Comprendre tout sur la CSRD et la CSDD : différences, obligations, calendrier, reporting durable. Le guide complet du nouvel avocat pour anticiper et se mettre en conformité avec les textes européens
La transformation durable des entreprises est désormais dictée par le droit européen avec deux textes majeurs : la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et la CSDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive). Leur complémentarité est essentielle : la CSRD impose la transparence sur les enjeux ESG (environnement, social, gouvernance), tandis que la CSDD institue un devoir de vigilance. Ces deux piliers structurent la gouvernance responsable de l’entreprise contemporaine.
À retenir : La conformité n’est plus une option mais une exigence structurante, conditionnant l’accès aux financements, la réputation de l’entreprise et la pérennité de ses modèles économiques.
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est la nouvelle directive européenne entrée en vigueur en 2023, venue renforcer la précédente directive NFRD (Non-Financial Reporting Directive). Elle impose à un nombre élargi d’entreprises l’obligation de publier un rapport extra-financier détaillé.
• Accroître la transparence et la comparabilité des informations extra-financières à travers l’Union européenne.
• Permettre aux investisseurs, parties prenantes et autorités de mieux évaluer la stratégie RSE d’une entreprise.
• Favoriser le verdissement de l’économie en responsabilisant les entreprises via des obligations précises de reporting.
Encadré pédagogique :
Sous la CSRD, une entreprise devra par exemple indiquer comment elle identifie et gère les risques climatiques liés à son activité, ou comment elle promeut la diversité dans ses organes de gouvernance.
• Grandes entreprises cotées et non cotées de l’UE (plus de 250 salariés, 40 M€ de chiffre d’affaires, ou 20 M€ de bilan).
• PME cotées (sauf micro-entreprises, phase de transition jusqu’en 2028).
• Filiales de groupes extracommunautaires dépassant 150 M€ de chiffre d’affaires UE.
Le reporting CSR/D doit respecter la double matérialité : enjeux ayant un impact sur l’entreprise et la société au sens large.
• Données environnementales : émissions GES, taxonomie européenne, impact biodiversité…
• Enjeux sociaux : droits humains, conditions de travail, égalité, etc.
• Gouvernance : stratégie anti-corruption, modèle économique, gestion des risques.
Exemple concret :
Une entreprise du secteur textile devra détailler ses chaînes d’approvisionnement, les mesures de lutte contre le travail des enfants et son impact environnemental à chaque étape du cycle de vie du produit.
La CSDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, ou CSDDD) est la future directive européenne sur le devoir de vigilance durable. Inspirée du modèle français, elle va beaucoup plus loin : elle impose à certaines entreprises une obligation de prévention et de mitigation des risques graves en matière de droits humains et d’environnement, y compris chez les fournisseurs et sous-traitants mondiaux.
• Grandes entreprises de plus de 500 salariés et 150 M€ de CA dans l’UE.
• Entreprises non européennes générant >150 M€ de CA dans l’UE.
• Entreprises d’au moins 250 salariés, 40M€ de CA, si elles opèrent dans des secteurs à risque (ex : textile, agriculture, extraction minière).
La CSDD s’articule autour de trois piliers principaux :
1. Identifier et évaluer les principaux risques et impacts négatifs (environnement, droits humains, corruption).
2. Mettre en place des mesures correctrices – plans d’action précis, dialogue avec les parties prenantes, remédiation.
3. Suivre et évaluer l’efficacité des mesures prises et publier un rapport annuel.
Exemple d’application :
Une société de cosmétique doit mettre en œuvre des audits réguliers auprès de ses fournisseurs d’huile de palme pour vérifier l’absence de travail forcé ou de déforestation illégale.
• Mise en exergue d’obligations de transparence : publication de rapports, contrôle renforcé, disponibilité des informations pour les parties prenantes.
• Responsabilité accrue pour les dirigeants et les organes de gouvernance.
Une entreprise relevant seulement de la CSRD devra publier ses informations ESG, tandis qu’une société soumise à la CSDD devra démontrer qu’elle a effectivement enquêté et œuvré pour éviter les risques concrets de violation des droits humains dans sa chaîne d’approvisionnement.
• Cartographier les risques extra-financiers.
• Élaborer un reporting précis : politique RSE, stratégie climat, impact social, plans d’action ESG, etc.
• Mettre à jour les politiques internes, former les équipes, intégrer les exigences dans les contrats avec les partenaires.
Exemple de clause contractuelle :
« L’Entreprise s’engage à recueillir annuellement toutes les données requises au titre du reporting CSRD, notamment quant à la gestion des risques climatiques dans la chaîne de valeur, et à fournir à la Société toute documentation utile à la conformité du groupe à la réglementation européenne. »
• Formaliser une cartographie des risques de la chaîne de valeur mondiale.
• Mettre en place une politique de vigilance approuvée par le conseil d’administration.
• Prévoir des audits réguliers, un plan de remédiation, des alertes éthiques accessibles à tous les collaborateurs.
• Prévoir la clause de suspension/fin anticipée en cas de non-respect par un fournisseur (cas concret textile/Bangladesh).
Point clé :
L’externalisation ne dégage plus la responsabilité de la société donneuse d’ordre.
La CSRD impose un reporting de transparence, alors que la CSDD (aussi appelée CSDDD ou « due diligence ») exige d’identifier, prévenir et réparer concrètement les atteintes graves causées par l’activité de l’entreprise et de ses partenaires. La première vise la traçabilité et la publication, la seconde la responsabilité effective et la prévention.
La CSDD impose la mise en place d’un dispositif de vigilance couvrant toute la chaîne de valeur mondiale, un suivi annuel, des mesures correctives, le dialogue avec les parties prenantes et la publication d’un rapport annuel. Toute carence peut entraîner des sanctions administratives, civiles voire pénales.
Le reporting CSRD inclut la matérialité double, le respect de la taxonomie européenne, les plans d’alignement carbone, la transparence sur la chaîne de valeur, la gestion de la transition écologique et sociale, et l’implication de la gouvernance.
• Exercice 2024 : grandes entreprises déjà soumises à la NFRD.
• Exercice 2025 : autres grandes entreprises européennes.
• Exercice 2026 : PME cotées (hors micros).
• Exercice 2028 : filiales européennes de groupes non UE.
Le texte de la CSRD est publié au Journal Officiel de l’Union Européenne et accessible sur le site EUR-Lex, sous la référence Directive (UE) 2022/2464.
Structurer le rapport autour des trois piliers ESG, intégrer des indicateurs chiffrés, décrire la gouvernance et les procédures, fournir des exemples concrets et insister sur la comparabilité et l’intelligibilité des données.
La CSRD consacre une exigence de transparence totale, sur des données quantitatives et qualitatives, avec vérification obligatoire par un tiers indépendant et responsabilité des organes de gouvernance.
Oui, les entreprises non-UE réalisant plus de 150 M€ de CA dans l’UE et disposant d’une filiale devront également s’y conformer.
• Les autorités de contrôle (ex : AMF) pourront sanctionner les entreprises défaillantes.
• Les parties prenantes (ONG, syndicats, consommateurs) pourront engager la responsabilité, y compris par action collective.
• Le « name and shame » menace la réputation des entreprises qui ne s’engagent pas réellement.
Jurisprudence récente :
Des groupes internationaux ont déjà été contraints en France à indemniser des victimes de violations des droits humains dans leur chaîne d’approvisionnement.
• Initier une cartographie préalable des risques ESG dès maintenant.
• Impliquer tous les départements et la direction générale dans la démarche de conformité.
• Prévoir des formations internes et une actualisation régulière des processus.
• Créer des comités de suivi, nommer un responsable CSRD/CSDDD, élaborer une feuille de route pluriannuelle.
• Intégrer des clauses de conformité ESG dans tous les contrats et appels d’offres.
• Utilisation d’outils de reporting digitalisés pleinement conformes à l’ESEF.
• Adoption de plateformes de « due diligence » pour la CSDD.
Encadré pratique :
Le recours à un expert indépendant pour l’audit ESG permet de fiabiliser le reporting et d’anticiper les risques de contrôle.
La nouvelle réglementation européenne sur la durabilité n’est pas qu’une contrainte. Elle constitue une véritable opportunité pour les entreprises innovantes qui souhaitent structurer leur gouvernance, sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement et renforcer leur attractivité auprès des investisseurs et des talents. La démarche de conformité doit être pensée comme un levier de performance et non comme une simple tâche administrative supplémentaire.
Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.