L’exécution forcée en nature : définition, régime juridique, conditions, exemples jurisprudentiels et réponses aux questions fréquentes sur l’article 1221 du Code civil. Ce guide complet s’adresse aux praticiens et professionnels du droit commercial soucieux de la force contractuelle et des moyens de contrainte en cas d’inexécution.
L’exécution forcée en nature est le mécanisme par lequel le créancier peut contraindre le débiteur à exécuter l’obligation à laquelle il s’est engagé, en recourant si nécessaire à la justice. Elle vise à obtenir exactement ce qui était convenu (livraison d’un bien, réalisation d’une prestation…), par opposition à l’exécution par équivalent qui consiste en l’obtention de dommages-intérêts en guise de réparation.
Exemple concret
Un entrepreneur n’achève pas les travaux prévus dans un contrat de rénovation. Le maître d’ouvrage insatisfait pourra demander la réalisation effective des travaux – et non simplement une indemnisation financière.
L’obligation en nature est celle qui oblige le débiteur à fournir exactement la prestation promise, non une compensation financière. L’exécution forcée en nature est le moyen d’obtenir cette satisfaction, sur le fondement des articles 1103, 1221 et suivants du Code civil.
L’exécution forcée en nature s’oppose à la réparation par équivalent qui donne lieu au paiement de dommages-intérêts. Ce principe s’ancre dans la force obligatoire des contrats : « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » (art. 1103 CC).
Le créancier, après avoir mis en demeure le débiteur, peut poursuivre l’exécution en nature, sauf si elle est impossible ou disproportionnée par rapport à l’intérêt du créancier. L’exécution forcée en nature est donc en principe de droit.
Exemple de mise en œuvre
Dans un contrat de vente immobilière, si le vendeur refuse de livrer le bien, l’acheteur peut solliciter la livraison forcée devant le juge.
Pour être recevable, la demande doit réunir trois conditions fondamentales :
Encadré pédagogique
La mise en demeure est un préalable essentiel : il ne suffit pas de constater l’inexécution, encore faut-il que le débiteur ait été expressément invité à s’exécuter.
1. Impossibilité
L’exécution en nature est exclue s’il existe une impossibilité matérielle (bien détruit), morale (obligation de caractère personnel impossible à imposer – exemple : réalisation d’un tableau par un artiste) ou juridique (exclusion par une règle supérieure ou situation factuelle juridiquement bloquante).
Exemple pédagogique
Un bailleur qui a successivement loué le même local à deux preneurs : il sera impossible d’obtenir une exécution forcée pour le second si le premier occupe régulièrement les lieux.
2. Disproportion manifeste (article 1221)
L’exécution forcée en nature est également exclue si elle engendre un coût manifestement disproportionné par rapport à l’intérêt du créancier. La disproportion est appréciée par le juge, en tenant compte de la situation des parties et de l’intérêt réel du créancier.
Exemple concret
Exiger la destruction et la reconstruction d’une annexe déplacée de quelques centimètres peut être jugé disproportionné si l’intérêt du créancier est marginal au regard du coût pour le débiteur.
Le créancier peut, après mise en demeure et à un coût raisonnable, faire exécuter l’obligation par un tiers ou demander en justice la destruction de ce qui a été fait en violation de l’obligation, aux frais du débiteur. Cette faculté devient extrajudiciaire pour l’exécution par un tiers mais nécessite une autorisation judiciaire pour la destruction.
Exemple de clause
« En cas de manquement de l’une ou l’autre des parties à ses obligations contractuelles, la partie victime de la défaillance pourra requérir l’exécution forcée en nature, conformément à l’article 1221 du Code civil, sous réserve des limites légales. »
L’alignement récent de la jurisprudence permet à la fois un contrôle de la disproportion et favorise l’effectivité de la force obligatoire du contrat, tempérée par une appréciation pragmatique de l’intérêt et du dommage.
Jurisprudences-clés
C’est la contrainte exercée sur le débiteur pour qu’il exécute exactement, et non par équivalent, l’obligation prévue au contrat.
Il faut une obligation certaine, exigible, liquide (pour les obligations d’argent), une inexécution établie, une demande postérieure à une mise en demeure, et absence d’impossibilité ou de disproportion manifeste.
L’exécution forcée en nature est impossible :
C’est l’obligation qui impose au débiteur d’exécuter matériellement ce à quoi il s’est engagé (livraison, fabrication, destruction, etc.), indépendamment de toute compensation pécuniaire.
L’exécution forcée en nature ressuscite la force obligatoire du contrat, tout en réservant une place de choix à l’appréciation judiciaire du coût et de l’intérêt. Son maniement exige une vigilance contractuelle accrue dans la rédaction et l’exécution des engagements commerciaux.
Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris, septembre 2025.