21/9/25

Action récursoire : comprendre et maîtriser le recours de celui qui a réparé le dommage pour autrui

L’action récursoire permet à celui qui a réparé le dommage à la place d’un autre de se retourner contre ce dernier pour obtenir le remboursement des sommes versées. Ce dossier complet explore sa définition, son régime, ses délais de prescription, ses applications en droit civil et administratif, et ses différences avec l’action subrogatoire, avec de nombreux exemples pratiques et une FAQ détaillée.

Action récursoire : comprendre et maîtriser le recours de celui qui a réparé le dommage

Introduction : de quoi parle-t-on ?

Dans la pratique, il est fréquent qu’une personne soit contrainte de réparer un dommage à la place d’un autre, volontairement ou par décision judiciaire. Mais peut-elle se faire rembourser par ce dernier ? L’action récursoire répond précisément à cette problématique : elle permet à celui qui a indemnisé la victime de se retourner contre le véritable ou le coauteur du dommage afin d’obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes versées. Ce mécanisme est central, tant en responsabilité civile, qu’en matière contractuelle, administrative ou d’assurances.

Comprendre l’action récursoire

Définition de l’action récursoire

L’action récursoire, dans son principe, est le droit pour une personne qui a payé une indemnisation (par exemple, un débiteur, un responsable partiel, ou un assuré) de demander remboursement à celui dont la faute ou l’implication a concouru au dommage ou qui aurait dû assumer cette charge. L’action n’est pas exercée au nom de la victime, mais en son nom propre, en raison d’un « préjudice personnel d’avoir payé pour autrui ».

Encadré pédagogique : quand recourir à l’action récursoire ?

L’action récursoire s’exerce majoritairement :

  • Entre coauteurs ou coresponsables solidaires d’un dommage
  • Par un assureur poursuivi et condamné à indemniser en lieu et place du responsable
  • Entre constructeurs ou au sein des intervenants d’une chaîne contractuelle

Exemple concret : Co-responsabilité en matière de construction

Un maître d’ouvrage est condamné à indemniser une victime pour des désordres liés à la construction. Il estime que la faute principale appartient au sous-traitant ou au maître d’œuvre ? Il peut engager une action récursoire contre ces derniers, s’ils ont participé à la réalisation du dommage.

Les fondements juridiques de l’action récursoire

Cadre légal et sources principales

L’action récursoire n’a pas d’article dédicacé dans le Code civil mais elle découle de plusieurs fondements :

  • Principes généraux de la coresponsabilité (ancien art. 1382 et s., aujourd’hui 1240 et s. du Code civil)
  • Articles relatifs à la solidarité (art. 1317 à 1317-2 du Code civil)
  • Régimes spéciaux : Constructeurs (art. 1792 du Code civil), assurances, garantie des vices cachés (art. 1648 C. civ.)

Encadré pédagogique : L’article 1247 du Code civil

L’article 1247 prévoit que, lorsqu’il y a pluralité de responsables, chacun peut être condamné à réparer l’entier préjudice. Après paiement, il dispose alors d’une action récursoire contre les autres coresponsables, proportionnellement à leur part dans le dommage.

Les conditions d’exercice de l’action récursoire

Conditions de fond

Pour être recevable, il faut :

  • Un paiement effectif (avoir réparé ou indemnisé la victime)
  • Un lien de droit ou de fait (implication dans la survenance du dommage, solidarité, chaîne contractuelle…)
  • Une pluralité de personnes impliquées

Conditions de forme : procédure

  • L’action peut être exercée dès le paiement, ou parfois de manière préventive (par appel en garantie devant le juge saisi du litige principal)
  • Elle peut être exercée devant le même juge que la procédure principal ou séparément

Exemple réel : appel en garantie lors d’un contentieux

Lorsqu’un assureur est attrait en justice par la victime, il peut assigner en récursoire le co-assureur ou le responsable principal avant même que le juge se prononce définitivement sur le fond.

La prescription de l’action récursoire : quel délai ?

Point de départ du délai de prescription

La compréhension du délai de prescription de l’action récursoire est essentielle :

  • En principe : Le délai commence à courir dès la date où celui qui a indemnisé connaît, ou aurait dû connaître, tous les éléments lui permettant d’exercer l’action.
  • En général, il s’agit de la date de l’assignation initiale en responsabilité civile (cour de cassation, ch. mixte, 19 juillet 2024, n° 22-18.729).

Encadré : jurisprudence représentative

Un professionnel de santé est condamné en 2015 pour une erreur médicale. Il estime que la faute principale revient à un autre intervenant non assigné au procès initial. S’il a été informé de la participation de cet intervenant dès l’assignation, le point de départ du délai de prescription est cette première assignation.

Durée du délai : combien de temps pour agir ?

  • En droit commun : délai de 5 ans (article 2224 du code civil)
  • Régimes spéciaux : vices cachés (délai biennal de l’art. 1648), assurance (prescription biennale, art. L. 114-1 du Code des assurances)
  • Exceptions en construction : le délai démarre dès la demande d’indemnisation de la victime, pas à la condamnation définitive.

Particularités et exceptions

Si le coauteur n’était pas identifiable à la première assignation, le délai court à compter de la découverte de son implication.

Action récursoire et pluralité de responsables : comment s’articule la charge entre eux ?

La solidarité entre débiteurs d’un même dommage est fréquente en droit français. L’un de ces débiteurs, condamné à payer l’intégralité de la dette, peut en réclamer le remboursement à ses coresponsables au prorata de la gravité respective de leurs fautes.

Exemple : action récursoire entre constructeurs

Dans un contentieux lié à des désordres sur une construction, le maître d’ouvrage a obtenu réparation auprès de l’architecte. Ce dernier, estimant la faute principale imputable au bureau d’études, peut exercer une action récursoire contre ce dernier, à hauteur de sa part de responsabilité.

Les causes d’exonération du gardien de la chose

Quelles sont les causes d’exonération du gardien de la chose ?

Le gardien de la chose, assigné en responsabilité du fait des choses (art. 1242 C. civ.), peut limiter ou exclure sa propre responsabilité :

  • Cas fortuit ou force majeure
  • Faute de la victime (victime principale ou tiers)
  • Fait d’un tiers (sous certaines conditions précises)

Encadré : action récursoire dans l’hypothèse d’une exonération partielle

Si l’un des co-gardiens démontre que le dommage n’est imputable qu’à l’autre gardien ou à un tiers, il pourra exercer une action récursoire pour recouvrer la part indue de l’indemnisation versée.

Action récursoire et action subrogatoire : quelles différences ?

Définitions comparées

  • Action récursoire : permet à celui qui a indemnisé la victime en propre d’agir contre un autre participant à la réalisation du dommage pour lui en faire supporter la charge finale.
  • Action subrogatoire : l’auteur du paiement prend la place de la victime et agit en son nom contre le responsable.

Exemple synthétique :

  • Un assureur qui paie la victime en application du contrat d’assurance exerce une action subrogatoire contre le responsable (c’est-à-dire que le droit d’agir lui est transmis par la victime).
  • Un constructeur qui paie une condamnation pour le compte de plusieurs co-constructeurs peut exercer une action récursoire, car il supporte une part du préjudice qui pouvait incomber à autrui.

Application spécifique : action récursoire en droit administratif

Le mécanisme de l’action récursoire devant la juridiction administrative

L’action récursoire est également admise en droit administratif, particulièrement dans le cadre de la responsabilité de l’État et des agents publics. Elle s’applique en cas de cumul de fautes entre administration et agent ou entre deux personnes publiques.

Illustration : jurisprudence Laruelle et Delville

  • Affaire Laruelle et Delville : la réparation définitive entre administration et agent est déterminée en fonction de la gravité respective des fautes commises.
  • Si l’État a indemnisé la victime et que la faute principale incombe à l’agent, celui-ci peut être poursuivi en action récursoire pour rembourser totalement ou partiellement l’administration.

Action récursoire et contrats : exemples de clauses et rédaction

Exemple de clause d’action récursoire dans un contrat commercial

Clause type :

« En cas de condamnation conjointe ou solidaire des parties au titre d’un même dommage, chacune s’engage à garantir l’autre à hauteur de sa part de responsabilité établie judiciairement, conformément aux principes de l’action récursoire. »

Cette clause sécurise la relation entre partenaires et organise à l’avance la répartition de la charge financière d’une éventuelle condamnation.

Encadré pratique : conseils pour introduire une action récursoire

  • Documenter soigneusement le paiement effectué (preuves, jugement, virements)
  • Identifier avec précision le ou les coresponsables
  • Réunir les éléments de preuve de leur implication dans la réalisation du dommage
  • Respecter les délais de prescription : agir rapidement, idéalement en parallèle à la procédure principale par un appel en garantie

Foire aux questions (FAQ) sur l’action récursoire

Action récursoire : définition simple

L’action récursoire est le droit donné à celui qui a payé la totalité (ou une partie) d’une indemnisation de la récupérer, en tout ou en partie, auprès d’un autre responsable du même dommage.

Action récursoire et subrogatoire : quelle différence pratique ?

L’action subrogatoire permet d’agir « à la place » de la victime, tandis que l’action récursoire vise à faire supporter la charge de l’indemnisation à un autre coresponsable au nom d’un préjudice propre. En pratique, la nature du droit satisfait n’est pas la même.

Quelle est la durée du délai d’action récursoire ?

Le délai commun est de 5 ans à compter du jour où l’auteur du paiement a connaissance de tous les faits lui permettant d’agir. Ce délai peut être réduit dans certains régimes spéciaux.

Le nouvel article 1244-1 du Code civil : quel impact ?

L’article 1244-1, dans sa version issue de la réforme, précise la solidarité entre débiteurs d’une obligation, notamment en responsabilité délictuelle, facilitant ensuite l’action récursoire au profit du payeur contre les autres coresponsables.

L’article 1247 du Code civil : pourquoi est-il fondamental ?

L’article 1247 consacre le principe du recours entre coresponsables : la personne qui a réparé l’intégralité du dommage dispose d’un recours contre les autres, proportionnellement à leur part de responsabilité.

Quelles causes d’exonération pour le gardien de la chose ?

Le gardien peut limiter ou exclure sa responsabilité par la preuve d’un cas fortuit, de la force majeure, de la faute de la victime ou du fait d’un tiers. Cela impactera proportionnellement la possibilité de recours contre ses co-gardiens.

Quel est le champ d’application de l’action récursoire en droit administratif ?

Elle s’exerce entre administrations et agents publics, selon la gravité des fautes respectives (jurisprudence Delville et Laruelle).

Existe-t-il un lien avec l’action subrogatoire dans le Code civil ?

Oui, les deux régimes peuvent se croiser : par exemple, un assureur subrogé peut exercer une action récursoire contre un coréparateur, dès lors qu’il a payé la totalité du préjudice au titre de la subrogation.

Quel est le nouvel article 1101 du Code civil ?

L’article 1101 pose la définition générale du contrat dans le Code civil. Il peut trouver à s’appliquer en matière contractuelle face à l’action récursoire découlant d’un réseau contractuel (chaîne de contrats ou solidarité contractuelle).

Action récursoire : code civil, articles de référence ?

Les références majeures sont les art. 1240, 1247, 1317 à 1317-2, 2224, 1648 du Code civil, selon le champ d’application (responsabilité délictuelle, contractuelle, vices cachés…).

Conclusion

L’action récursoire occupe une place majeure dans notre droit des obligations, constituant l’outil de partage équitable de la charge indemnitaire entre plusieurs débiteurs ou responsables. Maîtriser son régime, ses modalités d’exercice, ses exceptions et distinctions avec l’action subrogatoire est essentiel tant pour les praticiens que pour les justiciables, dirigeants d’entreprise, assureurs ou acteurs du BTP.
Sa pratique, techniquement exigeante, requiert vigilance sur la prescription, anticipation contractuelle et rigueur probatoire.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.