Découvrez comment contester un cautionnement bancaire ou un engagement de caution en droit français : guide complet, voies d’action, jurisprudence récente, exemples concrets et FAQ pour dirigeants, entrepreneurs et cautions solidaires.
Le cautionnement — engagement contractuel par lequel une personne s’engage à garantir la dette d’autrui auprès d’un créancier — est un outil incontournable dans les rapports de crédit, les baux commerciaux ou le financement d’entreprise. Pourtant, de nombreux dirigeants, entrepreneurs ou proches voient leur patrimoine exposé par des engagements parfois lourds de conséquence. Contester la validité ou l’exécution d’un cautionnement exige une connaissance technique pointue, alliée à une pratique processuelle rigoureuse.
L’objectif de cet article est de vous guider dans cette démarche : sur quels fondements, à partir de quels arguments et selon quelles procédures pouvez-vous remettre en cause un engagement de caution — qu’il s’agisse d’un cautionnement bancaire, d’une caution solidaire, d’une caution donnée par un dirigeant pour sa société, ou tout autre type d’engagement accessoire ? Illustrations, exemples de clauses litigieuses, jurisprudence récente, typologie des défenses… tout est présenté pour éclairer le justiciable comme le professionnel.
Le cautionnement est défini par l’article 2288 du Code civil : il s’agit de l’engagement par lequel une personne, la caution, s’oblige envers un créancier à payer la dette du débiteur principal en cas de défaillance de ce dernier. Il est par nature :
Exemple concret : un dirigeant s’engage à titre de caution solidaire pour garantir les sommes dues par la société à la banque dans le cadre d’un prêt professionnel. En cas de défaut de la société, la banque pourra se retourner directement contre le patrimoine du dirigeant.
Il existe de nombreuses situations où il est possible — et justifié — de contester un cautionnement :
L’objectif de la contestation est de réduire, de décharger ou de faire annuler partiellement/totale l’engagement, selon les cas.
La caution peut invoquer l’annulation de son engagement lorsqu’elle a contracté sous l’emprise d’une erreur déterminante, portant sur :
Cas d’école :
Deux personnes non averties signent une caution sans réaliser qu’ils engagent leur propre patrimoine familial, pensant simplement “aider” sans conséquence réelle. La mention explicite du risque encouru était absente, et la nature réelle de l’acte leur a été masquée par le créancier. Les tribunaux ont parfois annulé de tels cautionnements.
Le dol est retenu si la caution, notamment non avertie, a été délibérément trompée ou informée par le créancier de manière incomplète ou fallacieuse sur la situation du débiteur principal ou les risques réels. S’il est prouvé que la banque connaissait la situation irrémédiablement compromise du débiteur et en a dissimulé l’ampleur, l’annulation peut être obtenue.
Plus rare, la violence (pressions morales, menaces directes) ayant conduit la caution à consentir sous contrainte est également un fondement d’annulation.
Sous peine de nullité, la caution personne physique doit apposer de sa main ou signer une mention claire énonçant son engagement en toutes lettres, précisant le montant garanti en chiffres et en lettres, dans des termes explicitement choisis.Memento_Droit_commercial_2025_-_SECTION_1_Cautionnement-1.docx
Exemple de clause nulle :
« Je soussigné, déclare me porter caution du prêt consenti par la banque X à la société Y, à concurrence du montant de 100 000 € »
Or, l’exigence légale commande la rédaction d’une formule plus protectrice, précisant la nature de la dette, le montant en principal et accessoires, et la reconnaissance expresse d’une non-exigibilité préalable du créancier contre le débiteur principal (pour le cautionnement solidaire).
Cas concret : Dès lors que la mention requise est absente, incomplète ou apposée par un tiers, la nullité peut être obtenue en justice.
Depuis les réformes successives, tout cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel doit respecter le principe de proportionnalité : la caution ne peut pas s’engager pour un montant manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine.
Si, lors de la souscription, la disproportion est manifeste et le créancier ne rapporte pas la preuve que la caution pouvait y faire face en cas d’appel en paiement, le cautionnement est réduit au montant proportionnel^.
Exemple pratique :
Un dirigeant se porte caution à hauteur de 500 000 €, alors que son patrimoine personnel est de 100 000 € et ses revenus modestes. La banque, créancier professionnel, n’a pas vérifié sa véritable capacité contributive. Le juge pourra réduire (voire annuler pour le passé) l’engagement à hauteur des facultés réelles de la caution.
Le créancier professionnel (ex : une banque) doit :
En cas de manquement, la caution peut demander la déchéance des intérêts entre la dernière information conforme et la régularisation, voire engager la responsabilité de la banque pour perte de chance.
Le cautionnement étant accessoire, si l’obligation principale est nulle, illicite, éteinte, ou annulée, la caution est déchargée ipso facto :
Exemple: Une caution avait garanti un prêt octroyé à une société dont le dirigeant était frappé d’une interdiction de gérer et n’avait donc pas la capacité juridique d’engager valablement la société. La dette principale étant invalide, le cautionnement l’est également.
La transformation substantielle du contrat principal sans le consentement exprès de la caution peut entraîner la libération de celle-ci. La novation de la dette principale entraîne, en principe, l’extinction du cautionnement, sauf si la caution a accepté de s’engager sur la nouvelle obligation.
Les actions du créancier contre la caution sont enfermées dans des délais de prescription qui doivent impérativement être respectés (exemples : 5 ans pour les prêts à la consommation, prescription de droit commun dans d’autres cas, courts délais de forclusion prévus dans certaines clauses ou textes spécifiques).
Dès la survenance d’un doute sérieux sur la validité ou l’exécution constatable de votre engagement, il est vivement recommandé d’adresser au créancier une mise en demeure motivée pouvant notamment aboutir à une demande de mainlevée, d’annulation ou de réduction de la caution :
Exemple de lettre :
« Je vous informe constater que le cautionnement souscrit en date du … ne comporte pas la mention manuscrite requise par l’article 2297 du Code civil, ce qui, conformément à la loi et à la jurisprudence constante, justifie la nullité de l’engagement. En conséquence, je vous demande expressément de me libérer de tout engagement à ce titre… ».
En cas de contentieux — typiquement à la suite d’une assignation en paiement de la part de la banque ou du créancier professionnel — le débiteur/caution pourra :
Cas pratique :
Une caution s’oppose à une procédure d’exécution forcée en soulevant la disproportion manifeste de son engagement et le défaut de respect de la procédure de mise en garde annuelle. Le juge accueille ces moyens, réduit le montant dû et sanctionne la banque par la déchéance des intérêts depuis le défaut d’information annuelle.
Les dirigeants de sociétés sont fréquemment sollicités pour garantir les concours accordés aux sociétés qu’ils dirigent. Or, les règles protectrices bénéficient aussi aux dirigeants personnes physiques, notamment la protection contre la disproportion de l’engagement, indépendamment de leur qualité de professionnel ou de leur expérience supposée.
Exemple :
Un dirigeant cautionne sa société à hauteur de montants bien supérieurs à ses revenus personnels ; la banque néglige de s’enquérir de sa situation patrimoniale réelle. La contestation de la proportionnalité sera recevable, même pour un chef d’entreprise averti.
Dans la majorité des cas, notamment pour les PME, le cautionnement vise une dette professionnelle (prêt, leasing, découvert bancaire…). Les spécificités tenant à la nature commerciale de la dette, ou au statut du créancier (banque, bailleur, fournisseur), n’écartent pas l’application des règles de protection de la caution.
La prescription de l’action du créancier contre la caution d’un prêt professionnel est un levier à examiner. Délais :
Exemple :
Un créancier assigne une caution solidaire plus de cinq ans après la déchéance du terme du prêt professionnel. La caution peut soulever la prescription pour échapper au paiement, en l’absence d’acte interruptif.
Une personne physique avait apposé sa signature sur un acte de cautionnement sans recopier la mention exigée en toutes lettres. La cour d’appel a prononcé la nullité de son engagement malgré l’argument du créancier invoquant la compréhension prétendue de la caution.
Une banque réclame à la caution le paiement de 400 000 €. Le juge relève que, compte tenu des revenus de la caution, son engagement maximal est de 80 000 €. La somme due est réduite en conséquence (application de l’article 2300 du Code civil).
Personne expérimentée mais non informée de la situation irrémédiablement compromise de la société cautionnée. Le défaut de mise en garde est sanctionné selon la jurisprudence.
La question du « dépôt » est à distinguer du cautionnement personnel. Pour une garantie réelle (dépôt de somme ou de bien), vérifiez si l’acte correspond effectivement à un cautionnement ou à une simple sûreté réelle. La contestation portera alors principalement sur qualification du contrat et les obligations contractuelles qui en résultent.
Sollicitez le juge pour l’octroi de délais de paiement, invoquez la disproportion ou tout autre moyen de décharge, tentez une négociation/bouclier avec le créancier, examinez les solutions de surendettement si nécessaire.
Le cautionnement n’est pas un acte anodin ; il expose potentiellement à de lourdes conséquences patrimoniales. Fort des nouveaux équilibres légaux et d’une jurisprudence de plus en plus protectrice des cautions — qu’elles soient dirigeantes, associés, proches, ou simples particuliers — il est possible, dans de nombreux cas, de contester ou d’aménager l’étendue de l’engagement. Le recours à un avocat, à la fois pour vérifier les conditions de validité du cautionnement et pour assurer la meilleure défense lors des procédures en paiement, est fortement recommandé. Anticiper, connaître ses arguments, user de toutes les armes juridiques disponibles : tel est le meilleur atout pour sécuriser son patrimoine et faire valoir ses droits.
Guillaume Leclerc. Avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.
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