Commercial contracts
20/10/25

La clause de buy or sell : le mécanisme juridique pour sortir d’une impasse entre associés

Découvrez tout sur la clause de buy or sell, aussi appelée clause américaine ou clause texane : définition juridique, fonctionnement, exemples concrets, et conseils pratiques pour l’intégrer efficacement dans un pacte d’associés afin d’éviter les blocages entre dirigeants de PME.

Dans les PME où le capital est souvent détenu à parts égales, les désaccords entre associés peuvent rapidement paralyser la société. La clause de buy or sell, également appelée clause américaine ou clause texane, constitue un outil juridique redoutablement efficace pour prévenir ces blocages.

Cet article vous propose une analyse complète de ce mécanisme, ses variantes, son cadre juridique, sa rédaction, les risques à anticiper, et des conseils concrets pour les dirigeants de PME.

Qu’est-ce qu’une clause de buy or sell ?

Définition juridique

La clause de buy or sell est une clause de sortie insérée dans un pacte d’associés ou dans les statuts d’une société. Elle permet de résoudre un conflit entre deux associés en imposant la sortie de l’un d’entre eux selon un mécanisme d’offre et de contre-offre.

Concrètement, un associé (l’initiateur) propose à un autre le rachat de ses titres à un prix fixé. Le second associé a alors deux options :

  • Accepter l’offre et céder ses titres au prix proposé ;
  • Refuser et être tenu de racheter les parts de l’initiateur au même prix.

Quelle que soit la réponse, un des deux associés quitte la société, évitant ainsi la paralysie.

Origine et terminologie

Ce mécanisme trouve ses racines dans le droit américain, d’où son appellation de clause américaine ou Texas shoot-out clause. En France, elle a été progressivement reconnue par la jurisprudence, notamment par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 12 février 2025 (n° 23-16.290), a confirmé sa validité.

Pourquoi insérer une clause de buy or sell ?

Prévenir les situations de blocage

La clause a pour objectif principal d’éviter les situations de paralysie dans les sociétés à deux associés, souvent à parts égales. En cas de mésentente durable, elle permet une séparation rapide et équitable.

Préserver la continuité de l’entreprise

Elle évite qu’un conflit d’associés ne mette en péril l’activité, en assurant qu’un seul décideur détienne finalement les parts sociales.

Exemple concret

Imaginez une SAS détenue à 50/50 par deux associés, M. Dupont et Mme Martin. Un désaccord stratégique éclate : M. Dupont souhaite se tourner vers l’international, Mme Martin s’y oppose. Grâce à une clause de buy or sell, M. Dupont peut proposer à Mme Martin de lui racheter ses titres à 300 000 €. Mme Martin peut soit vendre à ce prix, soit racheter les parts de M. Dupont au même montant. Le blocage est ainsi levé.

Comment fonctionne la clause de buy or sell ?

Le processus repose sur l’équilibre contractuel : celui qui fixe le prix prend le risque d’être soit acheteur, soit vendeur à ce prix. D’où la nécessité d’un prix juste et sincère.

Étapes clés du mécanisme

  1. Déclenchement : survenance d’un désaccord grave ou situation prévue dans le pacte.
  2. Notification : l’associé A fait une offre de rachat à B à un certain prix.
  3. Choix de B :
    • accepter et vendre ;
    • refuser et racheter les parts de A au même prix.

Dans tous les cas, la société retrouve un seul associé majoritaire.

Variante : la clause texane

La version dite texane prévoit que l’associé destinataire puisse proposer un contreprix, que le premier devra accepter ou refuser selon le même principe.

Les différents types de clause de buy or sell

Type de clause Description Spécificité
Clause américaine classique Un associé propose un prix, que le second peut accepter ou refuser en rachetant les parts au même prix. Équilibre fondé sur la prudence du prix initial.
Clause texane L’associé destinataire peut proposer un contreprix. Permet un rééquilibrage lors d’offres initiales biaisées.
Clause avec expert évaluateur Le prix est fixé par un expert indépendant. Sécurise la valorisation des titres et limite le risque d’abus.

Quelle validité juridique en droit français ?

Reconnaissance par la Cour de cassation

La Cour de cassation valide régulièrement la clause au regard de l’article 1591 du Code civil, selon lequel le prix d’une vente doit être déterminé ou déterminable. Le mécanisme n’est donc pas considéré comme une fixation unilatérale du prix, car l’autre associé dispose d’un pouvoir symétrique.

Arrêts marquants

  • Cass. com., 28 avril 2009, n° 08-13.044 : la clause avec prix sous-évalué demeure valable mais met en lumière le risque d’éviction arbitraire.
  • Cass. com., 12 février 2025, n° 23-16.290 : le prix fixé par une partie n’est pas abusif s’il reste accessible au second associé.

Détermination du prix

Le prix peut être :

  • déterminé au moment de la rédaction du pacte ;
  • déterminable, via une formule (indice, référence comptable, expert).

Un prix révisable est recommandé pour tenir compte de l’évolution de la société.

Comment rédiger une clause de buy or sell ?

Les éléments essentiels

  • Déclencheur : mésentente grave, non-respect d’engagements, deadlock décisionnel.
  • Procédure : notification écrite, délais de réponse, modalités de rachat.
  • Fixation du prix : déterminé ou selon un mode de calcul objectif.
  • Modalités de paiement : délai, étalement, garanties.

Exemple de clause (modèle simplifié)

En cas de désaccord grave et persistant entre les associés, l’un d’eux pourra notifier à l’autre son intention de mettre en œuvre la présente clause. Il proposera un prix par titre pour le rachat de la totalité des participations de l’autre. Ce dernier disposera d’un délai de trente jours pour soit céder ses titres au prix proposé, soit acquérir ceux de l’initiateur au même prix. À défaut de réponse dans le délai, il sera réputé avoir accepté l’offre initiale.

Les avantages et limites de la clause de buy or sell

Avantages

  • Résolution rapide des conflits internes
  • Fin des blocages décisionnels
  • Préservation de la valeur de la société
  • Mécanisme dissuasif encourageant le compromis

Limites

  • Risque financier si le prix est mal estimé
  • Risque d’éviction d’un associé économiquement plus faible
  • Nécessité de trésorerie disponible pour exercer l’option d’achat

D’où l’importance d’une rédaction sur-mesure par un avocat.

Comparaison avec d’autres clauses du pacte d’associés

Clause Objet Mécanisme Particularité
Buy or sell Sortie forcée en cas de désaccord Offre de rachat et contre-offre obligatoire Évite les situations de blocage
Clause de préemption Priorité d’achat interne Droit de premier refus en cas de cession Maintient la stabilité du capital
Clause de bad leaver Gestion des départs d’associés Rachat forcé des parts à valeur réduite Disciplinante pour les managers
Clause d’offre alternative Version enrichie du buy or sell Offre et contre-offre successives Plus souple et équitable
Clause alsacienne Variante moins radicale Vente progressive des parts Permet une sortie en douceur

FAQ – Les questions que se posent les dirigeants de PME

1. Quelle est la différence entre une clause de buy or sell et une clause de buy out ?

La clause de buy out impose la cession forcée des parts d’un associé selon des conditions précises (ex. : départ, décès). La buy or sell repose, elle, sur un mécanisme symétrique entre deux associés en désaccord.

2. Peut-on insérer une clause de buy or sell dans tous les types de sociétés ?

Oui, notamment dans les SAS, SARL et SNC. Elle doit toutefois respecter les règles de gouvernance propres à chaque structure.

3. Le prix peut-il être librement fixé par un associé ?

Oui, mais le principe d’équité est assuré par le mécanisme lui-même : celui qui fixe le prix prend le risque d’être vendeur ou acheteur. Les juges valident cette pratique si le second associé n’est pas lésé.

4. Quelle précaution prendre avant mise en œuvre ?

Faites évaluer la société par un expert-comptable ou un évaluateur indépendant pour éviter toute contestation ultérieure sur la valeur des titres.

5. Peut-on réviser un prix déjà convenu dans la clause ?

Oui, il est fortement conseillé d’insérer une clause de révision pour adapter le prix en fonction de la situation réelle de la société.

Les enseignements jurisprudentiels récents

  • Cass. com., 20 septembre 2011, n° 10-27.186 : validation d’une clause buy or sell dans une société à parts égales ;
  • Cass. com., 12 février 2025, n° 23-16.290 : la clause n’est pas nulle pour fixation unilatérale du prix ;
  • Cass. com., 28 avril 2009, n° 08-13.044 : importance d’un prix équilibré pour éviter une éviction arbitraire.

Faut-il prévoir l’assistance d’un avocat ?

La rédaction et la mise en œuvre d’une clause de buy or sell constituent des opérations techniques et stratégiques. Elles impliquent une analyse fine de la structure du capital, de la capacité financière des associés et des conséquences fiscales.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.