L’action récursoire permet à celui qui a réparé le dommage à la place d’un autre de se retourner contre ce dernier pour obtenir le remboursement des sommes versées. Ce dossier complet explore sa définition, son régime, ses délais de prescription, ses applications en droit civil et administratif, et ses différences avec l’action subrogatoire, avec de nombreux exemples pratiques et une FAQ détaillée.
Dans la pratique, il est fréquent qu’une personne soit contrainte de réparer un dommage à la place d’un autre, volontairement ou par décision judiciaire. Mais peut-elle se faire rembourser par ce dernier ? L’action récursoire répond précisément à cette problématique : elle permet à celui qui a indemnisé la victime de se retourner contre le véritable ou le coauteur du dommage afin d’obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes versées. Ce mécanisme est central, tant en responsabilité civile, qu’en matière contractuelle, administrative ou d’assurances.
L’action récursoire, dans son principe, est le droit pour une personne qui a payé une indemnisation (par exemple, un débiteur, un responsable partiel, ou un assuré) de demander remboursement à celui dont la faute ou l’implication a concouru au dommage ou qui aurait dû assumer cette charge. L’action n’est pas exercée au nom de la victime, mais en son nom propre, en raison d’un « préjudice personnel d’avoir payé pour autrui ».
L’action récursoire s’exerce majoritairement :
Un maître d’ouvrage est condamné à indemniser une victime pour des désordres liés à la construction. Il estime que la faute principale appartient au sous-traitant ou au maître d’œuvre ? Il peut engager une action récursoire contre ces derniers, s’ils ont participé à la réalisation du dommage.
L’action récursoire n’a pas d’article dédicacé dans le Code civil mais elle découle de plusieurs fondements :
L’article 1247 prévoit que, lorsqu’il y a pluralité de responsables, chacun peut être condamné à réparer l’entier préjudice. Après paiement, il dispose alors d’une action récursoire contre les autres coresponsables, proportionnellement à leur part dans le dommage.
Pour être recevable, il faut :
Lorsqu’un assureur est attrait en justice par la victime, il peut assigner en récursoire le co-assureur ou le responsable principal avant même que le juge se prononce définitivement sur le fond.
La compréhension du délai de prescription de l’action récursoire est essentielle :
Un professionnel de santé est condamné en 2015 pour une erreur médicale. Il estime que la faute principale revient à un autre intervenant non assigné au procès initial. S’il a été informé de la participation de cet intervenant dès l’assignation, le point de départ du délai de prescription est cette première assignation.
Si le coauteur n’était pas identifiable à la première assignation, le délai court à compter de la découverte de son implication.
La solidarité entre débiteurs d’un même dommage est fréquente en droit français. L’un de ces débiteurs, condamné à payer l’intégralité de la dette, peut en réclamer le remboursement à ses coresponsables au prorata de la gravité respective de leurs fautes.
Dans un contentieux lié à des désordres sur une construction, le maître d’ouvrage a obtenu réparation auprès de l’architecte. Ce dernier, estimant la faute principale imputable au bureau d’études, peut exercer une action récursoire contre ce dernier, à hauteur de sa part de responsabilité.
Le gardien de la chose, assigné en responsabilité du fait des choses (art. 1242 C. civ.), peut limiter ou exclure sa propre responsabilité :
Si l’un des co-gardiens démontre que le dommage n’est imputable qu’à l’autre gardien ou à un tiers, il pourra exercer une action récursoire pour recouvrer la part indue de l’indemnisation versée.
L’action récursoire est également admise en droit administratif, particulièrement dans le cadre de la responsabilité de l’État et des agents publics. Elle s’applique en cas de cumul de fautes entre administration et agent ou entre deux personnes publiques.
Clause type :
« En cas de condamnation conjointe ou solidaire des parties au titre d’un même dommage, chacune s’engage à garantir l’autre à hauteur de sa part de responsabilité établie judiciairement, conformément aux principes de l’action récursoire. »
Cette clause sécurise la relation entre partenaires et organise à l’avance la répartition de la charge financière d’une éventuelle condamnation.
L’action récursoire est le droit donné à celui qui a payé la totalité (ou une partie) d’une indemnisation de la récupérer, en tout ou en partie, auprès d’un autre responsable du même dommage.
L’action subrogatoire permet d’agir « à la place » de la victime, tandis que l’action récursoire vise à faire supporter la charge de l’indemnisation à un autre coresponsable au nom d’un préjudice propre. En pratique, la nature du droit satisfait n’est pas la même.
Le délai commun est de 5 ans à compter du jour où l’auteur du paiement a connaissance de tous les faits lui permettant d’agir. Ce délai peut être réduit dans certains régimes spéciaux.
L’article 1244-1, dans sa version issue de la réforme, précise la solidarité entre débiteurs d’une obligation, notamment en responsabilité délictuelle, facilitant ensuite l’action récursoire au profit du payeur contre les autres coresponsables.
L’article 1247 consacre le principe du recours entre coresponsables : la personne qui a réparé l’intégralité du dommage dispose d’un recours contre les autres, proportionnellement à leur part de responsabilité.
Le gardien peut limiter ou exclure sa responsabilité par la preuve d’un cas fortuit, de la force majeure, de la faute de la victime ou du fait d’un tiers. Cela impactera proportionnellement la possibilité de recours contre ses co-gardiens.
Elle s’exerce entre administrations et agents publics, selon la gravité des fautes respectives (jurisprudence Delville et Laruelle).
Oui, les deux régimes peuvent se croiser : par exemple, un assureur subrogé peut exercer une action récursoire contre un coréparateur, dès lors qu’il a payé la totalité du préjudice au titre de la subrogation.
L’article 1101 pose la définition générale du contrat dans le Code civil. Il peut trouver à s’appliquer en matière contractuelle face à l’action récursoire découlant d’un réseau contractuel (chaîne de contrats ou solidarité contractuelle).
Les références majeures sont les art. 1240, 1247, 1317 à 1317-2, 2224, 1648 du Code civil, selon le champ d’application (responsabilité délictuelle, contractuelle, vices cachés…).
L’action récursoire occupe une place majeure dans notre droit des obligations, constituant l’outil de partage équitable de la charge indemnitaire entre plusieurs débiteurs ou responsables. Maîtriser son régime, ses modalités d’exercice, ses exceptions et distinctions avec l’action subrogatoire est essentiel tant pour les praticiens que pour les justiciables, dirigeants d’entreprise, assureurs ou acteurs du BTP.
Sa pratique, techniquement exigeante, requiert vigilance sur la prescription, anticipation contractuelle et rigueur probatoire.
Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.