Commercial contracts
18/9/25

La clause d’exclusivité : Décryptage complet, aspects pratiques et jurisprudence

Découvrez tout sur la clause d'exclusivité en contrat commercial ou de travail : définitions, validité, conditions, modèles, exemples, jurisprudence et pièges à éviter, analysés par un avocat à Paris.

Qu’est-ce qu’une clause d’exclusivité ? Définition et principes

La clause d’exclusivité désigne une stipulation contractuelle interdisant à une partie de traiter avec d’autres partenaires ou d’exercer une activité concurrente dans un domaine ou sur un territoire déterminé pendant une durée précise. Ce mécanisme vise à protéger les intérêts économiques d’un contractant – distributeur, salarié, prestataire ou partenaire commercial – et à organiser la loyauté au sein de la relation contractuelle.

Exemple pratique :
Un fabricant accorde l’exclusivité de distribution de ses produits à un distributeur en France, à la condition qu’il ne distribue pas de produits concurrents sur ce marché pendant 5 ans.

Encadré pédagogique
La clause d’exclusivité se distingue de la clause de non-concurrence, cette dernière opérant postérieurement à la rupture du contrat, quand la clause d’exclusivité s’applique durant l’exécution du contrat.

Les différents types de clause d’exclusivité en pratique

Clause d’exclusivité commerciale : Fonctionnement et illustration

La clause d’exclusivité commerciale s’intègre très souvent dans les contrats de distribution, d’agence, de franchise, ou de fourniture. Elle peut revêtir deux configurations :

  • Exclusivité d’approvisionnement : un distributeur s’engage à s’approvisionner exclusivement auprès d’un fournisseur (et inversement, exclusivité de clientèle).
  • Exclusivité territoriale : la relation est réservée à un territoire déterminé, empêchant toute concurrence sur cette zone.

Exemple d’exclusivité commerciale :
« Le Distributeur s’engage à acheter et à commercialiser exclusivement les produits X dans la région Île-de-France pour une durée de 3 ans. Il s’interdit toute commercialisation de produits concurrents sur ce territoire. ».

Jurisprudence illustrant la validité territoriale
La chambre commerciale de la Cour de cassation exige que la clause soit précisément définie dans l’espace et dans le temps, sous peine de nullité

Clause d’exclusivité dans les contrats de travail

Dans les contrats de travail, la clause d’exclusivité interdit au salarié d’exercer toute autre activité professionnelle, rémunérée ou non, durant la relation d’emploi.

Exemple concret
Une clause insérée au contrat d’un responsable commercial interdisant l’exercice d’une activité annexe auprès d’un concurrent durant son temps de travail.

Attention aux temps partiels :
La clause d’exclusivité insérée dans un contrat à temps partiel est par principe abusive et n’est valable qu’à de strictes conditions, notamment la nécessité absolue pour protéger l’intérêt de l’entreprise (Cass. soc., 12 mars 2008, n° 06-45.464).

Clause d’exclusivité dans les partenariats et prestations de service

Cette clause figure aussi dans les contrats de prestation de services ou de partenariats commerciaux, protégeant l’innovation ou l’expertise partagée entre entreprises ; elle impose qu’aucun service similaire ne soit presté pour des tiers en concurrence directe pendant la durée du contrat.

Conditions de validité d’une clause d’exclusivité

La clause d’exclusivité ne sera valable qu’à la condition d’être:

  1. Justifiée par la protection d’un intérêt légitime : l’employeur, fournisseur ou partenaire doit prouver que l’exclusivité est indispensable à la sauvegarde de ses intérêts fondamentaux.
  2. Proportionnée au but recherché : la clause ne doit pas restreindre la liberté d’action du débiteur au-delà du nécessaire.
  3. Strictement limitée quant à sa durée et son champ d’application (territorial, matériel).
  4. Contrepartie réelle (notamment en droit des contrats commerciaux et distribution ; parfois sous forme d’un avantage financier, d’un soutien technique, d’un transfert de savoir-faire, etc.).
  5. Formalisée par écrit et clairement acceptée.

Attention : La nullité de la clause est encourue si elle prive la partie obligée de sa liberté fondamentale (travailler ou entreprendre), sans justification.

Exemples concrets et modèles de clauses d’exclusivité

Modèle de clause d’exclusivité commerciale

« Au titre de la présente convention, le Distributeur s’engage pendant une durée de x années à promouvoir et vendre exclusivement les Produits du Fournisseur sur le territoire de …… . En contrepartie, le Fournisseur garantit au Distributeur une exclusivité territoriale sur ce même territoire et lui accorde un avantage commercial particulier (préciser : remises, assistance, etc.). ».

Modèle de clause d’exclusivité dans un contrat de travail

« Pendant toute la durée du présent contrat, le Salarié s’engage à consacrer l’exclusivité de son activité professionnelle à l’Employeur et s’interdit, sauf accord préalable écrit, d’exercer toute activité concurrente, salariée ou indépendante. Cette disposition vise à protéger les intérêts économiques et la confidentialité des informations relatives à l’Entreprise. ».

Les cas dans lesquels la clause d’exclusivité ne s’applique pas ou est abusive

  1. Temps partiel : la clause est en principe présumée abusive, sauf justification gravissime liée à la nature des fonctions ou à la protection d’un intérêt vital (Cass. soc., 12 mars 2008).
  2. Absence d’intérêt légitime : sans démonstration d’un risque réel pour l’entreprise, la clause est réputée nulle (Cass. soc., 20 juin 2018 ; 21 mars 2012).
  3. Restriction disproportionnée : une clause interdisant toute activité accessoire, même bénévole ou non concurrente, est systématiquement invalidée si elle n’est pas légitimée (Cass. soc., 8 nov. 2023).
  4. Durée ou champ trop vastes : l’exclusivité illimitée dans le temps ou l’espace est frappée de nullité.
  5. Clause abusive dans le partenariat : la clause d’exclusivité peut constituer une pratique anticoncurrentielle si elle verrouille indûment le marché (risque de sanction par l’Autorité de la concurrence).

Exemple d’abus sanctionné

Dans l’affaire Cass. soc., 29 mai 2024, une clause interdisant toute activité parallèle, même non concurrentielle, a été annulée en raison de l’absence de lien avec la nature des fonctions exercées.

Jurisprudence récente et analyse doctrinale

  • Validité et proportionnalité : la Cour d’appel de Paris a rappelé l’exigence d’une contrepartie proportionnée pour toute exclusivité durable (CA Paris, 12 sept. 2018).
  • Justification objective et exclusivité imposée : plusieurs arrêts de la chambre sociale ont annulé des clauses d’exclusivité faute de besoin avéré ou de justification par les fonctions exercées.

Box jurisprudentiel :

  • Cass. soc., 12 mars 2008, n° 06-45.464 : clause d’exclusivité en temps partiel jugée abusive.
  • Cass. soc., 20 juin 2018, n° 17-14.009 : nullité pour absence de justification objective.
  • CA Lyon, 17 avril 2025 : validité d’une clause limitée à cinq ans, circonscrite à un secteur précis.

Clause d’exclusivité et droit de la concurrence

La clause doit impérativement respecter les règles du droit de la concurrence. Une clause d’exclusivité qui a pour effet de verrouiller un marché peut être frappée de nullité, voire entraîner des sanctions de l’Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne. Le règlement UE n°330/2010 prévoit une tolérance sous la barre des 30% de parts de marché pour ce type d’accords.

Exemple :
Un franchiseur impose à un franchisé l’achat exclusif de marchandises, mais cette clause ne saurait empêcher toute concurrence sur un marché entier, sous peine de nullité.

FAQ - Les questions essentielles sur la clause d’exclusivité

C’est quoi la clause d’exclusivité ?

Il s’agit d’une stipulation interdisant de traiter ou d’exercer une activité parallèle à celle du cocontractant sur une période et un périmètre strictement déterminés, afin de fidéliser la relation et maximiser l’investissement réciproque.

Quels sont les cas où la clause d’exclusivité ne s’applique pas ?

Elle ne s’applique pas lorsque la justification fait défaut, lorsque le salarié est à temps partiel (hors dérogations rares), ou si la restriction imposée excède de manière disproportionnée la liberté professionnelle du débiteur.

Quelle est la clause d’exclusivité dans un NDA (accord de confidentialité) ?

Dans un NDA, la clause d’exclusivité implique que le cocontractant ne peut négocier ou traiter des informations confidentielles similaires avec un tiers, limitant toute divulgation ou exploitation concurrentielle.

Une clause d’exclusivité peut-elle donner lieu à une contrepartie financière ?

Oui, notamment dans les contrats commerciaux : l’exclusivité doit souvent être accompagnée d’une contrepartie financière ou d’avantages matériels équitables. Son absence justifiée peut conduire à la nullité de la clause.

Modèle de clause d’exclusivité commerciale ou prestation de service

Voir section supra pour les modèles de rédaction (adaptables selon activité, périmètre, durée, contrepartie, fonctions, secteur).

Qu’est-ce qu’une clause d’exclusivité abusive ?

C’est une clause disproportionnée, insuffisamment justifiée, ou dont l’étendue excède le strict nécessaire à la protection des intérêts légitimes du créancier ; elle est alors réputée nulle.

Clause d’exclusivité et auto-entrepreneur

La clause d’exclusivité à l’égard d’un auto-entrepreneur est admise mais fait l’objet d’un strict contrôle : il faut prouver qu’elle est indispensable, proportionnée et compatible avec le statut d’indépendant.

Comment demander la levée d’une clause d’exclusivité (modèle de courrier) ?

Il convient d’adresser une lettre recommandée avec accusé de réception à l’employeur ou au partenaire, justifiant la demande par l’absence d’intérêt légitime ou le caractère excessif de la restriction (modèle sur demande).

Points d’attention et conseils de rédaction pour les praticiens

  • Toujours motiver la clause par un intérêt concret et légitime ;
  • Limiter l’objet (types d’activités concernées) ;
  • Définir le périmètre territorial ;
  • Préciser la durée, la clause n’étant jamais illimitée (et souvent plafonnée à 10 ans en matière commerciale) ;
  • Prévoir une contrepartie réelle en cas de déséquilibre manifeste ;
  • Définir clairement les exceptions et la procédure de levée ;
  • **Documenter chaque étape de la négociation ** pour sécuriser l’équilibre contractuel.

Conclusion
La clause d’exclusivité, pilier des contrats commerciaux et de travail modernes, ne se conçoit admissible qu’encadrée par la rigueur du formalisme, le principe de proportionnalité et le respect du droit de la concurrence. Rédigez, motivez, limitez : c’est la clé d’une relation contractuelle sécurisée, équilibrée et durable.

À propos de l’auteur

Guillaume Leclerc, avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.

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