La rupture brutale des relations commerciales établies est strictement encadrée par l’article L.442-1, II du Code de commerce. Définition, conditions, durée du préavis, jurisprudence récente et exemples concrets : toutes les réponses pour comprendre et gérer ce contentieux majeur en droit commercial.
Définition juridique
Une relation commerciale établie se caractérise par la régularité, la stabilité et la durée suffisantes des échanges entre partenaires. Cette relation n’implique pas nécessairement la formalisation par un contrat écrit. Une succession de bons de commande, de factures ou un simple courant d’affaires continu peut suffire, dès lors que le partenaire pouvait légitimement envisager une certaine pérennité dans la poursuite des affaires.
Exemple concret :
Un fournisseur travaillant chaque année depuis plus de 10 ans avec une enseigne de distribution, sur la base de commandes répétées, bénéficie d’une relation commerciale établie, même sans contrat cadre.
Jurisprudence
La Cour de cassation considère que la relation peut être établie même sans écrit si la continuité et la récurrence des échanges autorisaient une confiance légitime en la stabilité de la relation (Cass. com. 17 mars 2004).
Encadré pédagogique
Une mise en concurrence systématique (appels d’offres réguliers) fait obstacle au caractère établi, car la relation devient par essence précaire.
L’article L.442-1, II du Code de commerce interdit à toute personne exerçant une activité de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans un préavis écrit tenant compte notamment de la durée de la relation, des usages ou des accords interprofessionnels.
Point de vue d’avocat
L’action ne vise pas à empêcher la rupture elle-même, mais à sanctionner la brutalité de celle-ci, c’est-à-dire l’absence de préavis ou un préavis manifestement insuffisant pour permettre au partenaire évincé de s’adapter.
Exemple concret
Un fabricant qui stoppe toutes commandes à un sous-traitant du jour au lendemain, ou qui retire l’essentiel d’une gamme de produits du référencement du distributeur avec effet immédiat, expose sa responsabilité au titre de la rupture brutale.
Nuance fondamentale
La rupture abusive sanctionne une violation fautive du contrat (hors force majeure ou inexécution suffisamment grave), tandis que la rupture brutale sanctionne avant tout le caractère soudain de l’arrêt, indépendamment de l’existence d’un tout éventuel manquement contractuel.
Exemple concret
Une entreprise met fin du jour au lendemain à une collaboration de longue date avec un fournisseur, sans préavis, alors que celui-ci dépend économiquement de cette relation : il s’agit d’une rupture brutale, même si aucun contrat écrit ne liait les deux parties.
Critères d’appréciation par les juges
Plafond légal
La durée du préavis ne peut excéder 18 mois, quels que soient l’ancienneté de la relation ou le secteur d’activité (article L.442-1, II C. com.).
Durée de la relation
Préavis jugé suffisant
Exemple pédagogique
Un distributeur manquant de diversifier ses sources et dépendant d’un fournisseur peut prétendre à un préavis plus long. À l’inverse, le juge peut estimer qu’un préavis plus court était suffisant si la saisonnalité ou la configuration du marché permettait une réorganisation rapide.
Le préavis n’est pas dû en cas d’inexécution grave du cocontractant ou de force majeure. Encore faut-il caractériser la gravité objective de la faute, ou la survenance d’un événement imprévisible et irrésistible.
La responsabilité encourue est avant tout délictuelle selon la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation, mais certains contentieux internationaux admettent une approche contractuelle lorsque la relation était tacite ou contractualisée (CJUE 2016 Granarolo, CA Paris 2019).
L’indemnité réparatrice couvre le préjudice résultant uniquement du caractère brutal (et non la rupture elle-même), souvent calculée sur la perte de marge brute (chiffre d’affaires HT – coûts HT) que la victime aurait effectivement réalisée si un préavis raisonnable avait été respecté.
Encadré pédagogique
Le juge ne retient jamais des durées de préavis excessives : le plafonnement légal à 18 mois sert de référence.
« Chacune des parties pourra mettre fin à la présente relation commerciale, sous réserve de respecter un préavis écrit d’une durée de X mois, compte tenu notamment de la durée de la relation, des usages et de la nécessité pour la partie évincée de se réorganiser. »
Attention
Aucune clause ne saurait priver un partenaire du droit à un préavis suffisant en cas de rupture hors inexécution particulièrement grave.
La durée dépend de l’ancienneté de la relation, des usages et circonstances ; elle ne peut dépasser 18 mois.
C’est la cessation totale ou partielle d’un courant d’affaires significatif, sans préavis écrit suffisant ou avec un préavis manifestement insuffisant.
Voir première section – stabilité, durée, régularité, analyse in concreto du flux d’affaires.
Il s’agit d’un arrêt fautif au regard du contrat, qui peut se cumuler, sous conditions, avec la rupture brutale hors préavis suffisant.
Oui, la jurisprudence retient que l’absence d’écrit n’empêche pas d’établir une relation commerciale protégée.
L’article L.442-1 du Code de commerce est la référence centrale, complétée par la jurisprudence de la Cour de cassation et de la CJUE.
Les tendances actuelles insistent sur la proportionnalité du préavis et la prise en compte de la situation économique et des comportements concrets pour caractériser la brutalité ou non.
Cet article se veut la référence complète, rigoureuse mais pédagogique, actualisée des solutions pratiques et contentieuses en matière de rupture des relations commerciales établies, à la fois pour l’entreprise désirant sécuriser la fin d’une relation, que pour celle subissant une cessation brutale et cherchant l’indemnisation de son préjudice.
Guillaume Leclerc, avocat au Barreau de Paris en contrats commerciaux et contentieux des affaires.
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