Commercial contracts
9/10/25

Mandat d'intérêt commun : définition, régime et enjeux en droit commercial

Le mandat d’intérêt commun est une notion essentielle du droit des contrats commerciaux, régulant les relations entre mandant et mandataire dans le cadre d’accords stratégiques et collaboratifs. Découvrez les règles, les exemples concrets, la jurisprudence clé et les points de vigilance à anticiper avec l’accompagnement d’un avocat spécialisé.

Introduction au mandat d'intérêt commun

Le mandat d’intérêt commun constitue l'une des figures les plus sophistiquées du droit des contrats commerciaux, au cœur des relations d'affaires entre entreprises et partenaires. Ce type de mandat, loin du schéma classique, s’inscrit dans une dynamique où les intérêts du mandant et du mandataire sont structurellement liés et protégés, dépassant la simple logique de représentation.

Exemple concret :
Imaginez un fabricant confiant la distribution exclusive de ses produits à un distributeur sur un territoire donné, avec un dispositif de co-développement et de co-investissement dans le réseau de distribution. Le distributeur agit ici dans l’intérêt commun des deux parties : il développe le marché tout en protégeant le positionnement du fabricant.

Définition juridique et fondement du mandat d'intérêt commun

Origine et source du mandat d'intérêt commun

Le mandat d’intérêt commun trouve son origine dans la pratique commerciale et la jurisprudence, avant d’être consacré par l’article L.134-1 et suivants du Code de commerce pour le mandat d’agent commercial, puis de façon plus large dans d’autres contrats collaboratifs.

Encadré pédagogique :
Le caractère d'intérêt commun ne se présume jamais. Il est issu du contrat, des obligations réciproques, et de la volonté manifeste des parties de faire converger leurs intérêts économiques autour de la mission du mandataire.

Définition légale et doctrinale

Contrairement au mandat classique, le mandat d'intérêt commun suppose que le mandataire n'œuvre pas seulement pour le compte du mandant, mais également dans son propre intérêt, lié à celui du mandant. Les deux parties sont engagées dans la réussite commune de la mission.

Exemple de clause :
« Le présent mandat est consenti dans l’intérêt commun des parties. Le mandataire s’engage à développer le réseau de distribution dans le territoire désigné, les investissements réalisés le seront dans l’intérêt réciproque des parties. »

Les conditions de validité du mandat d'intérêt commun

L’intérêt commun : critères, preuves et indices

Pour qu’un contrat soit reconnu comme étant un mandat d’intérêt commun, trois critères essentiels doivent être remplis :

  • La volonté claire et écrite des parties
  • L’engagement d’investissements ou de développement réciproques
  • La présence d'obligations structurantes et convergentes

Exemple concret :
Un franchiseur et un franchisé co-investissant dans une marque, le mandataire (franchisé) ayant la possibilité de bénéficier des actifs ou des clientèles élaborés, tout en ayant l’obligation de les protéger dans l’intérêt de tous.

Eléments rédactionnels incontournables

Il est crucial d’intégrer dans le contrat une clause explicite rappelant l’intérêt commun pour éviter toute requalification ou litige ultérieur.

Régime juridique du mandat d'intérêt commun

Droits et obligations spécifiques des parties

Dans le mandat d’intérêt commun, les obligations du mandataire débordent la simple exécution fidèle : elles englobent la protection, la valorisation et la sécurisation du patrimoine des deux parties.

Tableau  : Régime comparé

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Mandat classique Mandat d'intérêt commun
Obligations principalement envers le mandant Obligations envers le mandant et la réussite du projet commun
Résiliation libre en principe Résiliation encadrée et soumise à indemnisation
Pas de protection particulière du mandataire Protection accrue de la relation et des investissements réalisés

Rupture et fin du mandat d'intérêt commun

Cadre juridique de la résiliation

La rupture d’un mandat d'intérêt commun n’est pas libre : elle suppose un préavis et, en cas de préjudice, le versement d’une indemnité au mandataire pour la perte du « bénéfice de l'intérêt commun ».

Exemples jurisprudentiels

La jurisprudence a souvent rappelé que la résiliation abusive du mandat d'intérêt commun entraîne la condamnation du mandant à réparer l’ensemble des pertes subies, notamment lorsque le mandataire a investi pour développer le projet commun.

Exemple :
Une société d’importation ayant développé un réseau sur plusieurs années se voit retirer brutalement le mandat alors même que le contrat prévoyait l'intérêt commun et des obligations de développement partagé.

Les avantages et limites du mandat d'intérêt commun

Intérêts pour le mandant

  • Sécurise la relation et fidélise le mandataire.
  • Optimise la croissance par une coopération durable.
  • Protège l’accès à la clientèle et au réseau.

Intérêts pour le mandataire

  • Accès à des droits et protections renforcés.
  • Possibilité d’investir et de valoriser ses apports.
  • Garantie d’indemnisation en cas de rupture.

Limites et points de vigilance

  • Risques de requalification en mandat classique si la clause d'intérêt commun est absente ou mal rédigée.
  • Nécessité de caractériser le véritable partage d’intérêt pour éviter les litiges.

Exemples de mandats d'intérêt commun en pratique

Mandat d’agent commercial

L’agent commercial agit souvent dans l’intérêt commun, associant le développement de clientèle et la protection des investissements, avec un cadre légal spécifique (indemnité de fin de contrat).

Mandats dans le secteur immobilier

Un promoteur désigne un mandataire chargé de vendre des lots, les commissions étant indexées sur la réussite commune et la valorisation de l’opération globale.

Mandat dans les réseaux de distribution

Dans les contrats de distribution exclusive ou sélective, le distributeur est investi du pouvoir de développer le réseau dans l’intérêt commun du développement de la marque.

FAQ sur le mandat d'intérêt commun

Qu’est-ce que le mandat d’intérêt commun ?

Le mandat d’intérêt commun est une forme de contrat dans laquelle mandant et mandataire s’engagent pour la réussite de la mission et la protection d’intérêts économiques réciproques.

Comment rédiger une clause d’intérêt commun ?

Il convient d’intégrer une clause expresse rappelant la volonté des parties de partager les risques, les investissements et les bénéfices, tout en précisant les droits à indemnisation en cas de rupture.

Peut-on rompre librement un mandat d’intérêt commun ?

Non. La rupture doit être motivée, respectueuse d’un préavis et accompagnée, le cas échéant, d’une indemnisation pour le mandataire.

Quels sont les risques de mauvaise rédaction ?

Une clause vague ou absente expose à la requalification du contrat en mandat classique, privant le mandataire des droits particuliers tirés de l’intérêt commun.

Quels exemples illustrent le mandat d’intérêt commun ?

  • Agent commercial dans la distribution exclusive.
  • Mandat dans les réseaux immobiliers où le mandataire investit aux côtés du mandant.
  • Mandats de co-développement industriel ou technique.

Encadré : Une matière complexe nécessitant l’avis d’un avocat

Le mandat d’intérêt commun soulève des enjeux économiques, juridiques et fiscaux nombreux. Sa rédaction et sa gestion requièrent une analyse approfondie et adaptée à chaque situation. Dans ce contexte, il est essentiel de solliciter l’appui d’un avocat spécialisé pour anticiper les risques, sécuriser les clauses et optimiser la collaboration entre les parties.

Article rédigé par Guillaume Leclerc, avocat en contrats commerciaux et contentieux commerciaux à Paris.