La perte de chance : définition, conditions, jurisprudence et modalités d’indemnisation en droit français des contrats et de la responsabilité civile. Analyse doctrinale et exemples concrets, par un avocat en contentieux commercial à Paris.
La notion de perte de chance désigne la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, qu’elle prenne la forme d’un gain escompté ou d’une possibilité d’éviter une perte. Il s’agit d’une construction jurisprudentielle, sans définition fixe, mais qui s’est imposée dans tous les champs de la responsabilité civile, notamment contractuelle et délictuelle.
La perte de chance trouve ses sources dans les arrêts majeurs de la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 7 nov. 2013 ; Cass. soc., 1er déc. 2009 ; Cass. 1re civ., 14 mai 2009).
La réparation de la perte de chance est donc reconnue comme un préjudice autonome, distinct du dommage final, pouvant ouvrir droit à réparation dès lors que ses éléments sont démontrés.
La Cour de cassation a opéré, le 27 juin 2025 (assemblée plénière, pourvois n°22-21.812 et n°22-21.146), un tournant interprétatif majeur du droit de la réparation du préjudice lié à la perte de chance.
Désormais, lorsque la faute du responsable prive la victime d’une éventualité favorable, le juge doit condamner le responsable à réparer la perte de chance constatée, même si la demande initiale du requérant portait formellement sur la réparation intégrale du dommage et non sur la perte de chance en tant que telle.
Concrètement, cela signifie que le juge, constatant l’existence d’une chance sérieuse et perdue, requalifie lui-même la demande de réparation pour accorder une indemnisation proportionnelle à la probabilité perdue, sans excéder la demande initiale ni ajouter aux prétentions des parties.
Dans les deux affaires ayant conduit à ces arrêts, la responsabilité professionnelle d’un avocat et d’un notaire était engagée :
• La faute (mauvaise gestion d’une procédure ou omission d’un formalisme) avait fait perdre à la victime la possibilité d’obtenir un résultat favorable (gain de cause ou avantage financier).
• La Cour a jugé que le juge ne pouvait refuser d’indemniser la perte de chance au motif que la demande portait sur le préjudice intégral, réaffirmant l’obligation de tenir compte du préjudice réel et probabiliste.
Cette évolution consacre la flexibilité du juge dans l’identification du préjudice indemnisable, prévenant ainsi toute violation du droit à réparation :
• Le juge n’est plus tenu par la seule formulation de la demande : il doit rechercher si la perte de chance est caractérisée, même sans demande expresse de la victime.
• Les professionnels (avocats, notaires) peuvent donc être condamnés à réparer la perte de chance causée par leur faute, ce qui sécurise les victimes et donne tout son sens au principe de réparation intégrale.
Cette solution jurisprudentielle moderne vise à renforcer la protection des parties victimes d’une perte de chance dans le contentieux civil et commercial, en harmonisant le rôle du juge avec l’objectif de justice réparatrice.
Pour être indemnisable, une perte de chance doit remplir trois conditions :
• La chance perdue doit être réelle et sérieuse.
• Sa disparition doit être certaine et irréversible.
• Elle doit avoir une probabilité raisonnable de se réaliser.
• L’avocat qui omet d’interjeter appel, faisant perdre à son client la possibilité de contester une condamnation : la jurisprudence admet l’indemnisation d’une chance, même faible, de réussir son appel (Cass. 1re civ., 16 janv. 2013).
• Le vendeur d’un bien immobilier privé, par faute du notaire, de la possibilité de vendre à des conditions plus avantageuses.
• Le salarié licencié abusivement, perdant la chance d’obtenir des avantages financiers liés à la poursuite du contrat.
Le caractère « sérieux » de la chance s’apprécie au cas par cas, sous le contrôle de la Cour de cassation, qui rappelle que « toute perte de chance ouvre droit à réparation » dès lors qu’elle est certaine et non purement hypothétique.
Le magistrat procède à une évaluation probabiliste, tenant compte du contexte, du temps écoulé, et des démarches effectuées par la victime.
La preuve repose sur des critères objectifs :
• La démonstration du dommage (ex : absence de l’avantage attendu).
• La démonstration du lien de causalité avec la faute invoquée (ex : défaut de conseil, omission d’un professionnel).
• La justification de la probabilité de succès ou d’obtention de l’avantage.
Un dirigeant d’entreprise perd la chance d’obtenir un financement du fait d’un conseil juridique erroné. L’indemnisation ne portera pas sur la totalité du montant espéré, mais sur une fraction strictement proportionnelle à la probabilité de concrétisation de l’opération, appréciée par le juge.
Modalités de calcul et montant de l’indemnisation
La réparation accordée n’est jamais équivalente à l’avantage total perdu. Le juge procède en deux phases :
• Évaluation du gain manqué ou de la perte évitée si la chance avait été saisie.
• Application d’un coefficient de réduction tenant compte de la probabilité que la chance se soit matérialisée.
Si la chance de gagner un procès est évaluée à 25%, la victime ne pourra prétendre qu’à 25% du montant du gain qu’elle aurait perçu en cas de victoire.
Certaines situations ne donnent pas lieu à indemnisation :
• Les chances purement hypothétiques ou spéculatives sont écartées.
• En cas de rupture de pourparlers, la perte de chance de conclure un contrat n’est pas indemnisée.
• Les préjudices purement économiques, sans démonstration d’un aléa réel, ne sont pas pris en compte.
La perte de chance est un préjudice distinct du gain manqué :
L’indemnisation n’est jamais égale au gain que la victime aurait obtenu si l’événement favorable était survenu. Elle représente uniquement la chance perdue d’obtenir ce gain.
Voici un exemple de clause adaptée pour sécuriser la rédaction contractuelle :
« Les parties conviennent que la réparation d’un préjudice causé par l’inexécution contractuelle pourra porter sur la perte de chance, dès lors que celle-ci sera établie comme réelle, sérieuse et certaine selon les critères de la jurisprudence applicable. »
Afin d’éviter la survenue d’un litige fondé sur la perte de chance, il est conseillé :
• De rédiger ses contrats avec précision, en identifiant clairement les obligations et les aléas.
• De veiller à remplir les obligations d’information, de conseil et d’exécution loyale, notamment pour les professionnels.
Un accompagnement juridique pertinent limite les risques de contentieux et permet d’anticiper les conséquences d’une perte de chance.
La Cour de cassation a précisé, dans ses arrêts récents de juin 2025 (pourvois n°22-21.812 et 22-21.146), que le juge ne peut refuser la réparation d’une perte de chance au seul motif que la victime n’a pas formulé explicitement cette demande.
Doctrine et auteurs soulignent que la notion reste dynamique, très évolutive et adaptée aux réalités du contentieux commercial et de la vie des affaires.
Il s’agit de la disparition certaine d’une possibilité favorable, sans certitude absolue de pouvoir l’obtenir.
Elle permet d’indemniser la perte d’une éventualité favorable, à condition que celle-ci soit réelle et que sa disparition soit certaine.
La perte de chance est la disparition de la probabilité d’obtenir un avantage. Le gain manqué est la perte effective de l’avantage lui-même ; l’indemnisation de la perte de chance est toujours partielle.
Les juges n’indemnisent que la perte de chance sérieuse ou raisonnable, non l’absence de chance, qui reste de l’ordre du hasard et de la spéculation.
La faute d’un avocat dans la gestion d’un dossier (par exemple, oubli d’un recours) peut ouvrir droit à indemnisation si une chance sérieuse de succès a été effectivement perdue.
La perte de chance se rattache en France au principe de la réparation intégrale fondé sur l’article 1240 du Code civil (anciennement art. 1382). Aucun texte spécial ne régit la notion.
Il faut démontrer la réalité de la chance perdue et le lien causal avec la faute. Les juges sont très exigeants sur ce point.
Un créateur d’entreprise privé de possibilité d’ouvrir son commerce par la faute d’un tiers.
Un client perdant la chance d’obtenir de meilleures conditions contractuelles du fait d’un conseil erroné.
La réparation relève de l’article 1240 du Code civil, qui vise l’obligation générale de réparer tout dommage, y compris la perte de chance sous certaines conditions.
La jurisprudence évolue en faveur d’une indemnisation, de plus en plus souple, mais soumise à preuve stricte et évaluation probabiliste.
La perte de chance est la disparition d’une opportunité favorable, suffisamment sérieuse pour être indemnisée.
La perte de chance de conclure un contrat, au stade de la négociation, n’est le plus souvent pas indemnisée, sauf exception liée à des démarches avancées ou un dommage suffisamment sérieux.
Les entreprises et professionnels doivent intégrer dans leur pratique la réalité et la portée de la perte de chance, en anticipant les risques, en sécurisant leurs contrats, et en sollicitant des conseils adaptés. La perte de chance, en droit français, demeure un outil précieux d’équilibre et de justice dans la réparation du préjudice.
Toutes les sections sont structurées pour le SEO, rédigées avec clarté et pédagogie, et enrichies d’exemples et de références doctrinales et jurisprudentielles
Guillaume Leclerc. Avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.
N'hésitez pas à me contacter pour toute question, je me ferai une joie de vous répondre !