Que signifie l’abandon de chantier ? Quelles démarches suivre ? Quels recours pour le maître d’ouvrage ? Les garanties, les risques, les exemples concrets et les conseils d’avocat pour réagir efficacement face à un abandon de chantier et anticiper les litiges correspondants.
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L’abandon de chantier correspond à l’interruption injustifiée et durable des travaux par l’entrepreneur, hors cas de force majeure ou d’accord préalable avec le maître d’ouvrage. Il s’agit souvent d’un arrêt des travaux sans motif légitime, qui met en péril la réalisation du projet. La jurisprudence considère l’abandon dès lors que les travaux sont stoppés, les ouvriers absents, et qu'aucune explication valable n’est apportée.
Exemple concret : Une PME sollicite une rénovation complète de ses locaux et l’entrepreneur arrête le chantier, ne répond plus aux appels ni aux mails, alors que le planning prévoit 2 mois restants de travaux.
Outre le retard ou la paralysie du projet, l’abandon de chantier engage le risque de surcoûts, d’immobilisation des locaux, de poursuite bancaire (si prêt en cours) et, le cas échéant, de malfaçons non réparées. Il peut également entraîner des conflits juridiques longs et coûteux pour obtenir la reprise ou la finalisation du chantier, voire l’indemnisation des préjudices subis.
Parmi les causes courantes :
Exemple : L’entreprise qui réalise les travaux de réfection d’une boutique connaît des problèmes de trésorerie, ce qui l’empêche d’acheter les matériaux nécessaires et elle cesse toute intervention sans préavis.
Les cas où la PME cliente commet elle-même un manquement grave (non-paiement d’une facture, obstacle à l’accès au chantier) peuvent entraîner la suspension légitime des travaux par l’entrepreneur.
Encadré pédagogique :
« La suspension de chantier pour non-paiement est juridiquement admise, à condition toutefois que l’entrepreneur ait mis en demeure la PME de régler les sommes dues. »
Il n’existe pas de délai légal précis ; la jurisprudence retient quelques semaines (généralement 1 à 3 semaines d’inactivité injustifiée) pour caractériser l'abandon, dès lors que le silence ou la désertion se prolonge sans motif. Seul un professionnel de droit pourra apprécier la gravité selon le contexte.
Une entreprise ne revient pas sur le chantier pendant 10 jours malgré plusieurs relances écrites et aucune explication crédible ne justifie cet arrêt. L’abandon peut être caractérisé, sous réserve de respecter la procédure de mise en demeure.
En premier lieu, contacter l’entrepreneur afin d’obtenir une explication et une reprise volontaire des travaux.
Adressez une lettre recommandée avec accusé de réception à l’entrepreneur. La mise en demeure doit :
Exemple de formule :
« Je vous mets en demeure de reprendre l’exécution des travaux prévus au contrat du [date], dans un délai de [x] jours à compter de la réception de la présente, faute de quoi j’en tirerai toutes conséquences de droit. »
Un huissier pourra :
Ce document est indispensable en cas de procédure judiciaire ou de reprise du chantier par une autre entreprise.
Ne plus verser d’acomptes ou de paiements tant que la situation n’est pas clarifiée sous couvert d’un constat d’abandon et de mise en demeure sans réponse.
Si l’entrepreneur ne réagit pas, plusieurs actions sont possibles :
Après constat et résiliation officielle, la PME peut faire terminer le chantier par une autre société aux frais de l’entrepreneur défaillant, avec l’autorisation du juge.
Le maître d’ouvrage doit poursuivre le remboursement du prêt et ne peut l’interrompre sans décision judiciaire ; toutefois, une négociation avec la banque est possible pour suspendre temporairement les échéances en cas d’abandon.
Privilégier la solution amiable pour éviter contentieux et surcoûts, en mobilisant l’entrepreneur et les partenaires (architecte, assureur).
Certaines assurances (dommages-ouvrage, garantie de livraison, RC décennale) permettent de couvrir tout ou partie des conséquences de l’abandon pour le maître d’ouvrage, sous réserve des conditions stipulées dans les contrats.
« En cas de suspension injustifiée des travaux supérieure à 15 jours, le maître d’ouvrage pourra, après mise en demeure restée infructueuse, résilier de plein droit le contrat, mandater un tiers pour achever les travaux aux frais de l’entrepreneur défaillant, et réclamer indemnisation pour tout préjudice direct ou indirect résultant de cette inexécution. »
Dès que l’inactivité injustifiée dépasse 8 à 15 jours et qu’aucune explication crédible, force majeure ou solution amiable n’a été trouvée.
Exemple :
« Madame, Monsieur,
Je constate que le chantier de [lieu] est à l’arrêt depuis le [date]. En vertu du contrat signé le [date], je vous mets en demeure de reprendre l’exécution sous 8 jours à compter de la réception de la présente, faute de quoi j’en tirerai toutes conséquences prévues au contrat et en droit. Conformément aux stipulations contractuelles, et à défaut de reprise, j’envisagerai la résolution du contrat, le recours à une entreprise tierce, et la réclamation des sommes indûment versées et des pénalités de retard.
Veuillez agréer... »
Voir la rubrique dédiée précédente et retenez que les juges sont particulièrement vigilants à la preuve de l’abandon et du préjudice subi par la PME.
Dans les cas les plus graves (paiements encaissés et aucune intention de réaliser les travaux), le chef d’entreprise peut engager une procédure pour abus de confiance, infraction pénale caractérisée par l’utilisation détournée de fonds ou d’acomptes reçus sans contrepartie.
Le contentieux de l’abandon de chantier est complexe, soumis à une réglementation stricte et à de fréquentes évolutions jurisprudentielles. Seul le recours à un avocat spécialisé en droit des contrats et en contentieux commercial permet d’anticiper, de sécuriser vos démarches et d’optimiser la gestion du litige. Il est vivement conseillé de consulter un professionnel avant tout engagement judiciaire ou contractuel. Chaque entreprise, chaque situation bénéficie ainsi de conseils spécifiques et adaptés pour protéger ses intérêts.