Découvrez tout sur la condamnation solidaire en droit français : sa définition, ses effets, la différence avec la condamnation in solidum, ses conséquences en matière de dommages et intérêts et les recours possibles entre codébiteurs. Un guide complet pour dirigeants de PME, par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.

Lorsqu’une entreprise ou ses dirigeants se retrouvent exposés à une condamnation solidaire, les implications financières et juridiques peuvent être considérables. Cette notion, qui permet à un créancier ou à une victime d’exiger le paiement intégral d’une dette auprès d’un seul débiteur, repose sur un mécanisme puissant du droit français : l’obligation solidaire.
Cette solidarité peut jouer en matière contractuelle, délictuelle ou même judiciaire, notamment par le biais d’une condamnation in solidum. Comprendre ses ressorts est donc essentiel pour anticiper les risques juridiques et protéger votre entreprise.
La condamnation solidaire désigne la situation où plusieurs débiteurs sont tenus ensemble vis-à-vis d’un créancier pour le paiement intégral d’une même dette. Autrement dit, le créancier peut exiger la totalité de la créance à l’un seulement des débiteurs, sans avoir à diviser sa demande.
L’article 1310 du Code civil pose le principe fondamental : la solidarité ne se présume pas — elle doit résulter du contrat ou de la loi. Ainsi, la solidarité entre codébiteurs découle soit d’une clause contractuelle explicite, soit d’une disposition légale particulière.
En pratique, les chefs d’entreprise rencontrent la solidarité contractuelle dans de nombreuses situations : contrats de prêt, baux commerciaux, garanties de paiement, etc.
Exemple : dans un contrat de caution solidaire, le créancier peut s’adresser indifféremment au débiteur principal ou à la caution pour obtenir le paiement intégral de la dette.
Exemple de clause de solidarité contractuelle :
« Les débiteurs déclarent expressément être tenus solidairement au paiement des sommes dues au titre du présent contrat. En conséquence, le paiement effectué par un seul d’entre eux libérera les autres à due concurrence. »
L’obligation solidaire suppose une seule dette commune résultant d’un même engagement. Les codébiteurs sont liés par un contrat ou une disposition légale qui prévoit expressément leur solidarité.
Exemple : deux sociétés co-emprunteuses auprès d’une banque sont solidairement tenues au remboursement.
L’obligation in solidum, en revanche, résulte d’une condamnation judiciaire lorsque plusieurs personnes ont contribué, chacune pour partie, à un même dommage.
Exemple : deux prestataires ayant concouru à une perte économique peuvent être condamnés in solidum à indemniser la victime, même sans lien contractuel entre eux.
Ainsi,
Le principal intérêt de la condamnation solidaire tient à la facilité de recouvrement. Le créancier n’a pas à partager la dette entre les codébiteurs : il peut simplement exiger le paiement total d’un seul d’entre eux.
Ce mécanisme lui évite de subir les conséquences de l’insolvabilité éventuelle des autres codébiteurs.
Effet pratique : une banque peut réclamer 100 % du remboursement à une seule société co-contractante, quitte à ce que celle-ci se retourne ensuite contre ses co-emprunteurs.
Le créancier dispose d’un droit d’option : il peut poursuivre un seul codébiteur pour le tout, ou plusieurs successivement. Le paiement complet par l’un libère automatiquement les autres.
Une fois la dette réglée, le débiteur ayant payé dispose d’un recours contre ses coobligés. Il peut réclamer à chacun sa part et portion de la dette. Toutefois, en cas d’insolvabilité d’un autre codébiteur, cette perte se répartit entre les autres débiteurs.
Exemple :
Dans un contrat de prêt de 100 000 €, signé par deux dirigeants solidaires :
Le tableau suivant résume les différences principales :
Une condamnation solidaire peut être prononcée pour des dommages et intérêts, notamment lorsqu’un dommage résulte de fautes conjointes.
Les juges peuvent condamner plusieurs personnes solidairement à réparer le même préjudice afin d’assurer la réparation intégrale de la victime.
Exemple : une société mère et sa filiale, ayant conjointement contribué à un dommage commercial, peuvent être condamnées solidairement à indemniser la victime.
Le codébiteur solidaire qui a payé l’intégralité de la dette dispose d’un recours subrogatoire et d’un recours personnel contre ses coobligés.
La jurisprudence rappelle que ce recours existe même si le paiement n’a été que partiel.
Lorsqu’un tribunal prononce une condamnation solidaire, il peut aussi condamner les débiteurs solidairement au paiement des frais de justice (article 700 CPC).
Cela signifie qu’un seul débiteur peut être obligé de régler l’intégralité des honoraires, des frais d’avocat et des dépenses non remboursées par les dépens.
La condamnation solidaire ne peut être prononcée que si elle est expressément demandée par la partie civile ou le créancier.
En matière délictuelle, les juridictions ne peuvent la prononcer d’office.
Exemple : la Cour de cassation (Crim., 29 mai 2024) a rappelé que le juge ne peut condamner solidairement plusieurs auteurs d’un délit si la partie civile n’a pas demandé la solidarité.
C’est une créance due par plusieurs débiteurs, chacun tenu pour le tout à l’égard du créancier.
La condamnation in solidum est prononcée par le juge pour un dommage commun alors qu’il n’y a pas de lien juridique entre les débiteurs. La solidarité, elle, découle d’un texte ou d’une clause.
Devant le tribunal, le demandeur (créancier ou partie civile) doit expressément solliciter la condamnation solidaire dans ses conclusions.
Il faut soit une clause contractuelle explicite, soit une disposition légale ou une demande judiciaire formulée par la partie civile.
Oui, plusieurs auteurs d’un préjudice peuvent être condamnés solidairement à indemniser la victime.
Vous pouvez exercer un recours contre vos co-débiteurs pour récupérer leur part respective.
Le régime de la solidarité comporte de nombreuses conséquences pratiques et stratégiques :
Ces situations demandent une analyse personnalisée. Le droit des obligations étant une matière réglementée, le conseil d’un avocat est indispensable pour anticiper les risques et négocier les clauses de solidarité dans vos contrats commerciaux.