Maîtrisez l’action oblique en droit des obligations : définition, conditions, mécanisme, exemples, différences avec action paulienne et action directe, et astuces pratiques pour créanciers.
L’action oblique est un dispositif redoutablement efficace offert au créancier pour éviter que l’inertie de son débiteur ne compromette le recouvrement de sa créance. Ce mécanisme permet au créancier d’intervenir en justice à la place de son débiteur afin d’exercer un droit à caractère patrimonial négligé par celui-ci, dans le seul but de préserver le patrimoine qui garantira le paiement de sa propre créance.
L’action oblique, prévue à l’article 1341-1 du Code civil, autorise un créancier à agir en lieu et place de son débiteur négligent pour exercer les droits et actions à caractère patrimonial de ce dernier. Elle a été consacrée par la jurisprudence et le législateur comme une garantie du droit de gage général des créanciers.
À retenir :
• Il s’agit d’une action exercée pour le compte du débiteur, non en son nom propre.
• Elle vise tout droit patrimonial du débiteur, sauf ceux strictement personnels (droit à l’image, choix d’un régime matrimonial, etc.).
Schéma typique :
• A est créancier de B, qui a lui-même une créance contre C.
• B reste inactif face à C, ce qui compromet le paiement de A.
• A peut exercer, à la place de B, l’action contre C pour préserver son droit au paiement.
Exemple concret :
Une entreprise A doit être payée par son client B. Or B est lui-même créancier d’un tiers C (facture impayée). Si B n’agit pas contre C et que son inaction met en péril le paiement dû à A, ce dernier peut intenter une action oblique contre C pour que la créance de B (contre C) soit recouvrée, augmentant ainsi les fonds disponibles pour A.
Pour être recevable, l’action oblique suppose le respect de conditions strictes :
Le créancier doit détenir une créance réelle, non contestée (certaine), dont le montant est déterminé (liquide) et exigible (payable immédiatement).
La carence du débiteur doit compromettre le recouvrement des créances du créancier. Il doit exister un risque concret pour le créancier, lié à l’inaction du débiteur.
L’action oblique requiert que le débiteur soit resté passif, n’ait pas engagé les démarches nécessaires pour conserver ou recouvrer un actif à caractère patrimonial. L’inertie doit être démontrée.
Le créancier ne peut exercer que des droits relatifs au patrimoine du débiteur (créances, actions en justice, part sociale…) et non des droits strictement personnels (révision de pension alimentaire, choix successoral personnel, acceptation d’une donation, etc.).
1. Constat de l’inaction du débiteur et du danger pour le créancier.
2. Notification/Mise en demeure fréquemment recommandée, pour laisser la possibilité au débiteur d’agir lui-même.
3. Exercice de l’action : le créancier agit devant le juge pour le compte du débiteur, en apportant tous les justificatifs nécessaires (contrats, factures, pièces…).
4. Effet du jugement : si la demande aboutit, la somme/les droits sont réintégrés dans le patrimoine du débiteur – non directement dans celui du créancier. Tous les créanciers du débiteur pourront ensuite en bénéficier (pas de privilège pour le créancier diligent).
• L’objet de l’action (par exemple, une somme d’argent obtenue contre C) enrichit le patrimoine du débiteur (B).
• Tous les créanciers de B peuvent alors se partager ce “renflouement”, sans privilège pour le créancier agissant : il n’a engagé la procédure que dans l’intérêt collectif des créanciers de B, conséquence du droit de gage général.
• Le sous-débiteur (C dans l’exemple) peut opposer toutes les exceptions qu’il pouvait faire valoir à l’encontre de son débiteur initial (B) – prescription, compensation, etc..
• Action oblique : outil contre l’inaction du débiteur, pas contre la fraude. On agit pour le compte de son débiteur pour reconstituer/maintenir le patrimoine garantissant la créance.
• Action paulienne : vise à faire annuler un acte frauduleux du débiteur qui appauvrit volontairement son patrimoine pour échapper au paiement de ses dettes (fraus omnia corrumpit).
• Action directe : prévue par la loi ou le contrat, elle permet au créancier d’agir directement contre le sous-débiteur, pour recevoir le paiement en son nom propre.
• Action oblique : le créancier agit pour le compte du débiteur, et non pour son propre compte, au profit (indirect) de tous les créanciers.
Ex : recours du sous-traitant contre le maître d’ouvrage (action directe), vs. créancier insatisfait qui doit passer par l’action oblique si l’action directe n’est pas prévue.
• Créance certaine, liquide et exigible
• Carence démontrée du débiteur dans l’exercice de ses droits patrimoniaux
• Danger ou préjudice pour les droits du créancier
• L’action oblique sert à éviter le préjudice causé par un débiteur inactif.
• L’action paulienne permet de contester un acte réalisé en fraude des droits du créancier (ex : vente d’un bien à vil prix pour organiser son insolvabilité).
• L’action directe vise à obtenir le paiement immédiat auprès du sous-débiteur (droit reconnu par la loi ou le contrat).
• L’action oblique ne permet que la reconstitution du patrimoine du débiteur, à partager entre tous ses créanciers.
• Le créancier d’une société défaillante qui saisit le tribunal pour faire recouvrer une facture que cette société détient contre son propre client.
• Un héritier négligeant d’accepter une succession ; le créancier intervient pour préserver sa créance contre la succession positive.
• Article 1341-1 du Code civil, qui reprend et précise la jurisprudence antérieure. Il exclut les droits personnels et pose la condition de carence du débiteur.
L’action oblique est un levier technique, réservé aux situations où l’inertie du débiteur met en danger le recouvrement de la créance. Elle s’inscrit dans l’esprit de protection du droit de gage général et suppose toujours une démarche rigoureuse, exigeant la démonstration d’une inaction du débiteur, d’un droit patrimonial délaissé et d’un vrai risque pour le créancier.
N’hésitez pas à solliciter un conseil spécialisé afin de préparer et justifier chaque étape de l’action pour assurer la recevabilité et l’efficacité de votre démarche.
À retenir :
L’action oblique protège tous les créanciers : elle n’apporte pas au créancier diligent un privilège, mais favorise la conservation et la réintégration du patrimoine garant de ses droits.