General conditions (CGV/CGA/CGU)
18/9/25

CGV et CGA : Comment résoudre les conflits ? Différences, articulation, exemples, jurisprudence (CA Paris, 17 juin 2021), opposabilité et conseils pour sécuriser vos contrats B2B : le guide d’un avocat à Paris.

CGV et CGA : Comment résoudre les conflits ? Différences, articulation, exemples, jurisprudence (CA Paris, 17 juin 2021), opposabilité et conseils pour sécuriser vos contrats B2B : le guide d’un avocat à Paris.

Qu’est-ce que les CGV ? Quelle est leur utilité ?

Les conditions générales de vente désignent le socle contractuel établi par un vendeur, indiquant les modalités applicables à toutes ses transactions (prix, délais, livraison, garanties, paiement…). Leur communication, obligatoire en B2B, permet de standardiser la relation commerciale, prévenir les abus et garantir la transparence pour tous les clients professionnels.

Exemple concret : Un fournisseur de matériel informatique impose dans ses CGV des délais de paiement à 30 jours et prévoit des pénalités en cas de retard.

Qu’est-ce que les CGA ? Qui les rédige et pourquoi ?

Les conditions générales d’achat sont élaborées par l’acheteur pour fixer les règles souhaitées dans ses commandes (délais, modalités de livraison, pénalités, assurance…). Elles visent à sécuriser les processus d’achat, à optimiser les coûts et à uniformiser les exigences auprès de tous les fournisseurs.

Exemple concret : Une enseigne de distribution exige, par ses CGA, une livraison sous 48h avec pénalité de 2 % par jour de retard et l’obligation pour le fournisseur de souscrire une assurance spécifique.

Différences entre CGV, CGA et CGU : clarification des notions

  • CGV : contractent le rapport B2B du point de vue du vendeur.
  • CGA : émises par l’acheteur pour s’appliquer aux commandes qu’il passe.
  • CGU : conditions générales d’utilisation, encadrent l’accès à un service ou une plateforme (surtout en ligne).
Encadré pédagogique
Ne confondez jamais CGV (vente), CGA (achat) et CGU (utilisation) : chaque document a un objet et un champ contractuel distinct.

L’articulation entre CGV et CGA : les principes juridiques

Le socle unique de la négociation : le rôle des CGV

Le Code de commerce (art. L.441-1, ex-L441-6) pose que les CGV constituent le socle unique de la négociation commerciale en France. Cela signifie que, sauf accord explicite contraire, ce document prévaut en principe lors de la formation du contrat.

Pas de supériorité légale des CGV sur les CGA

Cependant, il n’existe aucune hiérarchie automatique : les CGA, dès lors qu’elles sont acceptées par le fournisseur, sont parfaitement valables et opposables. Cela implique que le contrat sera composé des clauses acceptées mutuellement — et en cas de contradiction, des règles précises s’appliquent.

Contradiction entre CGV et CGA : Que dit la loi ?

L’article 1119 du Code civil

Selon l’article 1119 du Code civil, en cas de discordance entre conditions générales invoquées par l’une et l’autre partie, les clauses incompatibles sont sans effet (“Knockout rule”).

Conséquence :

  • Les clauses compatibles s’appliquent ;
  • Les clauses contradictoires tombent et le juge applique le droit commun des contrats.

Jurisprudence récente : CA Paris, 17 juin 2021, n°17/05445

La Cour d’appel de Paris dans l’arrêt du 17 juin 2021 (n°17/05445) réaffirme que, faute d’accord précis, et en présence de contradictions irréductibles entre CGV et CGA, ces clauses sont réputées inapplicables. Le juge tranche alors selon les dispositions supplétives du Code civil, sans donner priorité d’emblée à l’une ou l’autre des conditions générales.

Comment rendre les CGV ou CGA opposables ?

  • Communication préalable et claire : le document doit être transmis avant toute conclusion du contrat (annexé au devis, au bon de commande ou à tout écrit contractuel).
  • Acceptation expresse : signature, paraphe, validation électronique, ou toute preuve d’accord exprès.
  • Pratiques recommandées : mention très apparente “J’ai lu et j’accepte les CGV/CGU/CGA”, case à cocher, reconnaissance sur facture ou devis.

En l’absence de preuve d’acceptation, les conditions générales sont inopposables (CA Versailles 3 mai 2016, n°15/02478).

Quelles différences majeures entre CGV et CGA ?

Les CGV (conditions générales de vente) sont rédigées par le vendeur et définissent les conditions standards sous lesquelles il propose la vente de ses biens ou services à ses clients : délais, prix, modalités de paiement, transfert de risques, garanties, etc. Les CGA (conditions générales d’achat), quant à elles, sont élaborées par l’acheteur pour fixer un cadre à ses commandes, incluant ses propres exigences sur les modalités de livraison, la qualité, les indemnités, la propriété intellectuelle, etc. Contrairement aux CGV, les CGA ne résultent pas d’une obligation légale, elles visent à protéger l’acheteur et ne s’imposent que si leur existence et leur acceptation sont prouvées. En somme, les CGV structurent la vente, alors que les CGA protègent l’achat .

Comment résoudre un conflit entre CGV et CGA ?

En cas de conflit, deux étapes s’imposent :

  • D’abord, vérifier si l’une des parties a clairement accepté (par écrit, signature, acte positif) les conditions de l’autre : dans ce cas, seuls les documents acceptés sont applicables.
  • À défaut d’accord explicite sur les clauses contradictoires, la jurisprudence pose la règle du « knock out » : les clauses incompatibles sont écartées ; seules les stipulations compatibles resteront au contrat. Le contentieux sera alors tranché sur la base du droit commun du contrat (article 1119 du Code civil).

Pour anticiper, il est conseillé d’insérer une clause de prévalence dans les CGV ou CGA (« En cas de contradiction entre les présentes et les conditions générales du partenaire, les présentes prévaudront ») ; mais son efficacité dépend de son acceptation expresse par l’autre partie.

Exemples concrets de conflits et leur résolution

  • Exemple 1 : Clause de délai contradictoire
    Le vendeur prévoit dans ses CGV un paiement à 30 jours après la livraison ; l’acheteur impose dans ses CGA un paiement à 60 jours après facturation. Si les deux documents sont remis et aucune partie n’a accepté explicitement le délai de l’autre, les deux clauses s’annulent. On applique alors le délai légal (ex : 30 jours après livraison, art. L441-10 C. com).
  • Exemple 2 : Pénalités de retard
    Un fournisseur regrette, lors d’un litige, de voir les CGA du client appliquer des pénalités très lourdes. Or, s’il n’a jamais accepté (par signature ou correspondance écrite) les CGA, il pourra démontrer l’absence d’accord sur ce point, et le juge écartera la clause litigieuse .
  • Exemple 3 : Clause contradictoire sur la propriété intellectuelle
    Les CGV prévoient que l’ensemble des innovations ou livrables restent la propriété du fournisseur ; les CGA imposent au contraire leur transfert immédiat à l’acheteur. Si aucun des textes n’a été expressément accepté par l’autre partie, la clause ne produira aucun effet : les règles supplétives du Code de la propriété intellectuelle s’appliqueront.

Cas jurisprudentiels récents sur CGV vs CGA

  • CA Paris, 17 juin 2021, n°17/05445
    Dans cet arrêt de principe, la Cour d’appel a jugé que la simple mention de prévalence d’un texte (CGV ou CGA) sur un autre ne suffisait pas : en cas de documents contradictoires et de litige sur une stipulation essentielle, ni les CGV, ni les CGA n’étaient automatiquement applicables, à défaut d’accord exprès. Le juge doit alors statuer selon le droit commun du contrat, en tenant compte de la volonté des parties et de leur comportement.
  • Exemple – Clause abusive et déséquilibre significatif
    L’article L.441-1 C. com. interdit à l’acheteur d’imposer, sans négociation possible, une renonciation automatique du fournisseur à ses CGV : une telle clause peut constituer un déséquilibre significatif engageant la responsabilité de son auteur.

Résumé :

  • Les CGV et CGA sont conçues pour protéger respectivement le vendeur et l’acheteur, mais ni l’une ni l’autre ne prévaut automatiquement.
  • La résolution des conflits se fait par recherche d’un accord exprès ou, à défaut, par neutralisation des clauses incompatibles.
  • Les clauses de prévalence n’ont de portée qu’en cas d’acceptation claire.
  • Les tribunaux appliquent le droit commun en cas de blocage, comme l’a rappelé la CA Paris, 17 juin 2021, n°17/05445.

CGA et CGV contradictoires : illustrations et solutions pratiques

Exemples concrets

  • Exemple 1 : Un fournisseur transmet son devis en annexant ses CGV, mais le client l’accepte en y joignant ses CGA contradictoires sur la livraison. Cette clause contradictoire ne s’appliquera qu’en cas d’accord écrit ou tacite. Sinon, droit commun.
  • Exemple 2 : Les deux parties signent courrier de commande mentionnant à la fois les CGV du vendeur et les CGA de l’acheteur : en cas de litige sur une clause contradictoire (ex : pénalité livraison), les deux clauses sont “neutralisées”, le juge applique le Code civil.
Encadré pédagogique
Instaurez une clause de prévalence dans vos CGV ou CGA : "En cas de contradiction entre les CGA et les CGV, les présentes prévaudront sur tout autre document contractuel", tout en sachant que l’efficacité sera soumise à l’acceptation réciproque.

Modèle de conditions générales d’achat et exemple de clause de prévalence

Modèle de clause de prévalence

"En cas de contradiction entre les conditions générales d’achat du Client et toute condition générale de vente ou spécifique du Fournisseur, les présentes CGA prévalent sauf accord exprès écrit constatant la renonciation du Client à cette priorité pour la clause concernée."

Ce type de clause, très fréquent, doit toujours être accepté explicitement pour valoir.

Extrait type de CGA

Objet, modalités de commande, facturation, délais de livraison, contrôle qualité, gestion des garanties, responsabilité, assurances, confidentialité, droit applicable et juridiction compétente.

Conditions générales de vente non signées par le client : quelle force ?

Si les CGV n’ont pas été expressément acceptées (signature, validation écrite, preuve d’accord explicite), elles ne sont pas opposables en cas de litige, même si elles figurent sur le site ou au dos d’une facture (CA Versailles 3 mai 2016).

Synthèse des meilleures pratiques contractuelles

  • Toujours transmettre et faire accepter par écrit (physique ou numérique) les CGV/CGA avant la conclusion ;
  • Privilégier la négociation : insérer un avenant ou une convention de prévalence adaptée ;
  • Éviter les ambiguïtés : identifiez et résolvez les clauses incompatibles avant signature ;
  • Informer et former vos équipes : chaque opérationnel doit connaître la valeur juridique de ces documents et respecter les process de validation interne.

FAQ – Articulation et conflits entre CGV et CGA

1. Est-ce que les CGV prévalent sur les CGA ?

Non. Le Code de commerce donne un primat théorique aux CGV comme socle unique de négociation, mais aucune hiérarchie n’existe en pratique : seules les clauses acceptées par les deux parties s’appliquent, et les clauses contradictoires sont écartées.

2. Quelle est la différence entre CGV et CGU ?

Les CGV encadrent les ventes et prestations entre professionnels ou envers les consommateurs ; les CGU fixent les règles d’utilisation d’un service ou d’une plateforme.

3. Comment rendre opposable des CGV ?

Il faut les communiquer clairement avant la conclusion du contrat, faire preuve de l’acceptation expresse du client (signature, case à cocher, mention sur devis…). Sans acceptation, elles sont inopposables.

4. Quelle solution quand CGA et CGV sont contradictoires ?

Les clauses contradictoires sont écartées : seules les clauses compatibles s’appliquent et, à défaut, le Code civil sert de référence supplétive.

5. Que retenir de l’arrêt CA Paris, 17 juin 2021, n°17/05445 ?

La Cour d’appel de Paris a décidé que lorsque CGV et CGA sont incompatibles sur une stipulation essentielle, et qu’aucune n’a été négociée ni acceptée explicitement, aucune ne s’applique : le contentieux est tranché par le droit commun des contrats.

Conclusion : conseils de l’avocat

L’articulation entre CGV et CGA requiert anticipation, clarté et adaptation : privilégiez la communication, l’acceptation expresse, la négociation personnalisée et l’insertion de clauses de prévalence. En cas de conflit, la diplomatie contractuelle prime, faute de quoi le contentieux revient toujours au droit commun et à l’appréciation souveraine du juge.

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À propos de l’auteur

Guillaume Leclerc, avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.

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