipulation contraire.
La cession Dailly à titre de garantie présente une logique différente. Les créances cédées servent de sûreté pour garantir un crédit accordé par l'établissement cessionnaire. Le transfert de propriété n'est que temporaire : en cas de remboursement du crédit, les créances peuvent être restituées au cédant.
Cette modalité s'avère particulièrement adaptée aux entreprises souhaitant obtenir des facilités de caisse ou des crédits de campagne, les créances professionnelles constituant une garantie de premier rang pour la banque. La cession à titre de garantie résiste efficacement aux procédures collectives, offrant une sécurité renforcée aux établissements de crédit.
La cession Dailly ne peut porter que sur des créances professionnelles, excluant de facto les créances civiles ou personnelles. Peuvent être cédées les créances actuelles ou futures, liquides et exigibles, même à terme, ainsi que celles résultant d'actes à intervenir dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés.
Le cessionnaire doit impérativement être un établissement de crédit ou une société de financement agréés. Cette condition garantit la solvabilité du cessionnaire et sa capacité à honorer ses engagements financiers. Le cédant peut être toute personne morale de droit privé ou public, ou personne physique exerçant une activité professionnelle.
Les créances peuvent revêtir diverses natures : factures commerciales, honoraires, marchés publics, contrats de prestations de services, reconnaissances de dette professionnelles. Même les créances conditionnelles, partielles ou issues de contrats à exécution successive sont éligibles.
Le bordereau Dailly doit respecter un formalisme rigoureux sous peine de nullité. L'article L. 313-23 du Code monétaire et financier impose plusieurs mentions obligatoires.
La dénomination exacte "acte de cession de créances professionnelles" ou "acte de nantissement de créances professionnelles" doit figurer en toutes lettres. Cette mention conditionne la qualification juridique de l'acte et son régime applicable.
L'identification de l'établissement cessionnaire par sa dénomination sociale complète permet d'identifier précisément le bénéficiaire des créances cédées. Cette mention évite toute ambiguïté sur l'identité du nouveau créancier.
La désignation des créances cédées constitue l'élément le plus délicat du bordereau. Elle doit permettre l'individualisation des créances par l'indication du débiteur, du lieu de paiement, du montant et de l'échéance. En pratique, un tableau récapitulatif s'avère indispensable pour les cessions portant sur plusieurs créances.
La signature du cédant et la date d'établissement du bordereau complètent le formalisme exigé. La jurisprudence sanctionne sévèrement l'absence de ces mentions, le titre défaillant ne valant pas comme acte de cession de créances professionnelles.
La cession Dailly emporte transfert immédiat de la propriété des créances cédées au cessionnaire, à la date apposée sur le bordereau. Ce transfert s'opère même pour les créances futures, conférant au cessionnaire des droits puissants sur des créances non encore nées.
L'opposabilité aux tiers intervient automatiquement à la date du bordereau, sans formalité particulière. Cette règle présente un avantage considérable en cas de procédure collective du cédant : les créances cédées échappent aux droits des autres créanciers et à l'administration de la procédure.
La Cour de cassation a confirmé cette efficacité dans l'affaire "Cœur Défense", précisant que les créances futures cédées par bordereau Dailly échappent à la saisie même si elles naissent postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.
La notification de la cession au débiteur cédé, bien que non obligatoire pour la validité de la cession, conditionne son opposabilité au débiteur. Tant que la notification n'est pas effectuée, le débiteur peut valablement se libérer entre les mains du cédant originel.
La notification doit respecter les formes prévues par l'article L. 313-28 du Code monétaire et financier. Elle peut être effectuée par acte d'huissier, par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par tout moyen permettant d'établir la date de réception.
En pratique, les établissements de crédit n'effectuent pas systématiquement la notification, préférant souvent demander au cédant de mentionner la cession sur ses factures et de faire suivre les règlements reçus. Cette souplesse facilite les relations commerciales tout en préservant les droits du cessionnaire.
L'article L. 313-24 du Code monétaire et financier institue une garantie solidaire du cédant pour le paiement des créances cédées, sauf convention contraire. Cette garantie protège l'établissement de crédit contre le risque d'insolvabilité des débiteurs cédés
Le cessionnaire peut exercer son recours contre le cédant sans justifier préalablement de poursuites contre le débiteur cédé ni même de sa mise en demeure. Cette facilité d'exercice du recours renforce considérablement la sécurité de l'opération pour l'établissement de crédit.
La jurisprudence précise que la déclaration de créance au passif d'une procédure collective ouverte contre le débiteur cédé ne constitue pas une condition du recours contre le cédant. Cette solution évite aux cessionnaires des formalités supplémentaires tout en préservant leurs droits.
Le débiteur cédé conserve la possibilité d'opposer au cessionnaire certaines exceptions, selon une distinction jurisprudentielle établie. Les exceptions inhérentes à la dette (nullité du contrat, exception d'inexécution, compensation légale) demeurent toujours opposables au cessionnaire.
En revanche, les exceptions purement personnelles au cédant ne peuvent être opposées au cessionnaire que si elles sont nées avant la notification de la cession. Cette règle protège le cessionnaire contre les manœuvres postérieures à la cession visant à compromettre le recouvrement des créances.
Exemple pratique : un débiteur ne peut opposer au cessionnaire une compensation née postérieurement à la notification de la cession, même si sa créance sur le cédant est antérieure à ladite notification.
La cession de créance de droit commun, régie par les articles 1321 et suivants du Code civil, exige le respect de formalités lourdes pour sa validité et son opposabilité. La cession doit être notifiée au débiteur cédé ou acceptée par lui dans un acte authentique.
À l'inverse, la cession Dailly bénéficie d'un régime simplifié : la simple remise du bordereau conforme suffit à opérer le transfert de propriété et l'opposabilité aux tiers. Cette simplification explique le succès de la cession Dailly auprès des établissements de crédit et des entreprises.
La cession de droit commun peut porter sur toute créance, y compris civile, tandis que la cession Dailly se limite aux créances professionnelles. En contrepartie, cette limitation s'accompagne d'avantages procéduraux substantiels et d'une sécurité juridique renforcée.
L'affacturage et la cession Dailly poursuivent des objectifs similaires mais présentent des modalités distinctes. L'affacturage implique généralement la cession des créances à une société spécialisée (factor) qui assume le risque d'impayé et la gestion du recouvrement.
La cession Dailly maintient généralement la gestion du recouvrement à la charge du cédant, qui conserve ses relations commerciales avec ses clients. Cette différence s'avère cruciale pour les entreprises soucieuses de préserver la confidentialité de leurs difficultés de trésorerie.
Tableau comparatif des principales différences :
La rapidité d'obtention des liquidités constitue l'avantage principal de la cession Dailly. Dès la remise du bordereau, l'entreprise peut disposer de fonds pour financer son exploitation ou ses investissements, sans attendre l'échéance de ses créances clients.
La souplesse d'utilisation permet d'adapter le financement aux besoins réels de l'entreprise. Celle-ci peut céder ponctuellement certaines créances ou mettre en place un mécanisme permanent de mobilisation de son poste clients.
La préservation de la relation commerciale évite la détérioration des rapports avec les clients, contrairement à l'affacturage où l'intervention du factor peut être perçue négativement. L'entreprise conserve la maîtrise de sa politique commerciale et de recouvrement.
Le coût du financement représente le principal inconvénient de la cession Dailly. Les frais financiers et commissions bancaires peuvent s'avérer substantiels, particulièrement pour les entreprises présentant un profil de risque élevé.
La garantie solidaire du cédant maintient le risque d'impayé à sa charge, contrairement à l'affacturage avec garantie. Cette responsabilité peut grever la situation financière de l'entreprise en cas de défaillance importante de ses débiteurs.
Les contraintes administratives liées au suivi des créances cédées et à l'information de l'établissement cessionnaire génèrent une charge de travail supplémentaire pour l'entreprise.
La comptabilisation d'une cession Dailly dépend de sa nature juridique (escompte ou garantie). Pour une cession à titre d'escompte, les créances cédées sortent de l'actif du cédant et l'avance reçue constitue une ressource de trésorerie.
En cession à titre de garantie, les créances demeurent à l'actif du cédant tant que le crédit garanti n'est pas utilisé. Cette distinction comptable reflète la réalité juridique de l'opération et ses conséquences patrimoniales.
Les frais et intérêts supportés s'analysent en charges financières déductibles du résultat fiscal. Cette déductibilité allège partiellement le coût réel du financement pour l'entreprise.
La fiscalité de la cession Dailly a fait l'objet d'une clarification jurisprudentielle importante. Dans un arrêt du 17 décembre 2021, la Cour administrative d'appel de Versailles a considéré que le produit de cession de créances fiscales incertaines pouvait constituer une augmentation d'actif imposable.
Cette décision rappelle la vigilance nécessaire lors de cessions portant sur des créances dont la liquidité et la certitude ne sont pas établies. Les entreprises doivent anticiper les conséquences fiscales de leurs opérations de cession, particulièrement en cas de contrôle fiscal.
La cession Dailly présente un intérêt particulier pour les entreprises titulaires de marchés publics, confrontées à des délais de paiement souvent importants. Les créances issues de l'exécution de marchés publics peuvent être cédées selon les modalités de droit commun de la loi Dailly.
Toutefois, des adaptations spécifiques s'imposent pour tenir compte des particularités du droit de la commande publique. L'acceptation de la cession par la personne publique, prévue aux articles L. 313-29-1 et L. 313-29-2 du Code monétaire et financier, renforce la sécurité du cessionnaire.
Cette acceptation produit des effets cambiaires : elle fait naître une obligation autonome de la personne publique envers le cessionnaire, indépendamment des vicissitudes du marché. Cette garantie s'avère précieuse pour les établissements de crédit finançant des entreprises du BTP.
L'acceptation de la cession Dailly par une collectivité publique obéit à des règles précises. Elle doit émaner de l'autorité compétente et respecter les formes prévues par la réglementation de la commande publique.
En pratique, l'acceptation intervient souvent lors de la signature du marché ou de ses avenants, par une clause spécifique autorisant expressément la cession des créances. Cette anticipation évite les difficultés ultérieures et sécurise le financement de l'opération.
La jurisprudence récente confirme la rigueur de la Cour de cassation concernant le respect du formalisme de la cession Dailly. L'absence de production du bordereau par le cessionnaire constitue un obstacle dirimant à l'exercice de ses droits contre le débiteur cédé.
Cette exigence, confirmée par l'arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2023, souligne l'importance de la conservation et de la production des documents originaux. Les établissements de crédit doivent organiser leurs procédures internes en conséquence.
La loi du 13 juin 2024 a introduit la possibilité d'établir, signer et conserver les bordereaux Dailly sous forme électronique. Cette modernisation répond aux attentes des acteurs économiques tout en préservant la sécurité juridique du dispositif.
La dématérialisation s'accompagne d'exigences techniques strictes pour garantir l'intégrité et l'authenticité des documents électroniques. Les établissements de crédit devront adapter leurs systèmes d'information aux nouveaux standards.
La cession Dailly fonctionne par la remise d'un bordereau récapitulant les créances professionnelles cédées à un établissement de crédit. En contrepartie, l'entreprise reçoit immédiatement une avance correspondant au montant des créances, déduction faite des frais financiers. La banque devient propriétaire des créances et peut en exiger le paiement directement auprès des débiteurs cédés.
La principale différence réside dans le formalisme : la cession de créance de droit commun exige une notification au débiteur ou son acceptation dans un acte authentique, tandis que la cession Dailly s'opère par la simple remise d'un bordereau. La cession Dailly ne concerne que les créances professionnelles et ne peut bénéficier qu'aux établissements de crédit.
Une cession de créance Dailly est un mode simplifié de transfert des créances professionnelles à un établissement de crédit, régi par les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier. Elle permet aux entreprises d'obtenir rapidement des liquidités en mobilisant leurs créances clients.
La cession de créance s'effectue par la remise à l'établissement de crédit d'un bordereau comportant les mentions obligatoires légales. Ce document doit identifier précisément les créances cédées, le cessionnaire et comporter la signature du cédant. La cession produit ses effets dès la remise du bordereau daté par l'établissement cessionnaire.
Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.