5/11/25

Guide d’avocat : comment réagir face à un abandon de chantier ? Conseils pratiques pour réagir au mieux

Que signifie l’abandon de chantier ? Quelles démarches suivre ? Quels recours pour le maître d’ouvrage ? Les garanties, les risques, les exemples concrets et les conseils d’avocat pour réagir efficacement face à un abandon de chantier et anticiper les litiges correspondants.

Définition et enjeux de l’abandon de chantier

Qu’est-ce que l’abandon de chantier ?

L’abandon de chantier correspond à l’interruption injustifiée et durable des travaux par l’entrepreneur, hors cas de force majeure ou d’accord préalable avec le maître d’ouvrage. Il s’agit souvent d’un arrêt des travaux sans motif légitime, qui met en péril la réalisation du projet. La jurisprudence considère l’abandon dès lors que les travaux sont stoppés, les ouvriers absents, et qu'aucune explication valable n’est apportée.​

Exemple concret : Une PME sollicite une rénovation complète de ses locaux et l’entrepreneur arrête le chantier, ne répond plus aux appels ni aux mails, alors que le planning prévoit 2 mois restants de travaux.

Les enjeux pour les PME

Outre le retard ou la paralysie du projet, l’abandon de chantier engage le risque de surcoûts, d’immobilisation des locaux, de poursuite bancaire (si prêt en cours) et, le cas échéant, de malfaçons non réparées. Il peut également entraîner des conflits juridiques longs et coûteux pour obtenir la reprise ou la finalisation du chantier, voire l’indemnisation des préjudices subis.​

Les causes fréquentes d’abandon de chantier

Causes imputables à l’entrepreneur

Parmi les causes courantes :

  • Difficultés financières (liquidation, redressement)
  • Sous-évaluation du devis
  • Mauvaise organisation ou gestion du chantier
  • Absence d’approvisionnement en matériaux

Exemple : L’entreprise qui réalise les travaux de réfection d’une boutique connaît des problèmes de trésorerie, ce qui l’empêche d’acheter les matériaux nécessaires et elle cesse toute intervention sans préavis.

Causes liées au maître d’ouvrage

Les cas où la PME cliente commet elle-même un manquement grave (non-paiement d’une facture, obstacle à l’accès au chantier) peuvent entraîner la suspension légitime des travaux par l’entrepreneur.​

Encadré pédagogique :
« La suspension de chantier pour non-paiement est juridiquement admise, à condition toutefois que l’entrepreneur ait mis en demeure la PME de régler les sommes dues. »

Au bout de combien de temps parle-t-on d’abandon de chantier ?

Délais et constat de l’abandon de chantier

Il n’existe pas de délai légal précis ; la jurisprudence retient quelques semaines (généralement 1 à 3 semaines d’inactivité injustifiée) pour caractériser l'abandon, dès lors que le silence ou la désertion se prolonge sans motif. Seul un professionnel de droit pourra apprécier la gravité selon le contexte.

Exemple concret

Une entreprise ne revient pas sur le chantier pendant 10 jours malgré plusieurs relances écrites et aucune explication crédible ne justifie cet arrêt. L’abandon peut être caractérisé, sous réserve de respecter la procédure de mise en demeure.

Que faire en cas d’abandon de chantier ? (procédure détaillée)

1. Tenter une résolution amiable

En premier lieu, contacter l’entrepreneur afin d’obtenir une explication et une reprise volontaire des travaux.

2. Mettre en demeure l’entreprise de reprendre le chantier

Adressez une lettre recommandée avec accusé de réception à l’entrepreneur. La mise en demeure doit :

  • Être motivée
  • Préciser le délai de reprise (généralement 8 à 15 jours)
  • Rappeler l’obligation contractuelle​

Exemple de formule :
« Je vous mets en demeure de reprendre l’exécution des travaux prévus au contrat du [date], dans un délai de [x] jours à compter de la réception de la présente, faute de quoi j’en tirerai toutes conséquences de droit. »

3. Faire constater l’abandon de chantier par huissier

Un huissier pourra :

  • Établir un procès-verbal précis de la situation et des travaux inachevés
  • Recenser le matériel laissé sur place
  • Formaliser l’absence des ouvriers​

Ce document est indispensable en cas de procédure judiciaire ou de reprise du chantier par une autre entreprise.

4. Stopper les paiements restants

Ne plus verser d’acomptes ou de paiements tant que la situation n’est pas clarifiée sous couvert d’un constat d’abandon et de mise en demeure sans réponse.​

5. Lancer une action judiciaire

Si l’entrepreneur ne réagit pas, plusieurs actions sont possibles :

  • Résiliation du contrat pour faute (article 1226 du Code civil : notification motivée)
  • Saisir le juge des référés (pour obtenir la reprise ou la désignation d’une nouvelle entreprise, parfois avec astreinte)
  • Demander des dommages et intérêts​

6. Mandater une nouvelle entreprise

Après constat et résiliation officielle, la PME peut faire terminer le chantier par une autre société aux frais de l’entrepreneur défaillant, avec l’autorisation du juge.​

7. Négocier avec la banque (si prêt travaux en cours)

Le maître d’ouvrage doit poursuivre le remboursement du prêt et ne peut l’interrompre sans décision judiciaire ; toutefois, une négociation avec la banque est possible pour suspendre temporairement les échéances en cas d’abandon.​

Quels sont les recours ?

Le recours extrajudiciaire

Privilégier la solution amiable pour éviter contentieux et surcoûts, en mobilisant l’entrepreneur et les partenaires (architecte, assureur).

Le recours judiciaire

  • Référés pour obtenir l’achèvement forcé
  • Demander une astreinte (amende par jour de retard pour inciter à agir)
  • Réclamation du coût des réparations et finitions à l’entrepreneur par voie de provision judiciaire​

Quel est le rôle de l’assurance dans l’abandon de chantier ?

Certaines assurances (dommages-ouvrage, garantie de livraison, RC décennale) permettent de couvrir tout ou partie des conséquences de l’abandon pour le maître d’ouvrage, sous réserve des conditions stipulées dans les contrats.

Quels sont les risques et conséquences pour l’entrepreneur ?

  • Perte de créance et de paiement
  • Condamnation à indemniser la PME
  • Réputation ternie
  • Risque de liquidation ou procédures collectives
  • Responsabilité pénale possible (abus de confiance dans certains cas)

Les clauses contractuelles pour se prémunir de l’abandon de chantier

Exemple de clause de vigilance

« En cas de suspension injustifiée des travaux supérieure à 15 jours, le maître d’ouvrage pourra, après mise en demeure restée infructueuse, résilier de plein droit le contrat, mandater un tiers pour achever les travaux aux frais de l’entrepreneur défaillant, et réclamer indemnisation pour tout préjudice direct ou indirect résultant de cette inexécution. »

Clés pour sécuriser le contrat

  • Calendrier détaillé et pénalités de retard
  • Garantie de livraison par assureur sollicité dès la signature
  • Obligation de notification immédiate des difficultés
  • Clause de forfaitisation du coût de remplacement de l’entrepreneur
  • Encadré pédagogique : « La clause pénale permet d’anticiper le montant des dommages et intérêts dus en cas d’abandon constaté. »

Jurisprudence récente sur l’abandon de chantier

Exemples jurisprudentiels récents

  • Cour d’appel de Versailles, 2 septembre 2025, n°24/07253 : Confirmation de la responsabilité de l’entrepreneur pour abandon du chantier, retenant la date de l’arrêt des travaux comme date de fin du contrat.
  • Cour supérieure Québec, juin 2024 : L’abandon marque le point de départ du délai d’inscription de l’hypothèque légale, l’entrepreneur perd le bénéfice de l’hypothèque si la formalisation intervient hors délai.​
  • Cour de cassation, 3ème civ., juin 2023, n°22-11.675 : L’entrepreneur est condamné à verser des dommages et intérêts au maître d’ouvrage pour arrêt non justifié et reprise obligatoire par un tiers.

FAQ de l’abandon de chantier (questions Google et cas pratiques)

Abandon de chantier : au bout de combien de temps le constater ?

Dès que l’inactivité injustifiée dépasse 8 à 15 jours et qu’aucune explication crédible, force majeure ou solution amiable n’a été trouvée.

Lettre type abandon de chantier

Exemple :
« Madame, Monsieur,
Je constate que le chantier de [lieu] est à l’arrêt depuis le [date]. En vertu du contrat signé le [date], je vous mets en demeure de reprendre l’exécution sous 8 jours à compter de la réception de la présente, faute de quoi j’en tirerai toutes conséquences prévues au contrat et en droit. Conformément aux stipulations contractuelles, et à défaut de reprise, j’envisagerai la résolution du contrat, le recours à une entreprise tierce, et la réclamation des sommes indûment versées et des pénalités de retard.
Veuillez agréer
... »

Abandon de chantier : que faire ?

  • Mettre en demeure l’entrepreneur
  • Faire constater par huissier
  • Stopper tout paiement
  • Saisir le juge si besoin
  • Mandater une nouvelle entreprise après résiliation officielle
  • Engager une négociation bancaire si prêt
  • Se faire assister par un avocat dès le constat de l’abandon

Jurisprudence récente

Voir la rubrique dédiée précédente et retenez que les juges sont particulièrement vigilants à la preuve de l’abandon et du préjudice subi par la PME.

Abus de confiance et abandon de chantier

Dans les cas les plus graves (paiements encaissés et aucune intention de réaliser les travaux), le chef d’entreprise peut engager une procédure pour abus de confiance, infraction pénale caractérisée par l’utilisation détournée de fonds ou d’acomptes reçus sans contrepartie.

Encadré pratique : Check-list des actions à mener

ÉtapesObjectifsDocuments à produirePoints de vigilance
Contact amiableObtenir explication ou reprise rapideÉchanges mail, SMS, appelsDocumenter l’ensemble
Mise en demeureFormaliser la demandeLRAR / Acte d’huissier et preuve d’envoiFixer un délai raisonnable
Constat d’huissierProuver l’abandon et l’état des travauxPV d’huissier détailléJoindre devis, photos
Action judiciaireSauvegarder vos droits et intérêtAssignation, référé, autres piècesÉvaluer les délais
Remplacement entrepriseFinaliser le chantierContrat nouveau, devis acceptéActe d’autorisation judiciaire

Le recours à l’avocat : une matière réglementée

Le contentieux de l’abandon de chantier est complexe, soumis à une réglementation stricte et à de fréquentes évolutions jurisprudentielles. Seul le recours à un avocat spécialisé en droit des contrats et en contentieux commercial permet d’anticiper, de sécuriser vos démarches et d’optimiser la gestion du litige. Il est vivement conseillé de consulter un professionnel avant tout engagement judiciaire ou contractuel. Chaque entreprise, chaque situation bénéficie ainsi de conseils spécifiques et adaptés pour protéger ses intérêts.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à à Paris.